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3,82

sur 1606 notes
La plume de Toni Morrison pour le peu que j'en sache est décidément très picturale. Ses livres sont des tableaux usant de la technique du pointillisme : de petites touches qui nous sont livrées éparses et bigarrées qui nous perdent un peu jusqu'à ce que se dessinent progressivement sous nos yeux l'histoire et ses protagonistes.

Cette auteure sensible me déroute et m'accapare. Elle me sort un peu de ma zone de confort et sa réputation me donne envie de poursuivre la connaissance de son oeuvre.

Home brasse des sujets récurrents chez Toni Morrison, des sujets sombres qu'elle habille de la lumière du courage et qu'elle drape d'humanité.
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Je n'avais pas encore croisé le chemin de la grande romancière afro-américaine, Toni Morrison. C'est chose faite avec Home, une sorte de road-movie qui nous entraîne dans le sillage d'un rescapé de la guerre de Corée, Frank Money. Nous le suivons tout au long de ses pérégrinations sur les routes américaines, jusqu'à sa Georgie natale où il va ramener sa soeur, Cee, en danger de mort après les expériences meurtrières du docteur Beau qui a joué avec elle les docteur Jekyll et mister Hyde.
Pour moi, le roman n'est pas avant tout un plaidoyer anti-ségrégationniste. Bien sûr tout ce qui touche à la discrimination raciale est présent mais comme toile de fond. Et toutes les pratiques qui lui sont associées : lynchages, exclusion de certaines lieux publics, violences policières, exode et misère économiques, sont évoqués sans pour autant occuper la première place.
Alors quid de la première place ? Ce que fustige Toni Morrison est la violence inscrite dans la nature humaine et dont la guerre n'est que l'un des "terrains de jeux" favoris. Et il m'a semblé, à la lecture du roman, que le fantôme de la guerre de Corée et ses séquelles dans l'esprit de Frank occupaient le devant de la scène. Nous suivons un homme meurtri, en proie à un stress post-traumatique qui le livre tout entier à des visions cauchemardesques et à une culpabilité lancinante qui ne se tait momentanément que lorsqu'il s'enivre. Les scènes de guerre et d'horreur qui hantent Frank, Toni Morrison nous les livre sans complaisance mais avec un réalisme cru qui n'épargne aucun détail qu'il soit cocasse ou carrément sordide. Elle ne recule pas non plus devant un humour noir assez féroce comme lorsqu'elle évoque la mort des deux compagnons de Frank : Mike et Stuff.
Mais le pire est à venir... Et l'on va comprendre dans le dernier tiers du roman que le traumatisme le plus douloureux dans l'esprit de Frank n'est pas celui que l'on croie.
le point d'orgue de l'horreur va être la scène où une petite Coréenne vient fouiller en cachette les poubelles du camp militaire où se trouve Frank. Cette scène est glaçante et fascinante par le doigté de l'écriture. Toni Morrison grâce à son art de l'ellipse, à son sens de la petite formule "qui tue" en rend parfaitement bien le côté à la fois dérisoire, absurde, profondément tragique et obscène .
Mais tout n'est pas que noirceur dans ce roman ! Toni Morrison excelle dans la peinture des petites scènes de bonheur au quotidien qui émaillent le récit surtout lorsqu'elle évoque le retour à la vie de Cee, la soeur de Frank. Et le parcours initiatique de Frank est lui aussi porteur d'espoir et d'humanité : donner une sépulture à un homme qui en a été privé sera peut-être pour lui un premier pas vers la rédemption...
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Dans une langue concise, poétique et implacable, dévidant son propos avec subtilité, Toni Morrison démontre une fois de plus la liberté de création dont peut jouir un bon écrivain.

La trame narrative menée par une double temporalité et une double voix, impose un rythme poisseux, immersif, où les mots s'imprègnent créant une atmosphère étouffante, parfois dérangeante dans ce court récit aux allures de conte.
La romancière choisit avec soin les mots pour capturer les images obsédantes de ses personnages confrontant le lecteur à une sorte de détresse paralysante emplie de désarroi, de rage et de honte.

