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EAN : 9782866458553
298 pages
Le Félin (02/03/2017)
4.38/5   4 notes
Résumé :
Sens mineur, l'odorat ? Futile, le parfum ? Importunes, les odeurs. Ainsi le jugea la culture occidentale qui célébra le regard et l'audition pour mieux discréditer le nez. Sans la senteur, pourtant, l'émotion déserterait les souvenirs, l'intimité quitterait le lien de l'homme à Dieu et la sensualité s'absenterait de l'échange amoureux Durant notre civilisation, puanteurs et parfums n'ont cessé d'instruire les pratiques religieuses ou médicales et d'oeuvrer à la par... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Voici un ouvrage fort savant sur l'univers des odeurs et des parfums qui va vous faire voyager dans l'espace (Occident et Orient) et dans le temps (de l'Antiquité à nos jours).
Cet essai de Brigitte Munier est très érudit dans le sens fouillé, documenté et complet.
Son seul bémol tient au fait qu'il traite d'un univers particulièrement précis : Brigitte Munier utilise donc bien souvent un vocabulaire très spécifique, difficile à maîtriser pour un néophyte , ce qui complique parfois la compréhension. de plus, si elles viennent illustrer son propos, l'évocation de scènes mythologiques viennent parfois alourdir ce qu'elle souhaite faire passer.
Cela dit, une fois ces termes intégrés, je dois dire que "Odeurs & Parfums en Occident" m'a beaucoup appris, et m'a également fait réfléchir car certains points sont abordés sous des angles que je n'avais jamais considérés.

J'ai beaucoup apprécié toute la partie relative à l'histoire du parfum dont je vous ai fait un condensé ci-après, si vous souhaitez en savoir plus.

Bien que maintenant évident suite à cette passionnante lecture, je n'avais jamais rapproché l'univers du parfum du monde divin.

Enfin, j'ai découvert grâce à ce livre que les odeurs déterminent nos relations sociales, qu'elles ont été un justificatif de l'intolérance et du racisme (noirs, juifs, nazis...), qu'elles jouent un rôle dans le cadre de la mémoire olfactive en sollicitant nos émotions, de l'ampleur de ce que l'on appelle la manipulation olfactive via un marketing, qui tente d'agir sur nos comportements, ou encore qu'il existait des cartes olfactives des villes dont le rôle est d'identifier des zones précises.

Cet essai répond à toutes ces pistes de réflexion et bien d'autres encore!

Et pour aller plus loin, on peut se demander ce que sera le parfum de demain? : Un parfum que l'on transpirerait?(référence à la sueur des Dieux), ou qui effacerait les effets de l'âge? (référence à l'obsession qui existait déjà à l'antiquité).

Pour ma part, je pense que l'homme doit accepter le caractère insaisissable du parfum, le laisser s'évaporer car c'est justement son caractère éphémère qui nous offre un moment de beauté fugace mais plein de sens et d'émotions.

Quoi qu'il en soit, je ne résiste pas à vous citer la phrase de Patrick Süskind qui donne tout son sens à cet essai : "Qui maîtrise les odeurs, maîtrise le coeur des hommes"

Merci aux éditions du félin ainsi qu'à Babelio, qui une fois de plus m'a permis de partager avec vous un moment de lecture très instructif pour qui souhaite découvrir la face cachée des odeurs & de leurs vies à travers les siècles.


