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EAN : 9782711879274
256 pages
Réunion des Musées Nationaux (22/02/2023)
4.5/5   5 notes
Résumé :
Les années 1930 marquent un tournant dans l'oeuvre d'Henri Matisse. En dépit du succès, il se lasse des intérieurs niçois et des nus alanguis. Avec l'âge et la renommée viennent les remises en question : c'est de neuf dont il a besoin, dans ses thèmes comme dans ses techniques picturales. Changeant d'échelle, il s'attaque à La Danse, vaste composition murale destinée à la fondation Barnes à Merion, et prend ainsi un nouveau départ, au seuil de sa soixantième année. ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Grand et beau livre dédié aux années 30 d'Henri Matisse, à titre de catalogue de l'exposition actuellement au musée de l'Orangerie.

Les articles des contributeurs se recoupent en se complétant, nous présentent précisément le parcours artistique du peintre durant cette décennie, suivant les articles que la revue Cahiers d'art lui a consacrés. Cette revue, la plus en vue de la période dans le domaine des avant-gardes, a alors fait de Matisse une des deux figures de proue (avec Picasso) de la modernité artistique.

Cahiers d'art est une revue lancée par Christian Zervos en 1926, et le catalogue nous la présente en début de volume, en tant que "porte voix d'un modernisme international, pluridisciplinaire, se faisant l'écho des courants esthétiques du temps". En quelques années, Cahiers d'art est passée d'une revue d'actualité artistique à une revue produisant d'ambitieux dossiers d'histoire de l'art, à la fois pour gagner ses galons en tant que revue de référence vis-à-vis du public et des institutions de l'art, mais aussi au bénéfice critique des artistes contemporains qu'elle replace dans la grande histoire, leur conférant une aura directement historique, exemplairement pour Picasso et Matisse.

Concernant Matisse, la revue a ainsi accompagné la décennie 1930 qui a été celle de son renouveau artistique. Matisse commençait à perdre son souffle créatif, après quinze années passées à Nice — sa "période niçoise" —, à peindre majoritairement sur chevalet d'après modèle. Il avait alors des peintures au ton plus impressionniste, un peu à l'arrière-garde des artistes parisiens du moment dont il s'était volontairement écarté. En panne d'inspiration, sa production baisse à la fin des années 20, se limitant à des oeuvres un peu laborieuses et forcées. Il constate avec aigreur en 1929 : "devant la toile, je n'ai aucune idée".

Le tournant des années 1930 donne lieu à un nouveau départ dans sa carrière. Les contributeurs du livre y voient plusieurs déclencheurs principaux.

Tout d'abord la commande qui lui est faite d'une grande composition murale en trois volets pour l'entrée de la fondation Barnes en Pennsylvanie. Matisse s'attèle à cette grande oeuvre de 1930 à 1933. Intitulée "La danse", les motifs qu'il y figure renouent avec ses célébrissimes "Danse I" et "Danse II" peintes plus de 20 ans plus tôt. Il retrouve les motifs autant que l'élan qui l'animait alors. Et puis la commande du collectionneur Barnes, engageante et ambitieuse, lui permet de "reprendre corps avec la peinture".

Egalement le début des années 30 est la période des premières grandes expositions rétrospectives de l'ensemble de son oeuvre : Paris, Berlin, Bâle, le MOMA à New York. Expositions qui, par leur caractère de bilan, titillent un Matisse encore fringant du pinceau, jeune sexagénaire alerte, peignant toujours la majeure partie de la sainte journée. Serait-il arrivé à son terme? NON, il refuse de s'"empater" dans les rétrospectives, les cérémonies, les commémorations (en attendant la funèbre? Non merci.). "Je ne suis pas mort, pas encore", argue t-il.

Ici je pense à certaines récompenses honorifiques, "life achievement" qui, chez certains artistes ont le mérite de briser une tendance à la standardisation des dernières années, leur permettant par réaction de retrouver de nouveaux degrés de liberté, une nouvelle jeunesse.
"Tout est fait", donc on peut se permettre des à-côtés.
"La renommée est déjà là", donc on n'a plus rien à prouver.

Ou, peut-être, ce serait l'idée douloureuse d'une carrière finie, achevée, avec laquelle il faudrait réagir. Un artiste comme Matisse ne saurait trouver à son oeuvre un terme quelconque. Une oeuvre n'est jamais "finie", et toute rétrospective a pour l'artiste un caractère odieux, elle rogne ses prétentions, elle est un aveu de semi-échec, forcé par autrui, forcé par la contrainte d'un temps décidément trop court...

Il ressort sans doute un peu de chacun de ces aspects. Mais l'argument qui ressort en surplomb, c'est que c'est d'abord une pure envie de peindre qui guide Matisse, tant et autant qu'il peut. C'est, assez basiquement, un désir de vivre, de jouir de la vie allié indissolublement à un désir d'art et de peinture. le raisonnement syllogique d'un artiste vitaliste au sens le plus strict, qu'on peut formuler ainsi: "Je veux goûter la vie, et vivre, c'est peindre."

