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Mais quelle immense déception ! A aucun moment, AUCUN, l'auteur ne remet en cause le fait de tuer des animaux pour notre plaisir. A la place, au seul moment où il évoque l'antispécisme, c'est pour dire que les antispécistes sont les pires car ils créent une autre hiérarchie. Bref, il n'a rien compris au sujet. Il continuera de se gargariser de respecter le vivant en bouffant son entrecôte, probablement parce que la vache a "bien vécu". Ce livre est tout simplement une imposture.
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Quel est le point commun entre des loups, une éponge et Spinoza ? Et comment peut-on passer de Proust aux canidés ? La première question trouve sa réponse dans Manières d'être vivants, recueil de communications au premier abord un tantinet hétéroclite mais qu'une même visée militante et démonstrative ramasse. C'est un itinéraire de lectures par discussions, rebonds, et recommandations qui répond à la deuxième. Merci aux amis précieux qui permettent la maturation d'une réflexion toujours en chemin.

« Une saison chez les vivants » vous met à l'affut des loups dans le Sud-Vercors. Dans les sous-bois, là où la neige est plus molle, à l'écart des pistes de ski, à l'aplomb d'une paroi, on piste les traces. Des empreintes divergentes ou de la rectiligne trajectoire dans laquelle ils auront été pourtant au moins cinq à mettre leurs pattes, on extrapole les comportements, le museau au vent ou le ventre à terre, l'ouïe aux aguets. En mimant, d'après les laisses odorantes et les traces, ce qu'a dû être sa gestuelle, on imagine la meute. Et de cet exercice qui impose son éprouvé, la puissance d'un corps dans un environnement commun, on ressent le vivant en partage. Je suis nous loup aussi et c'est bon ! nous dit Morizot. A ce stade, je hurlais mon contentement en retour.

Bien loin d'un dualisme qui mettrait l'homme d'un côté, la Nature de l'autre, la raison au-dessus, les pulsions tout en bas, l'humain ici, les animaux là, on communie dans un vivant qui fait remonter à fleur de peau les réminiscences d'ancestrales ascendances. Car il s'agit de penser l'évolution « comme accumulation sédimentaire d'ascendances animales, parfois végétales, bactériennes aussi, dans chaque corps vivant. » Ces couches se manifestant non par une géologie de la profondeur mais dans une disponibilité à la surface, « comme des spectres qui vous hantent » et vous constituent. du pouce opposable à l'attachement pour tout bébé, de la capacité à reconnaître le rouge d'un fruit mûr dans le vert d'une frondaison, « nous avons tous, nous vivants, un corps épais de temps, fait de millions d'années, tissé d'aliens familiers, et bruissant d'ancestralités disponibles. »

(Parenthèse pour happy few : Des milliers de réminiscences constitutives d'autant d'ascendants variés, ça vous a une autre gueule que la seule cristallisation d'une identité autour de quelques souvenirs d'enfance momifiés !)

Aussi, quand il s'est agi de se mettre dans la peau d'une éponge, j'étais prête. Bon, ça m'a moins emballée. J'ai été enchantée de l'hommage au sel. Cette idée qu'aujourd'hui encore, comme en des temps immémoriaux où nos ancêtres étaient aquatiques, nous sommes constitués d'eau et que, lorsque nous salons notre pitance, nous faisons allégeance à cette lignée. Me convainc bien moins que ce soit cette prise de conscience qui nous empêchera de détruire faunes et flores sur le principe que chaque extinction prive l'avenir d'un potentiel d'intelligence et de développement au moins aussi stimulant que ce qu'a donné l'évolution de l'éponge jusqu'à l'homme. C'est Mozart qu'on assassine dans chaque espèce de bactérie sacrifiée. D'un point de vue philosophique et évolutionniste, j'ai envie de dire, oui et alors ? Il n'y a aucune nécessité à ce que quoi que ce soit advienne en particulier. Et si l'homme anéantit tout son environnement, ça ne contrariera pas plus que ça n'exaucera aucun plan. Par contre, ça exige sa petite larme catastrophée d'un lectorat sensible à une cause militante. Et ça, c'est pas vraiment compatible avec une réflexion philosophique qui devrait se faire absolument préservée du souci de son influence, non ?