Comme je vous l'ai proposé plus haut, voici maintenant un bref aperçu chronologique de l'histoire du Parfum et de son usage en Occident:
L'odorat fut un sens longtemps relégué en bas de l'échelle de nos sens, car gouvernant nos émotions, il nous renvoyait à notre animalité. Freud va même jusqu'à dire que la civilisation a pu naître parce que l'homme a renoncé à son sens de l'odorat! Toutefois, on notera que dès le 18ème siècle, se développent des expressions qui mettent ce sens en valeur en l'associant à l'intelligence (par exemple avoir le nez fin ou encore évoquer le flair du détective).
Dans l'Antiquité, le parfum (associé à l'âme) est sensé être réservé aux Dieux et être utilisé à des fins religieuses, thérapeutiques (pour les malades)et/ou purificatrices. Mais la fascination provoquée par ces odeurs enivrantes va conduire "le mortel" à en user également dans son quotidien.
Le parfum ainsi détourné de son but principal dédié au divin, certains penseurs vont condamner son usage profane, à fortiori si les ingrédients utilisés sont issus de parties génitales d'animaux (castoréum, ou encore le musc). Mais, rien n'y fit, l'ouverture de la route du parfum était née et les conquêtes menées en Orient ne firent qu'accroître le goût et les pratiques du parfum à l'usage profane.
C'est la chute du monde romain qui va entrainer un déclin de l'utilisation des parfums en Europe alors qu'elle se poursuivra en Orient (creusé des plantes aromatiques et épices les plus prisés). L'Occident vivra alors au coeur des mauvaises odeurs!
Il faudra attendre les 11ème et 13ème siècle avec les croisades pour voir renaître l'art du Parfum en Europe. En effet, les chevaliers ramenèrent alors ambre, musc et eau de rose...qui sont redécouverts.
A cause de l'épidémie de peste noire du 14ème siècle, on verra se développer une peur de l'eau . On ne se lave plus, la puanteur règne et les pratiques d'hygiène se centrent sur le parfum aux vertus purifiantes. Ainsi, avec un paroxysme au 17ème siècle (irrespirable!), les parfums solides et les eaux parfumées alcoolisées connurent alors un grand succès. le parfum donne alors l'illusion d'une véritable hygiène, mais reste un luxe non accessible à tous.
Au 18ème siècle, la mode va préférer des odeurs plus légères aux accents floraux au détriment des parfums jusqu'alors lourds et capiteux destinés à masquer les mauvaises odeurs environnantes. C'est la naissance et le succès de l'eau de Cologne. On va peu à peu réintroduire l'eau dans la toilette, mais malgré tout, les français restent sales. Les parfums sont utilisés à 2 fins distinctes : la pharmacie dans un souci de désinfection, et la parfumerie mettant en avant des senteurs naturelles et fraiches opposant ainsi la bourgeoisie qui utilise ces nouvelles fragrances et l'aristocratie toujours attachée aux parfums lourds et musqués.
C'est au 19ème siècle que Napoléon sépare officiellement les pharmacies des parfumeurs. Ainsi privé de son argument médical, les parfumeurs vont mettre en avant les parfums comme outil d'élégance, de beauté...ce qui va entrainer une distinction sociale par l'odeur. de même, le développement de la chimie va entrainer l'émergence de l'industrie cosmétique, qui elle-même va créer un marketing vantant les secrets de beauté et de jeunesse des nouvelles formules cosmétiques élaborées à base de molécules de synthèse.
De nos jours, le végétal est de moins en moins présent dans nos parfums. L'introduction de la chimie au coeur de la parfumerie va permettre de considérablement enrichir la palette de création, d'avoir à disposition une matière première stable, en grande quantité, toute l'année, ce qui va permettre de réduire les coûts et donc de la rendre accessible au plus grand nombre. Dès lors le parfum est partout : dans l'espace privé (corps, linge, maison,voiture...), public(magasins, parkings...), au travail(pour augmenter la productivité des ouvriers).

Le succès commercial d'un parfum va dépendre :
- de son nom (objet d'études de marché) qui peut faire référence au sacré (dont le but est de transformer la femme en déesse), à l'exceptionnel ou à un univers poétique ;
- de sa capacité à renouveler sa modernité en actualisant son image ;
- la forme du flacon qui doit nourrir l'imaginaire et être précieux comme son contenu.

