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EAN : 9782021000054
236 pages
Seuil (05/01/2012)
3.33/5   12 notes
Résumé :
Ce livre est né du regard émerveillé que pose Antonio Munoz Molina sur la ville qui fut trois siècles durant le joyau de la culture arabe, la rivale de Bagdad, le pont entre l'Orient et l'Occident. Sa beauté, le luxe de ses demeures, son architecture et l’extrême sophistication de sa vie quotidienne fascinaient les voyageurs.
Depuis sa fondation en 711 par des cavaliers berbères et arabes qui chassèrent les Wisigoths d'Espagne, jusqu'à sa destruction au XXIe ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Avant d'écrire l'épopée des Omeyyades, Antonio Muñoz Molina s'est beaucoup promené dans Cordoue pour trouver la ville dans la ville, cette Cordoue capitale d'al-Andalus pendant trois siècles. Puis, il se plongea dans L Histoire et lorsque la documentation fit défaut, il se servit de son imagination.

Au début du VIIIe siècle, après avoir éliminé les Wisigoths qui, eux-mêmes, avaient déboulonné les Romains, les Arabes envahissent une partie de l'Espagne, bien décidés à conquérir la France. Ils furent arrêtés à Poitiers et refluèrent sur les terres espagnoles.

Au mitan du siècle, la population de Damas, menée par les Abbassides, massacre la dynastie omeyyade dont quelques survivants finissent par échouer à Cordoue. Abd al-Rahman Ier, l'Omeyyade rescapé, prend le pouvoir par les armes et crée un émirat, s'émancipant bientôt de la tutelle du califat de l'Empire. Durant son long règne, ce ne furent que conquêtes et fureur mais il eut la présence d'esprit de fonder un hôtel des monnaies, une fabrique de tissus précieux, d'édifier des fortifications et de construire une flotte de guerre, de bâtir encore et encore, et d'entamer les travaux pharaoniques de la Grande Mosquée. Ses richesses considérables, issues de ses conquêtes et du commerce prolifique avec l'Orient, lui permirent de rivaliser avec le califat de Bagdad.

Ce livre, outre la biographie des émirs puis des califes omeyyades jusqu'au XIe siècle, fait la part belle à la vie culturelle et scientifique des règnes les plus marquants ainsi que la vision enchanteresse d'une Cordoue déroulant sa vie fastueuse au bord du Guadalquivir. Les trois Abd al-Rahman concentrèrent les arts, les lettres et les sciences jusqu'à atteindre leur point d'orgue au Xe siècle sous le règne d'Abd al-Rahman al-Nasir (le Vainqueur) puis de son fils al-Hakam II.

Le chanteur et musicien Zyriab apporta de Bagdad le raffinement majeur dans l'art vestimentaire et celui des banquets, introduisit le jeu d'échecs, initia la fabrication du cristal, l'usage du ver à soie. Il y eut Euloge, ce théologien qui, malgré la tolérance des musulmans pour les religions chrétienne et juive, encouragea le blasphème du Prophète. Lui et beaucoup de ses coréligionnaires (Martyrs de Cordoue) appelaient la mort, cruelle de préférence, pour convaincre le peuple de la suprématie du Christ.

Hasday ibn Shaprut, médecin juif, retrouva par ses recherches assidues la formule perdue de la thériaque, ce contrepoison puissant qui lui permit tant et tant de guérisons largement rétribuées. Sans oublier Ibn ‘Abd Rabbih, polygraphe infatigable qui rédigea une véritable encyclopédie de vingt mille pages renfermant « tout le savoir du monde ». le calife se devait de posséder la plus belle et la plus riche bibliothèque d'Occident. Celle de Cordoue, au nombre incalculable de copistes, a disposé de plus de 400 000 ouvrages et devint le lieu de confluence des érudits du monde connu. Un très beau chapitre est consacré à la calligraphie, à la fabrication du papier et de l'encre, à l'emploi des couleurs, à l'achat de manuscrits précieux et au travail inlassable des gens cultivés, notamment de nombreuses femmes franques lettrées enfermées dans le harem du calife.

