Il y a des ouvrages qui nous projettent dans une réalité psychique, historique et intime. Ce magnifique ouvrage en est un exemple brillant, émouvant et original. La bande son aux musiciens illustres et les images des peintres qui peuvent accompagner ce récit, forment une fenêtre de réalité émotionnelle unique et marquante.
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Ce fut encore plus vrai lorsqu’après un lamento d’une grande intensité dramatique, par le tutti des cordes qui s’épanchait en si bémol majeur, le chœur entra en procession et monta s’installer dans les deux balcons de chaque côté de l’orgue pour entonner un air de déploration de la terre allemande sur la mort du prince. Puis La Renommée fit entendre un récitatif dans lequel toute l’Europe était invitée à pleurer la mort du Kayser, le chœur au complet reprenant la première mélodie pour exprimer le ruissellement mortifère du temps.
Une voix de soprano entonna ensuite un chant de plainte pour la disparition de « la plus grande majesté du monde » : l’air était composé de deux strophes émouvantes suivies d’un refrain où, à la façon d’une lamentation antique, un Eheu de douleur résonnait de par les voûtes et glaçait les auditeurs. Eheu, la mort n’épargne pas César, Eheu, la mort n’épargne pas l’Autriche, Eheu, l’Empire est orphelin, l’Autriche est orpheline et nous nous lamentons.
Suivait un récitatif confié à une voix de basse qui incarnait la Crainte de Dieu, puis un air que concluait le chœur entier illustrait à nouveau la vanité des choses et la brièveté des temps. « Le Juste » prenait le relais avec un autre récitatif à la gloire du défunt, suivi d’un air insistant sur les qualités de l’Empereur, juste, pieux, si honorable et vertueux. Le chœur au complet reprenait l’antienne de la vanité, de l’impuissance qui nous conduit tous au tombeau.
Ses mains exerçaient sur moi une grande fascination. Au clavecin, dans la copie de musiques, lors de la confection d'une sauce ou d'un gâteau, ses doigts montraient autant de souplesse que de fermeté. Au jardin, il me semblait qu'à leur contact les plantes poussaient avec davantage de vigueur. Puis lorsque je la vis soigner notre enfant, je compris que ces doigts étaient de l'amour pour les êtres comme pour la musique, l'instrument par lequel son corps élégant se liait au monde.
Johann Sebastian [Bach] avait dix années de moins que moi, et j'enviais d'autant plus la liberté dont il jouissait. Ainsi ce voyage, qu'il avait entrepris à seule fin d'enrichir son art, traversant le pays, tout animé de son désir de voir Père, et ne prêtant guère attention à la froidure, aux pluies et aux difficultés de la marche. Faut-il être mariée ou appartenir à une communauté pour être plus libre de ses mouvements et voir le monde ?
C'est avec cette génération de musiciens que la tradition du musicien artisan a commencé à se perdre au profit de l'artiste musicien dans nos contrées : il fallait pour cela un fort sentiment de sa valeur, et la certitude que la musique sert les bonnes relations entre les hommes et celles des hommes à Dieu.