Le livre évoque beaucoup plus de choses encore tout aussi passionnantes abordées sous des aspects assez inédits. Bonne lecture!
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Impressionnant! J'ai été rapidement soufflée par ce livre magistral sur les odeurs et parfums: il est d'une qualité exceptionnelle.
Nous traversons les âges et les régions à la découverte des odeurs, encens, parfums et de leurs fonctions: religieuses, puis médicales, hygiénistes, ses fonctions sociales, commerciales et artistiques.
Je ne saurai exprimer l'admiration que j'ai ressentie face à ce livre, au travail, à la minutie qu'il représente; il m'a semblé incroyablement exhaustif, même si le l'autrice s'en défend (des pays orientaux y sont mentionnés sans s'y étendre longuement).
J'ai eu énormément de mal à rendre à temps ma critique pour Masse Critique, car ce livre est aussi difficile à lire, il y a de nombreux termes techniques ou rares, les phrases sont longues. On sent qu'il a été écrit par quelqu'un qui s'y connait et est très cultivée. Un niveau très largement universitaire auquel je ne suis pas habituée (pourtant je lis des articles scientifiques souvent et des ouvrages techniques mais même dans ce cas ce niveau n'est pas forcément aussi élevé, cf test de Flesch pour mieux comprendre, le livre doit avoir un niveau extrêmement bas).
C'est un livre à savourer, en prenant son temps, en faisant des pauses, le temps de le laisser s'aérer, de reprendre notre souffle, de souffler avant d'en laisser pénétrer une nouvelle bouffée. Il est tellement riche! J'ai adoré le voyage qu'il m'a proposé, et je pense que je le referai, en prenant plus mon temps cette fois.
Un livre richissime à offrir aux passionnés.
Merci de m'avoir permis de découvrir cet incroyable livre, cette énorme somme de connaissances et de réflexions autour d'un sujet qui m'envoûte.
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En passant devant les rayonnages d'une librairie, aurais-je eu le "nez" de trouver un livre aussi intéressant ? Je ne sais… c'est pourquoi je remercie Babelio de me l'avoir adressé dans le cadre de Masse Critique.
Splendeurs et misères de l'odorat, grandeur et décadence du nez, c'est à toute l'histoire du sens de l'odeur et aux parfums et à la symbolique de la senteur que nous invite l'auteur. Qu'il ait été élixir sacré ou privilège des rois, le parfum a traversé les époques en exerçant une véritable fascination sur les hommes. Dans les civilisations antiques, les parfums, obtenus sans alcool ni distillation, se présentent sous la forme d'huiles et d'onguents odorants ainsi que d"encens" qui dégagent en brûlant d'agréables odeurs. le mot parfum vient d'ailleurs de là (per fumum : par la fumée).

On y apprend que l'Occident a privilégié le sens de la vue et de l'ouïe et méprisé l'odorat car jugé trop animal.
Éphémère, le parfum n'est pas reconnu comme un art. Aristote fit même de l'odorat un “sens intermédiaire”.

Beaucoup plus tard, au siècle de la révolution industrielle, on constata même une sorte d'aversion des odeurs à cause de la peur de la contamination par les miasmes atmosphériques.

Après avoir consacré un chapitre au statut de l'aromate dans l'Antiquité grecque et romaine, l'auteur aborde tour à tour l'usage du parfum dans la Bible, l'étude de la fonction symbolique des parfums, l'invention de la parfumerie de synthèse et son utilisation dans la société de consommation.
Un livre qu'on ne peut pas lire d'un trait tant il est dense et complet mais un livre que l'on garde près de soi pour pouvoir le consulter souvent et apprendre chaque fois un peu plus.
On peut regretter toutefois que le texte soit trop compact, une typographie plus aérée aurait facilité la lecture. Mais ce n'est que la forme que je critique car le fond est d'une richesse inépuisable.