Avec une économie de mots particulièrement remarquée, , la célèbre »romancière de l'Amérique » ,voix singulière de la communauté afro-américaine, aborde et rappelle plusieurs des thèmes qui lui sont chers comme la ségrégation raciale, la discrimination, et la maltraitance.
La littérature est pour elle un véritable outil d'engagement politique. C'est son devoir de mémoire, pour ne pas oublier!

Le retour au pays du héros revenu de la guerre de Corée devient une traversée du pays, mais elle est avant tout une traversée humaine, de guérison, et de reconstruction où des questions essentielles se posent: Où est-on véritablement chez soi?
Sommes-nous condamnés à devenir ce que la société a voulu faire de nous?

Réussite éclatante, ce court roman ancré dans la réalité et dans les petites mécaniques de l'existence, concis et maîtrisé permet une traversée intime des fracas d'une période de l'histoire américaine.


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Pas de fioritures, pas de tergiversations : le lecteur est immédiatement plongé dans une mare d'eau glacée, et les ondes créées par cette chute vont peu à peu assembler les éléments du décor. Au lecteur de surnager et de saisir l'information, jamais gratuite, toujours glissée dans un contexte dramatique.

Beaucoup de violence, mais comment pourrait-il en être autrement au sein de cette Amérique des années cinquante, où la population afro-américaine (pour utiliser le terme politiquement correcte de notre époque), envoyée au casse-pipe dans de lointaines contrées asiatiques, est traitée à son retour moins bien que des animaux? C'est le portrait d'une Amérique, cruelle, inhumaine, que la beauté des paysages ne parvient pas à farder.

La construction, très condensée, fait alterner des souvenirs, en flash-back , qui peu à peu permettent d'élucider la complexité des relations entre les personnages, et le récit de Franck, ancien combattant qui se raccroche à la vie, obnubilé par la protection de sa jeune soeur.

Toni Morisson utilise une écriture percutante, au service de ce récit sans concession,
d'une grande intensité dramatique, ne laissant aucun répit au lecteur au cours de ces 120 pages.

Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Toni Morrison m'a attirée dans son monde, une oeuvre importante, des titres en un seul mot, Jazz, Beloved, Delivrances, Home, Sula…une approche originale de l'Amérique noire, par l'intermédiaire de personnages ordinaires qui disent leur monde, leurs blessures, et comment ils se reconstruisent aussi.

Home, c'est l'histoire de Franck, soldat noir qui revient de Corée, souffrant de stress post traumatique. Il traverse l'Amérique depuis la côte ouest pour regagner Lotus une localité minuscule de Géorgie, d'où il était parti avec ses copains, pour fuir la misère. C'est l'histoire d'un homme presque étranger dans son propre pays, qui arrive à destination après de multiples péripéties, grâce à des personnes généreuses que le destin a placées sur son chemin.

Toni Morrison nous raconte cette histoire de résilience en nous faisant découvrir par touches ses personnages et leur famille . Ce n'est pas un manifeste politique, mais la dénonciation n'en est que plus forte. On approche au cours de ce récit, la réalité humaine cruelle de la ségrégation, puisque nous la partageons avec Franck et ses fantômes, avec Cee, avec Lily…comme l'impossibilité d'acheter une maison, les places séparées dans les bus et dans les hôtels , les expulsions arbitraires, les cagoules, les meurtres impunis, les conséquences abominables des théories eugénistes de quelques savants fous.