Le chapitre « Philosophie politique de la nuit » a pour cadre l'observation d'une zone où loups et troupeaux cohabitent vaille que vaille. Au sein d'un dispositif officiel visant à pacifier les rapports entre les uns et les autres, Baptiste Morizot théorise le rôle de diplomate, de traducteur inter espèces qui lui permet de sortir d'un dualisme loup méchants / brebis gentilles, de donner du poids aux contraintes et points de vue des différents partis. Cette fonction, il la définit, l'endosse avec une abnégation que j'ai trouvée presque ostentatoire et un peu pénible.
Certes, depuis ma fenêtre, confortablement installée, je dispose d'une tranquillité que n'a ni le loup affamé ni l'éleveur de brebis, ni l'écolo désespéré. Mais j'ai trouvé là encore un mélange des genres qui m'a dérangée. La curiosité pour cet autre qu'est le loup, l'urgence à répondre à l'extinction massive des espèces arment le propos du philosophe d'une volonté d'agir, là où une observation attentive et la moins engagée possible, une conceptualisation pure m'auraient davantage convenu. Comme si, après les idéologies qui imposaient qu'on fasse une révolution prolétaire, après le devoir d'ingérence et ses sacs de riz, il s'agissait désormais, au nom de la survie de l'humanité, qu'on s'enrôle dans une nouvelle guerre armée. Qu'on fasse allégeance à une nouvelle utopie. Verte cette fois. Mais toujours avec ses héros, ses donneurs de leçons qui prennent avantageusement la pose, exhibant le romantisme tragique de leur condition, celui qui leur va si bien au teint. Bof. Sans moi.

J'ai gardé pour la fin « cohabiter avec ses fauves » car c'est le chapitre qui m'a procuré le plus de plaisir, m'a le plus puissamment fait réfléchir. Pour un hors-série sur Spinoza dans Philosophie Magazine, Baptiste Morizot a livré une lecture de l'Ethique au moyen d'une métaphore animalière. Je ne vais pas refaire la démonstration mais j'ai pisté à mon tour ces fauves que sont nos désirs, j'ai ressenti la nécessité d'écouter celui qui me procurait le plus de joie, qui m'élevait le mieux. J'ai retrouvé dans la méthode recommandée quelque chose d'éprouvé, à savoir qu'il faut, par l'observation fine du « comportement délicat et ardent de sa vie affective », par des habitudes et des bricolages, continuer de nourrir le désir qui nous permet de persévérer dans l'existence. Reconnaître aussi que « les passions nocives n'existent pas en soi comme l'autre de la raison, elle ne sont (…) qu'une forme individuée du flot de désir qu'est un être humain » mais détournées. Et s'interroger sur les causes du désir afin d'en saisir parfaitement sa nature exacte. Cohabiter avec ses fauves, partager l'espace, vivre de leur puissance qui est notre essence. Quelle justesse ! Et quelle magnifique perspective si on déploie ce rapport de soi à soi à soi au monde ! Extension et explication d'une essence qui se réalise dans la puissance vitale de la joie : Ahouuu !!
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Baptiste Morizot reprend ici l'idée de la crise de la sensibilité comme cause à la crise écologique. Cet ouvrage, dans ses différentes parties est complet et permet de comprendre intimement la thèse du philosophe. Littérature et pensée sont habillement mêlées afin d'exposer la thèse. Chaque être vivant a une manière de vivre différente, aucune hiérarchie entre elle n'est possible, et surtout n'a de sens. Il est donc urgent d'instaurer une diplomatie entre les vivants ainsi qu'avec le non vivant que Morizot omet encore trop selon moi.