Lien : http://dominique84.overblog...
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critiques presse (1)
NonFiction
03 mai 2017
Une approche philosophique de la question des odeurs et des parfums, devenue centrale chez les historiens et les sociologues.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
De nombreuses études confirment que les clients s'attardent et achètent d'avantage dans un magasin agréablement parfumé. Jean-Claude Chébat et Richard Michon ont mené une expérience dans un centre commercial de Montréal durant trois semaines en l'absence de toutes vente promotionnelle: après une première semaine olfactivement neutre, ils ont diffusé des senteurs d'agrumes durant la deuxième semaine puis de la lavande, pendant la troisième; les clients ne se sont rendus compte de rien tant les doses étaient infimes, mais les achats "sont passés de quarante-cinq à soixante-dix dollars en moyenne par clients". Que les intéressés soient demeurés inconscients de la manipulation olfactive subie est intéressant -inquiétant, aussi.
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Ce pacte est si naturel à l'imaginaire de la purification, que la cosmétologie et la droguerie contemporaines peinent à commercialiser un produit efficace, mais sans excipient parfumé: la simple élimination de la crasse est insatisfaisante sans la preuve de désinfection donnée par l'odeur. Les consommateurs exigent d'un détergent "qu'il sente le propre" suivant des préférences culturelles bien identifiées car les goûts renvoient aux traditions odorantes instruites par le symbolisme de la plante, du fruit ou de l'épice: la "propreté" sent la lavande et les fleurs en France, le citron en Espagne, le pin en Allemagne, les fleurs fraîches au Japon, la cannelle et le citron aux États-Unis durablement marqués par un liquide vaisselle citronné nommé Joy qui apparut en 1969. Les Orientaux apprécient les parfums capiteux évoquant les épices tandis que les Nordiques aiment les senteurs des fleurs dont l'hiver les prive si longtemps.
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Avant son abdication, Napoléon avait repris la vieille question des liens entre parfumerie et pharmacie puis officialisé leur distinction par un décret du 18 août 1810: les pharmaciens devaient soumettre leurs remèdes à l'approbation de commissions et les parfumeurs cesser de vanter les propriété thérapeutiques de leurs compositions. C'est une révolution eu égard à l'alliance séculaire des parfums et des remèdes: elle touche la représentation des parfums et des cosmétiques qui, privés d'arguments médical, allaient devoir affiner leur investissement dans le domaine de l’élégance, de la beauté et de l'art.
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L'homologie symbolique entre le parfum, l'âme et le sang, indiquée plus haut, se retrouve dans cette thématique: les corps saints découverts parfumés et intacts conservent un sang vermeil qui se répand à la moindre blessure et affleure à la peau. L'odeur balsamique du cadavre dont le sang coule si on en blesse l'épiderme apparaît comme la victoire sur une nature misérable, pécheresse et mortelle.
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La compréhension moderne du système olfactif est à présent ouverte: on connaît le rôle conducteur d'affects à valeur cognitive de l'odorat sur les états mentaux et la vieille hypothèse de la dégénérescence du sens olfactif est ruinée. L'appareil olfactif humain "s'est développé de manière à avoir des capacités uniques par rapport à celui de tous les vertébrés, écrit Pierre-Marie Lledo, directeur de l'unité de perception et mémoire olfactive de l'Institut Pasteur: nous sommes seuls à pouvoir mettre un objet alimentaire en bouche, à le réchauffer et à avoir ensuite, par voie rétronasale, une stimulation de l'appareil olfactif."
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Video de Brigitte Munier (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Brigitte Munier
Les sciences sur la place, faut-il sentir bon pour séduire - 38ème édition du Livre sur la place Avec Brigitte Munier-Temine, sociologue, auteur de La voie des sens (CNRS éditions) et Roland Salesse, ingénieur agronome, auteur de Faut-il sentir bon pour séduire ? (Quae) Qu’elles soient bonnes ou mauvaises, les odeurs nous parlent, nous rappellent des souvenirs et parfois elles nous alertent. Faut-il sentir bon pour séduire ? Comment l’odorat influe-t-il sur nos comportements et sur notre vie sociale ?
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