Murièle Modély est une fille moderne, une fille de son temps, avec un sacré réseau, le genre qu'on siffle avec les pouces en l'air. Ce n'est pas moi mais elle qui le dit dans son dernier livre.
Tu écris des poèmes est déjà son sixième recueil, et au risque de la faire rougir (mais c'est charmant de rougir !) je crois pouvoir affirmer qu'à chaque nouvelle parution, elle s'impose un peu plus dans le petit monde la poésie. le livre se compose de trois parties bien distinctes dans leurs formes, ainsi titrées et qualifiées : Tu écris des poèmes, à la lettre ("genre de pièce poétique") et des signes.
Murièle Modély s'interroge sur l'activité d'écrire et sur la spécificité de l'écriture poétique en passant par le tu : choix pertinent, tant il est vrai qu'il faut parfois savoir se dédoubler pour mieux s'adresser à l'Autre (et à soi-même). Cette exploration de l'activité d'écrire des poèmes et cette quête de l'identité du poète se font avec une certaine dose d'auto-dérision et comme toujours – c'est sûrement ce que j'apprécie le plus chez elle – beaucoup de sensualité. Car dans les textes de Murièle Modély, le corps est omniprésent, il déborde de toute part : il jaillit, il exulte, il jouit... et, au milieu de tout ça, avant, pendant, après, il écrit.
comme le poème, tu as un trou au milieu de la phrase
un cratère d'où les mots roulent, s'écoulent jusqu'aux chevilles
agrandissent jour après jour la surface de l'île
d'un littoral friable
qui plonge dans la mer
comme le poème
tu cours de falaises en crevasses
jusqu'à atteindre le vers
la matière est floue sous la canopée
le poème et toi êtes deux espèces endémiques
tes poèmes sont noirs
avec beaucoup de poils
de la chair
des sécrétions
des odeurs d'encre épaisse
des seins lourds
une langue humide
des fentes
des plis
tes poèmes sont
n'importe quelle partie de ton corps
n'importe laquelle
une jambe
un rein
un os
n'importe laquelle
sauf la tête
comment s'appelle la sœur qui a le pouvoir de figer