Quant à la manière de ce renouveau créatif, Eric de Chassey nous dit par exemple :
"Une fois La Danse achevée, à partir de 1934-1935, [Matisse] revient aux mêmes thèmes, mais transforme le rôle de la répétition dans son processus créatif. Soit il en fait un principe vitaliste et programmatique, voire expérimental [...], soit il fait passer chaque tableau par des états successifs [...]. En tout cas, il ne fait plus jamais retour à l'espace impressionniste des tableaux de la période niçoise mais applique plutôt à leurs thèmes des leçons tirées de la période expérimentale au sens large (1907-1917), celle de l'autonomie de la ligne et de la couleur, au risque de la séparation, qui ne sera réconciliée que par la gouache découpée."

On apprend entre autres que Matisse tient à corriger certaines interprétations de son oeuvre publiées ici ou là qu'il juge inappropriées (par exemple une possible parenté avec le surréalisme en vogue, qu'il nie). Par contre il ne contrôle pas tellement l'affichage de ses oeuvres, n'y attache pas d'importance excessive. Il semble aussi que les célébrations diverses l'ennuient passablement. Bien que menant une vie publique équilibrée, il passe le plus clair de son temps dans son atelier.

Passionné par la beauté sous toutes ses formes (nature, corps), il gorge ses peintures des couleurs ensoleillées qui ont fait sa signature. Versant plus minimaliste : les nombreux croquis et dessins de la décennie nous font apprécier la puissance d'évocation de son trait (un génie de l'épure qu'il partageait avec Picasso). Je découvre également un Matisse sculpteur, et cet aspect de sa production est bien mis en valeur.

Richement illustré, le catalogue intéressera évidemment l'historien d'art. Il est destiné à faire référence en tant que rétrospective des années 30 de Matisse et de la revue Cahiers d'art. À n'en pas douter, il intéressera tout amateur d'art, pour sa contextualisation étayée d'une oeuvre essentielle; aussi pour l'éclairage offert sur la figure d'un artiste qui fait partie, de près ou de loin, de notre paysage commun; et bien sûr pour la beauté des reproductions.


Opération Masse critique. Je remercie vivement Babelio, le musée de l'Orangerie et la Réunion des musées nationaux.
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Matisse
Le tournant des années 1930
Le musée de l'Orangerie.

La cote de Matisse. Une vente au Christi'es, l'Odalisque couchée aux magnolias. 60 000 000 d' euros et des brouettes. Moi aussi j'ai un magnolia qui s'est couché, il en a coûté 80 euros à ma belle-mère !

Magnifique beau livre consacré au grand Matisse édité par le musée de l'Orangerie. En couverture (en très épais carton) sur fond jaune, une sublime peinture du maître : Femme à la voilette 1927 que je ne connaissais pas.

Matisse entre raisonnablement dans mon top 10. Je n'ai pas de Matisse dans mon salon, mais ça se pourrait si j'en avais.

La grande idée de ce livre est déjà de montrer au public des oeuvres à sa manière qu'il n'a pas l'habitude de voir quand elles ne sont pas inédites, tout en sachant que évidemment rien ne peut remplacer une vue de visu, incomparable et fraîche sur la production de ce peintre génial, inventif, qui n'a cessé de peindre le beau et la sensualité dans des lignes certes parfois audacieuses mais prenant soin de ce que la nature nous apporte à travers la femme dans sa nudité fulgurante, toujours renouvelée, mais aussi habillée et là il s'en donne à coeur joie dans des débauches de couleurs vivifiantes, à la fois chamarrées et sobres, toujours à la recherche de l'équilibre parfait : l'oeuvre d'art, le chef d'oeuvre qui vient flatter nos yeux pour l'éternité. Matisse est incroyablement tourné vers l'inédit, la fraicheur d'exécution, la ligne, le trait parfaits en jetant sur la toile, ou sur une feuille, un crayon, ce qu'il a de personnel, d'intime, ayant l'impudeur de nous prendre à témoin. Tout compte fait, je ne sais pas qui tient l'autre, est-ce ce peintre génial aux allures de professeur voyeur derrière ses loupes ou la muse qui étale toutes ses vertus dans un espace confiné ; j'ai le sentiment que cette dernière l'obsède et le fait tourner en bourrique : peut-être que sa vieillesse aura raison de ses ardeurs à voir la femme comme un objet de convoitise, et pourtant tant qu'il aura vie il vivra avec cet appétit féroce, mais le partage ne sera plus. Ce rapport aura quelque chose de pathétique ! Alors c'est quoi maintenant cette histoire de tournant des années 1930 ?
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Ce superbe livre d'art « Matisse Cahiers d'art, le tournant des années 1930 » est une coédition des Musées d'Orsay et de l'Orangerie publiée à l'occasion de l'exposition consacrée à la vie et aux oeuvres de Matisse durant les années 30. Cette exposition qui a débuté à Philadelphie en octobre 2022, est actuellement au Musée de l'Orangerie à Paris jusqu'à la fin mai, puis s'achèvera au Musée Matisse de Nice en Septembre 2023. La préface de l'ouvrage, met en avant le projet exigeant et ambitieux que représentait l'exposition, compte tenu de la logistique et du nombre d'oeuvres exposées, certaines pour la première fois en France.