Comment exister comme un être humain debout quand tout se ligue contre vous ? Toni Morrison nous montre au travers de ces destins fracassés la force des liens et des solidarités des communautés qui réparent et protègent ce que la loi ne fait pas.
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Frank Money revient de la guerre de Corée. Il ne sait plus vraiment quel genre d'homme il est, ni ce qu'il veut. Il sait qu'il exècre la ville dont il est origianire et qu'il veut la fuir encore plus que les champs de batailles dont il est rescapé.
Mais l'Amérique des années 1950, en dehors de l'effervescence post seconde guerre mondiale et publicités aux sourires figées, n'a rien à offrir aux Noirs. Au contraire. Et le fait d'avoir défendu la bannière étoilée n'y change rien...
Mais dans ce pays où il n'est pas le bienvenu, une personne le rattache à son essence humaine : Cee, sa soeur. Et lorsqu'il apprend qu'elle a des ennuis, il met de côté de sa rancoeur, toute sa colère pour la retrouver.


Une fois n'est pas coutume, avec sa prose d'une beauté si particulière, à la fois lyrique et très orale mais d'une précisions chirurgicale, Toni Morrison m'a totalement transportée. Beaucoup touchée avec ses personnages si pénétrants qu'ils en deviennent plus réels que des personnages joués à l'écran.
Home est un roman avec un rythme à couper le souffle, dont les voix sont pénétrantes, à la fois distantes et familières. Sans doute parce que Toni Morrison a un don pour capter l'humanité dans toute sa complexité et la retranscrire avec une simplicité déconcertante.
Les personnages de Home luttent contre les fantômes de leur passé, le genre de fantômes qui empêchent d'avancer. Mais la beauté de ce roman, c'est que dans ce voyage (temporel comme spatial) qu'entreprend Frank, on peut espérer une résilience, la possibilité de quelque chose de meilleure une fois la réconciliation faites avec ces fantômes...

Un grand roman dont on ne sort pas indemne.



Challenge USA 2019
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Dans l'Amérique des années 50, la ségrégation est bien encore présente. C'est dans ce pays en proie aux violences que Franck Money vient de s'échapper de l'hôpital. Cherchant refuge là où les portes veulent bien s'ouvrir, il n'a qu'un but: aller retrouver sa chère et tendre soeur qui l'a appelé au secours. Pour cela , il devra traverser le pays avec très peu de moyens. Encore traumatisé par la guerre de Corée dans laquelle il a perdu deux de ses amis, le chemin s'avèrera long et douloureux...

Alternant de courts monologues incisifs et des épisodes factuels, Toni Morrison nous plonge, dès les premières pages, dans cette Amérique ségrégationniste. A la façon d'un road-movie intense et court, nous suivons Franck traverser ce pays. Tout est suggéré ici: la violence, le racisme, l'horreur de la guerre, la misère et l'insécurité.
Sans fioritures, Morrison dresse le portrait des deux héros sur un ton juste et poétique.
Malgré tout, il m'a manqué un je ne sais quoi pour que je sois totalement subjuguée par ce roman. Après avoir lu tant de critiques élogieuses à son égard, je m'attendais à être transportée par ce récit prometteur, et ce, malgré les histoires très touchantes qu'il développe...

Home, je suis restée sur le perron...
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Frank est noir et il habite l'Amérique des années 50, un monde dans lequel « les flics tirent sur tout ce qu'ils veulent », fouillent les pauvres types dans la rue et les rackettent. de retour de Corée, il essaie de se reconstruire après une guerre horrible loin des siens jusqu'au jour où il reçoit un courrier lui annonçant la mort imminente de sa soeur.

Dans ce court roman, efficace et intense, Toni Morrison nous donne la vision d'une Amérique à la fois dure et raciste, mais aussi généreuse et accueillante. Un livre pour ne pas oublier, pour continuer la lutte, pour rester humain.
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Challenge Prix Nobel

