Je croyais bien connaître
Madame de Pompadour, un de mes personnages historiques préférées. Une femme jolie, fine, intelligente, cultivée et mécène. Une femme amoureuse qui avait su comprendre et aider Louis XV. Jusque à la lecture de la biographie de R. Muchembled. C'est un tout autre visage de Mme de Pompadour qui est décrit dans cet ouvrage.
Pour lui, elle est une « affairiste « , une femme qui aime l'argent, les bijoux, qui collectionne les châteaux comme Ménart, Bellevue ou l'hôtel d'Evreux, actuel palais de l'Elysée. » Excellente femme d'affaires, qui achète et revend sans cesse des propriétés et entretient un nombre impossible à établir de maisons de rapport à Paris, ou ailleurs, la favorite a d'autres ressources cachées « .C'est vrai, elle est issue de la grande bourgeoisie d'affaires. Portée par son clan, elle s'efforce de le favoriser et se lance dans des opérations douteuses. R.Muchembled consacre de longues – trop longues- pages à décrire ce milieu financier. Elle a une influence politique considérable » Maîtresse absolue du jeu politique, elle se mêle désormais de tout, y compris de stratégie ou de tactique militaire et de diplomatie « . Elle voudrait occuper la place de Premier Ministre ou de chef de guerre .Mais, ses ambitions sont limitées par sa condition de femme « Quant à moi qui ait toujours désiré d'être homme « . Elle pousse alors ses favoris ou peut être amants comme Bertin à la tête de la police secrète et Choiseul , un presque Premier Ministre, homme d' Etat remarquable et qui petit à petit va l'évincer. « Je n'ai jamais été aussi affligée d'être femme. « Ses croyances religieuses, sa piété, son souci des pauvres sont hypocrisie et camouflent la femme d'affaires.
Mais, R.Muchembled, en vrai historien, sait nuancer son portrait.
Madame de Pompadour est une femme de goût ; Elle prend grand soin de sa personne. Sa place officielle de favorite lui impose le paraître. La culture des apparences est primordiale et contraignante dans ce « pays ci « c'est à dire la Cour. Son bon goût, héritée de sa mère, se retrouve dans son décor quotidien.,les appartements intimes imposent un autre type de meubles et de décorations. : plus simples et plus chaleureux. Elle sollicite les plus grands artistes français. Elle aime les bois précieux, les porcelaines qui proviennent de la manufacture de Sèvres protégée par la marquise. Boucher et van Loo, ses peintres préférés font son portrait. Mais, elle oublie Watteau et Chardin. Elle est aussi une grande bibliophile. « Elle manifeste « une inextinguible soif de possession « .
Nuance aussi avec la description de ce qu'elle appelle « une pesante solitude «. Elle a toujours été consciente de sa situation précaire, de sa place continuellement menacée. Elle est haïe de la Cour, de l'opinion publique. Bien avant Marie-Antoinette, elle est salie par des pamphlets. Mais, elle est assez habile pour se maintenir. le roi, malgré ses incartades qu'elle favorise et peut être même organise, lui reste profondément attachée. Ensuite, elle détient des secrets en particulier sur les investissements financiers de Louis XV et aussi sur des ministres comme Choiseul. La police et en particulier le Cabinet noir du fidèle Berryer lui sont dévoués. Ses derniers jours sont empreints de tristesse. Isolée, presque aveugle ; « le plus lourd fardeau de la France « disparaît avant d'avoir atteint quarante ans. Siphylis ? Tuberculose ? Empoisonnement ? Contemporains et historiens ne peuvent qu'avancer des hypothèses.
R.Muchembled nous livre un portrait érudit de Mme de Pompadour. La première partie sur le milieu financier est même assez aride. Un portrait sévère de la favorite. Un portrait accablant de la Cour et du gouvernement de Louis XV Même la scène si touchante où le roi , depuis une fenêtre de Versailles, regarde s 'éloigner le cercueil de la femme qu'il a aimé, est mise en doute. Pour R.Muchembled, c'est Louis XV le véritable responsable « La marquise n'est cependant pas responsable de tous les maux. Elle a été considérée comme un bouc émissaire par les historiens partisans d'un pouvoir fort, à leurs yeux évidemment tombé en quenouille. Or, l'état de décrépitude interne du royaume est patent à son époque....La responsabilité principale du désastre revient assurément au roi-enfant, uniquement préoccupé de ses plaisirs et de ses secrets. «
Un livre pour passionnés d'Histoire, moins accessible que les biographies de E.Lever ou S.
Bertière. »
Madame de Pompadour demeure un mystère jusqu'à nos jours. Elle cache soigneusement une infinité de secrets. »