L'architecture et l'artisanat représentent un point fort du règne des Omeyyades. Des centaines de mosquées furent élevées à Cordoue et dans les grandes villes, dont la grande mosquée, la plus vaste après La Mecque, qui, bien que devenue église au XIIIe siècle, puis cathédrale, a gardé les traces de la splendeur mauresque. Les centaines de colonnes en marbre, les arcs outrepassés, les dentelles sculptées, l'alternance de brique et de pierre blanche font de cet édifice un joyau, heureusement sauvegardé de la démolition. Ce ne fut pas le cas de la ville palatiale construite par Abd al-Rahman III, Madinat al-Zahra, sa deuxième capitale, où se trouvait l'impressionnante bibliothèque. Des jalousies, des vengeances et de nouveaux assauts berbères vinrent à bout de cette édification kilométrique où se résumait toute la magnificence de l'al-Andalus. Il semble que l'Islam ne privilégie pas la vénération des ruines. Les Arabes n'avaient pas cette « intention d'éternité » comme les Romains et les Grecs qui croyaient en leur pérennité.

Même si deux califes furent pacifistes, ils durent comme tous les autres affronter les Francs, les royaumes du nord de l'Espagne et les luttes de pouvoir. Vers la fin du Xe siècle, al-Hakam II meurt en laissant l'Etat à son fils mineur. Muhammad ibn Abi ‘Amir, dit al-Mansur, écrivain public, puis calligraphe royal et, enfin, général des armées, devint l'intendant de l'héritier du trône sans intention de le lui restituer à sa majorité. L'ambition démesurée d'al-Mansur billah, le Victorieux d'Allah, précipita la fin de la dynastie omeyyade. En 1031, la disparition du califat de Cordoue est consommée.

Merci à Pecosa dont la liste sur al-Andalous a attisé ma curiosité. Merci à Antonio Muñoz Molina d'avoir prêté sa plume à cet épisode historique passionnant.

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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Al-Mansur avait utilisé le luxe comme une arme de propagande politique, ‘Abd al-Malik, lui, s’y complaisait avec excès comme tous ceux qui l’entouraient et l’on dit qu’à Cordoue, jamais il n’y eut plus grand commerce de soieries et de métaux précieux que durant les sept années qui précédèrent le désastre.

p. 199
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La sonorité des cloches est plus emphatique que l'appel du muezzin. Tous les matins, à Cordoue, quand elles m'avaient réveillé, en marchant sans hâte dans la ville réelle j'entreprenais l'étrange tâche d'imaginer une ville qui n'existait plus. Je devais chercher Cordoue en Cordoue comme le pèlerin de Quevedo cherche Rome en Rome. Je visitais des ruines et j'y recherchais, comme dans les pages des livres, la présence et la vie quotidienne d'hommes qui avaient vécu mille ans plus tôt: hommes qui avaient regardé cette lumière que je voyais, dont les mains et les pas avaient usé les colonnes de marbre et le pavement de la mosquée. Au bout de mille ans, il ne restait presque rien de la ville qu'ils avaient habitée, mais les colonnes étaient toujours debout et le Guadalquivir continuait de couler entre les bancs de sable, dans l'épaisseur des roseaux et des lauriers-roses, avec la lenteur mythologique des fleuves sacrés.
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Celui qui lit est aussi possédé que celui qui écrit et, de plus, en lisant, rien ne nous émerveille autant que la découverte de ce que nous savions déjà.
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Il y a des livres qu'on rêve éveillé avant de commencer à les écrire, des livres qu'on pressent, encore cachés mais déjà vivants et impatients dans notre imagination ainsi que dans le spectacle des villes et des existences.
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Rien n'est plus irréel que le passé, rien n'est plus inquiétant, parce que à y creuser nous devenons irréels à nous-mêmes.
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