Si de très nombreuses expositions ont été consacrées à Matisse en France et de par le monde, il en existe peu spécifiques à cette période particulière. À partir de 1928, alors qu'il est un artiste célèbre et admiré, la nécessité de peindre l'abandonne : « Devant la toile, je n'ai aucune idée » dira t-il. Ces années de doute sont consacrées principalement au dessin et à la gravure et à quelques rares toiles complexes telles que la Femme à la violette, superbement illustrée en couverture de l'ouvrage. En 1930, à l'âge de 60 ans, il est à Philadelphie pour réaliser pour un mécène et collectionneur une grande fresque murale sur le thème de la danse. Il éprouve alors le besoin de se réinventer en testant de nouvelles techniques, comme un nouveau départ. Cette décennie décisive de l'entre-deux-guerres va ainsi le replacer sur l'échiquier de l'art international.

L'approche originale de cet ouvrage, à travers le prisme des Cahiers d'art, une grande revue d'avant-garde lancée en 1926, permet de contextualiser ses oeuvres et mieux comprendre cette période créative de l'artiste. Une section de l'ouvrage (Extraits de 1926 à 1939) inclut ainsi des reproductions de numéros et d'articles de la revue consacrés à Matisse qui confirment son statut d'artiste reconnu.

Les essais de six historiens d'art, répartis dans l'ouvrage, sont particulièrement intéressants à lire, car ils abordent la vie et l'oeuvre de Matisse dans les années 30 sous des angles tout à fait différents, nous permettant de mieux cerner l'artiste et son processus créatif. Les informations sont claires, très détaillées, avec beaucoup de notes de référence. On en apprend ainsi énormément sur l'artiste, mais aussi son entourage, ses influences, ses doutes , ses recherches et la façon dont son travail évolue, etc.

Dans la partie de l'ouvrage intitulée Catalogue sont reproduites les oeuvres présentées dans l'exposition. de nombreuses peintures (mais aussi croquis et sculptures), toutes plus belles les unes que les autres, avec ces formes et ces couleurs vives si reconnaissables. Un vrai régal pour les yeux ! La qualité de cet ouvrage de grand format d'environ 250 pages est vraiment exceptionnelle, comme c'est souvent la cas des ouvrages de la Réunion des Musées Nationaux. Comme dans le reste du livre, des informations exhaustives, mais jamais rébarbatives, permettent de mieux appréhender chacune des oeuvres. C'est comme si un guide vous accompagnait tout au long de votre visite, pour s'assurer qu'aucun détail ne vous échappe.

L'ouvrage se termine par une chronologie détaillée et inédite de la période 1926-1940 élaborée par Anne Théry, Responsable des archives Henri Matisse, avec de nombreuses photos issues du fonds d'archive de l'artiste.

Après avoir lu cet ouvrage, je me rends compte que, hormis ses tableaux les plus célèbres, régulièrement exposés, une partie de la vie de Matisse semble être restée méconnue pour beaucoup de ceux qui apprécient ses oeuvres. Surtout, ce livre permet de mieux comprendre comment, à l'âge de 60 ans, l'artiste a osé courir le risque de l'inconnu et se remettre en cause et comment son art va s'en trouver profondément réinventé.

Merci à la Réunion des Musées Nationaux de m'avoir permis de découvrir ce beau livre d'art dans le cadre de la Masse Critique de Babelio.

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Tout d'abord un grand merci à Babelio et aux éditions des musées nationaux. J'ai reçu ce beau livre dans le cadre d'une masse critique graphique.
Je dois dire que je ne suis pas forcément une fan de Matisse mais je suis curieuse et j'adore la peinture ! Il s'agit du catalogue d'exposition qui traite "du tournant des années 30".
Forcément cette couverture très colorée et cette peinture nous montrent qu'on va découvrir autre chose que le "Nu bleu" que tout le monde a en tête à l'évocation de cet artiste. Je ne connaissais d'ailleurs pas vraiment autre chose de ce peintre. C'était l'occasion.
L'avantage des livres d'exposition c'est que nous retrouvons un certain nombre de peintures, de sculptures, d'esquisses. Avec tout du long l'histoire du peintre, le contexte historique, un peu comme une visite guidée à la maison.
Ce qui m'a particulièrement plu ce sont les oeuvres liées à ses voyages. Forcément avec de la couleur, avec parfois des influences orientales. Une vraie découverte.
Je suis ravie d'avoir eu la chance de recevoir ce superbe livre qui permettra à tout curieux d'en savoir un peu plus sur Matisse.
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Cet évènement bénéficie du soutien exclusif de CHANEL. Une Production Réunion des Musées Nationaux - Grand Palais et [terrain]. En collaboration avec le Festival d'Automne à Paris.
Le Grand Palais Ephémère prend place sur le Champ de Mars, le temps de la rénovation du Grand Palais, et accueillera certaines épreuves olympiques en 2024. Pour en savoir plus : https://www.grandpalais.fr/fr/le-grand-palais-ephemere
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