C'est un livre rafraichissant, cruellement d'actualité et qui se lit facilement malgré l'originalité que peut présenter la thèse pour des lecteurs peu habitués.
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Un philosophe pisteur de loups, de cols en vallons, hiver comme été, n'hésitant pas à hurler au crépuscule avec la meute quand celle-ci se rassemble pour chasser, afin de susciter une réponse. Bref, un philosophe tout terrain.
Sa grande connaissance des loups et du territoire où ils évoluent lui a permis de saisir les différentes interactions à l'oeuvre : non seulement entre les loups, mais aussi avec les bergers, les chiens, les moutons et le milieu que ceux-ci arpentent.

Cette expérience de terrain lui permet de proposer une diplomatie interespèces des interdépendances. Dans ce contexte particulier, le diplomate est celui qui se laisse saisir, toucher par les acteurs en conflit et leurs impératifs : le loup, la nécessité de chasser pour survivre ; la brebis, le besoin d'être protégée ; le chien, sa mission de garder le troupeau ; le berger, son attachement à ses bêtes et le capital qu'elles représentent. Sans oublier la prairie qu'un pâturage trop intensif peut mettre à mal. le diplomate se met à l'écoute des différents partis et composent avec leurs intérêts divergents. Il travaille essentiellement pour les relations car ce sont elles qui permettent une cohabitation viable pour tous.

Jean-Baptiste Morizot étend ce concept à toutes les relations qui peuvent exister sur un territoire mais aussi aux collectifs humains, comme un nouveau mode d'action dans une société où le conflit l'emporte sur le dialogue. C'est aussi une alternative aux oppositions systématiques qui empêchent tout compromis.

Pour l'auteur, il est primordial de bien connaître son territoire et les relations qui s'y nouent comme préalable à l'action politique. Il nous fait également partager son émerveillement face à un monde qui révèle ses beautés et ses mystères à ceux qui savent le contempler. Il nous introduit dans la complexité des interdépendances et nous rappelle que nous faisons partie intrinsèquement de la communauté des vivants.

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Un livre passionnant. L'air de rien, avec une approche toute en souplesse, discrétion et modestie, c'est un livre qui a vraiment changé ma façon de voir les choses. J'ai, depuis, davantage la capacité à regarder le monde depuis un autre point de vue. Ou en tout cas a accepté que ce monde soit partagé par d'autres façons de le vivre et de le traverser. Depuis que je l'ai lu (un petit bout de temps maintenant), je me promets d'y revenir et d'approfondir les "pistes" proposées.
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C'est peut-être le livre le plus renversant, au sens propre, que j'ai lu ces 20 dernières années : en parcourant simplement ses pages, j'avais le sentiment de vivre déjà, de réaliser pleinement, d'accéder enfin à la plus belle des réponses à cette question classique de la philosophie : comment faut-il vivre ? La réponse est évidente, elle est là sous nos yeux à tous, depuis la nuit des temps, en plein lumière à chaque pleine lune, limpide comme le cours d'eau, aussi évidente et majestueuse que l'arbre, troublante aussi, fascinante même, et finalement belle telle une meute de loups, « superbes animaux » disait le poète.
« E pluribus unum » : voilà la seule façon d'être vivant, de l'être pleinement, respectueusement de la vie même. le sociologue aime dire que « l'homme est animal suspendu dans les toiles signification qu'il a lui-même tissées ». le philosophe, surtout quand il se fend d'être aussi éthologue a plus raison encore de dire la primeur au vivant (appelez-le « la nature » si cela vous plait davantage), car nous sommes tous suspendus dans les toiles de l'interdépendance et, si nous l'oublions complétement, nous pourrions bien chuter tous. On n'est jamais vivant seul, ou alors on l'est contre, et ce n'est plus que de la survie. On est pleinement vivant que lorsque l'on sait les liens qui nous relient, les différences qui nous réunissent, les dépendances qui nous soutiennent. Que lorsque l'on comprend quelle est sa place et qu'y rester n'est pas une entrave mais bien la seule liberté, la seule vérité.
Le livre de Baptiste Morizot est aussi beau qu'intelligent. Il prend aux tripes, touche au plus profond de la chair, inonde d'émotions, pénètre au creux du coeur et de l'esprit. Une pure merveille, un grand, très, très grand livre !
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Une pensée claire et intelligente qui nous aide à repenser notre place dans la nature. Baptiste Morizot débusque les préjugés culturels qui nous ont amenés à considérer le monde qui nous entoure comme un réservoir de ressources à notre disposition. Cette position délétère nous mène à la catastrophe. B.Morizot nous propose de nous considérer comme des vivants parmi d'autres ; il change notre regard. Cela donne de l'espoir et surtout, permet de retrouver du sens à notre condition humaine. Gros coup de coeur.
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Ne plus considérer l'homme comme un protagoniste évoluant dans un décor constitué de la nature, mais comme faisant parti d'un tout, le vivant. Une réflexion qui en enrichit d'autres, comme l'importance de revoir notre utilisation aberrante de l'espace, condamnant des milliards d'autres vivants à l'extinction. L'humain n'habite pas la Terre, mais il cohabite. Comment amorcer une diplomatie inter-espèces ? Baptiste Morizot analyse avec beaucoup de poésie et de justesse cette question (et d'autres!)
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Un essai passionnant, en tout cas, il m'a réellement passionné et les réflexions de l'auteur résonnent toujours en moi un mois après l'avoir terminé.