Je reste intimidée devant cet auteur qui décrit avec un style sublime, poignant et délicat le racisme et la ségrégation sans jamais utiliser des mots décrivant le physique ou la couleur des personnages. Cela fait plusieurs jours que je reste devant ma feuille en réfléchissant à ce que je pourrais dire sur cette histoire courte, certes, mais tellement profonde et violente. Je reste sans mot, sans voix. Franck et sa soeur vivent comme ils peuvent, essayant d'avancer dans leur vie, sans trop se poser de questions sur ce qu'ils subissent, La guerre, les insultes, le rejet, la maltraitance, la haine. Et pourtant, ils vont refaire le chemin à l'envers retournant sur cette terre qui les a bannis, où l'histoire commence pour pouvoir se reconstruire. Revient-on toujours sur le lieu de son enfance, sur la terre natale quoiqu'il arrive ? C'est aussi une bouleversante histoire d'amour d'un frère pour sa petite soeur. Un frère qui n'hésitera pas à traverser tout un pays pour sauver la personne la plus chère à son coeur. Rentrer dans l'univers et les livres de Toni Morrison, c'est rentrer dans une vérité et une réalité que nous ne souhaitons pas toujours connaître. Ça dérange, ça fait mal mais elle arrive toujours à faire ressortir la beauté et la bonté de ses personnages. A prescrire aux intolérants pour qu'ils puissent guérir.
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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« A qui est la nuit qui écarte la lumière ? ». Sur ces mots étranges commence Home un roman de Toni Morrison. Une prose envoûtante qui est bien la griffe de cette romancière qui joue avec la musique des mots et la puissance évocatrice de la nature.

Franck et Cee sa petite soeur, fascinés par deux chevaux, en appui sur leurs jambes de derrière, ont retenu leur souffle, émerveillés. "l'un était couleur de rouille, l'autre d'un noir profond ; tous les deux luisants de sueur. Les hennissements n'étaient pas aussi effrayants que le silence qui a suivi une ruade dans les lèvres retroussées de l'adversaire.... celui couleur de rouille a baissé la tête et piaffé pendant que le vainqueur s'éloignait en gambadant."

Puis un autre spectacle les glaça, "un pied qui dépassait de la fosse et qui tremblait comme s'il pouvait sortir". Quand elle a vu "ce pied noir avec sa plante rose crème, striée de boue, Cee s'est mise à trembler, j'ai essayé d'attirer son tremblement dans mes os, parce que je pensais pouvoir y arriver" page 12.

Nous suivons ainsi les traces d'une famille, dans les années 50, dans une Amérique où l'apartheid est encore féroce, même pour Franck un ancien de la guerre de Corée qui a servi son pays.
Frank revient meurtri de sa guerre, et plus encore, porteur d'un douloureux secret, confronté à la corruption qui sévissait et à la prostitution des enfants.

Une fois de plus c'est auprès de sa soeur qu'il va rechercher une rédemption. Dépasser sa honte, et choyer Cee, comme si le souvenir de son enfance envahissait son âme, le poursuivait sans cesse.
"Qui suis-je sans-elle."
" Maman l'a appelé Ycidra, elle a attendu neuf jours avant de lui donner son nom, de peur que la mort ne repère une vie toute fraîche et ne la dévore. Tout le monde sauf maman l'appelle Cee." 


Après une longue traversée Franck arrive enfin pour sauver sa soeur, soignée par un gourou sans scrupules. le médecin panique ; "Quoi qui êtes-vous ? le Docteur Beau écarquilla les yeux puis les plissa, Sortez d'ici".
Le Docteur leva un revolver, mais vit « le visage calme, voire serein, d'un homme avec lequel on ne plaisantait pas. »
Franck entra dans la chambre de sa soeur, elle gisait inerte, minuscule dans son uniforme blanc.

Alors que le soleil avait absorbé tout le bleu du ciel Cee et Franck, retrouvèrent le champ ou un homme avait été jadis enfoui à la hâte. "Franck plaça les os sur la courtepointe de Cee faisant de son mieux pour les disposer comme ils étaient durant la vie. p 150"

"Viens mon frère on va à la maison", lui murmure sa soeur page 152, Cee apaise son frère, le rassure, comme pour lui dire merci, tu m'as redonné l'espoir.
Une écriture à la fois douce et poignante, où le coeur prend toute sa place, les terreurs comme les joies, sans juger, être juste dans le bonheur de vivre.
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