Baptiste Morizot est enseignant en philosophie mais il consacre aussi du temps à pister les loups. Quel est le rapport me direz-vous ? Et bien, si dans un premier temps, on peut se poser la question, tout prend sens au fil de la lecture de cet ouvrage.

Après un long et brillant chapitre d'introduction sur notre rapport au vivant et à la nature, l'auteur nous emmène sur la piste d'une meute vivant dans le Vercors. Puis nous voilà avec lui à observer la cohabitation des loups et des troupeaux dans le Var pour une étude au long cours. Et ensuite, il nous entraîne dans ses réflexions de philosophe sur notre rapport faussé à la Nature et au vivant. Et pour finir une préface d'Alain Damasio.

C'est dense et intelligent même si parfois la lecture a été un peu difficile. Si les idées de l'auteur sont plutôt limpides et percutantes, son style et son vocabulaire m'ont semblé parfois un peu trop complexes et pas vraiment à la portée de tous (ce sera ma seule réserve).

Observation des autres êtres vivants (ici les loups), tentative de communication avec ces « aliens familiers » (car il n'hésite pas à hurler avec les loups !!!), connaissance nécessaire du monde dans lequel nous vivons. Et pour finir, la nécessité absolue de respecter le vivant et tout ce qui le compose et de retrouver les égards que nous avons perdus après deux mille ans de civilisation judéo-chrétienne et une révolution industrielle. Remettre l'homme à une autre place. En finir avec l'idée que la Nature est un décor ou une réserve à piller.

Voilà il y aurait encore une tonne de commentaires à faire. Mais le mieux est de lire ce magnifique essai qui sème une multitude de pistes de réflexion.
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Baptiste Morizot, nous emmène dans des réflexions philosophiques très riches sur notre rapport aux autres vivants, au travers d'expériences vécues sur le terrain, dans ses campagnes de suivi de meutes de loup, pour en appréhender la complexité de leur organisation et identifier des voies de sortie aux conflits stériles entre bergers victimes et loups prédateurs.
Comme toujours, la réalité n'est pas telle qu'on nous la dépeint et oui, un équilibre entre les deux vivants, entre une vie sauvage et un pastoralisme respectueux est possible.
Mais ce n'est pas par la seule expérience de la vie avec les loups que Baptiste Morizot étaye son propos, c'est aussi en nous rappelant toutes les interdépendances dont nous sommes la résultante, dont nous sommes fait et qui nous obligent à reconsidérer combien notre monde moderne s'est détaché du vivant, en en perdant les égards dont devrions être redevables envers ce vivant sans qui nous ne pourrions pas être.
Les notions partagées et réflexions proposées sont parfois subtiles et pas tours aisées d'accès, mais elles nous invitent à une relecture, à prendre le temps de nous les approprier pour enfin en appréhender toute la signification.
C'est un livre qui m'a fait beaucoup réfléchir et que j'ai trouvé des plus intéressant à lire dans le monde où le consumérisme est devenu si prégnant dans nos existences et que je recommande vivement.
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