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4,18

sur 1484 notes
Livre fascinant de par le contexte dans lequel il a été écrit. Il mérite d‘être lu largement.

Toutefois, j'ai du eu mal à me plonger dans le livre. Il y a beaucoup de descriptions des lieux des objets des personnes mais très peu de place est laissée à la psychologie des personnages qui appartaissent desincarnés et caricaturaux.

J'ai tout de même préféré la deuxième partie Dolce qui est plus fluide et plus agréable à lire.
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Suite Française/Irène Némirovsky /Prix Renaudot 2004
Irène Némirovsky est une romancière russe d'origine ukrainienne de langue française née en 1903 à Kiev. Émigrée en France à la révolution de 1917, elle est morte assassinée en 1942 à Auschwitz.
Elle est le seul écrivain à avoir obtenu en 2004 le prix Renaudot à titre posthume pour son roman « Suite française ».
Suite Française est un témoignage vécu sur l'Exode en juin 1940 sur les routes de France, puis l'Occupation allemande, après la Débâcle face à l'invasion allemande.
La Suite se décompose en deux mouvements : Tempête en juin et Dolce.
Plusieurs familles sont mises en scène.
Tout d'abord la famille Péricand, issue de la haute bourgeoisie parisienne, Charlotte et Adrien les parents et leur cinq enfants, Philippe l'aîné qui est prêtre, Hubert 18 ans, Jacqueline 9 ans, Bernard 8 ans et Emmanuel un bébé. Ajouter la femme de chambre Madeleine, le valet de chambre Auguste, la cuisinière Maria, le sénile père d'Adrien et le chat Albert. Tous vont devoir fuir la capitale en voiture, en vélo ou encore à pied…Une fuite épique !
L'écrivain Gabriel Corte et sa maîtresse Florence devront eux aussi fuir la capitale ainsi que la famille Michaud, le mari et la femme employés de banque avec le sieur Corbin lui aussi de la banque avec sa danseuse de maîtresse, la belle Arlette.
Charles Langelet est un collectionneur d'objets d'art, un esthète raffiné pour qui quitter son appartement, un véritable musée, est un crève-coeur.
Tous et tous les autres vont être des réfugiés aux figures lasses, livides, en sueur en ce mois de juin caniculaire, avec les enfants en pleurs, à la recherche en cours de route d'un lit et d'un morceau de pain :
« Cette multitude misérable n'avait plus rien d'humain ; elle ressemblait à un troupeau en déroute ; une singulière uniformité s'étendait sur eux. Leurs vêtements froissés, leurs visages ravagés, leurs voix enrouées, tout les rendait semblables. »
Maurice Michaud, dont le fils Jean Marie a été envoyé au front, est le seul à comprendre que l'Histoire est un éternel recommencement :
« Envers ses compagnons de souffrance, Michaud éprouvait de la pitié, mais elle était lucide et froide. Après tout, ces grandes migrations humaines semblaient commandées par des lois naturelles songeait-il… Il se souvenait que les exodes avaient eu lieu de tout temps. »
Hubert Péricand que l'inaction ronge devant cette débâcle rejoint les soldats en déroute et ne peut s'empêcher de constater que ceux qui l'entourent, sa famille, ses amis, éveillent en lui un sentiment de honte et de fureur. Il voit sur les routes les fuyards, officiers, politiciens et fonctionnaires abandonnant leurs postes et songe :
« Et dire que personne ne le saura, qu'il y aura autour de ça une telle conspiration de mensonges que l'on en fera une page glorieuse de l'Histoire de France…Le réfugiés pillaient les maisons…Partout le désordre, la lâcheté, la vanité, l'ignorance ! »
Dans la seconde partie entrent en scène les dames Angellier, la mère et la belle fille Lucile dont le mari Gaston est retenu prisonnier en Allemagne. Cette partie du récit évoque les conditions de l'Occupation et les relations des soldats allemands avec la population dans le Morvan. Il est même arrivé qu'une certaine admiration se fasse jour dans l'esprit de Lucile qui visiblement est tombée amoureuse d'un gradé allemand :
« Elle avait trouvé comique autrefois cette courtoisie surannée, un peu affectée des soldats du Reich. Maintenant, elle pensait qu'elle regretterait ce tintement léger des éperons, ces baisemains, cette espèce d'admiration que lui témoignaient presque malgré eux ces soldats sans famille, sans femme… »
Jusqu'au jour où la Russie entre en guerre en juillet 1941 : les Allemands qui avaient alors pris leurs habitudes et parfois pactisé avec la population repartent vers d'autres horizons…plus à l'est.
le récit reste inachevé : en effet Irène Némirovsky est arrêtée, déportée et exécutée à Auschwitz en 1942. Dans une annexe figure l'ébauche d'une troisième partie.
Ce livre nous montre une facette de la guerre, celle vécue par le peuple des villes et des campagnes lors du chaos de l'Exode de 1940, loin des combats. Dans un style percutant et sincère, sans aucune concession, l'auteure nous fait connaître ce que les livres d'histoire ne nous ont jamais dit.
Pour la petite histoire, il faut savoir que c'est la fille de l'auteure, Denise Epstein, qui a caché durant 60 ans les deux premiers tomes manuscrits que lui avait confiés sa mère avant d'être arrêtée et a décidé finalement de les faire publier.



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Un roman sur la seconde guerre mondiale d'une justesse et d'une clairvoyance impressionnante. Les personnages sont humains, avec leurs qualités et leurs défauts. Et ce quel que soit leur côté de l'Histoire.
L'auteure a un recul sur les Hommes et sur les faits qui est impressionnant quand on sait que ce roman a été écrit au coeur de cette guerre. Mais également quand on découvre l'histoire et le destin de cette femme, qui ne reviendra jamais de déportation.
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Quelques semaines après avoir vu un document à la télévision sur le sujet, je me suis plongé dans Suite française qui traite du même grave sujet : l'exil des Français vers le Sud, en 1940, alors que les Allemands s'apprêtent à prendre Paris et tout le Nord de la France. Avec finesse sur la construction narrative (chaque chapitre s'intéresse à des familles différentes, habitant en ville ou en campagne, de milieu aisé ou plus modeste, personne seule, couple ou grande famille, banquier ou employé ou paysan), Irène NEMIROVXSKY nous traîne sur les routes engorgées lors d'un « sauve-qui peut » massif devant l'ennemi qui approche. Elle nous fait toucher du doigt les interrogations quotidiennes des exilés qui se posent alors : qu'emmener avec soi ? que cacher ? faut-il fermer son logement ? que manger ? où loger ? où trouver de l'essence ? faut-il être solidaire des compagnons d'infortune rencontrés ici ou là ? que demander aux habitants des villes et villages traversés ? On suit avec grand intérêt les tribulations des bourgeois aisés Péricand (grand-père, mère, enfants, nounou), du couple d'employés de banque, M. & Mme Michaud (aux prises avec un patron, Corbin, imbuvable, qui les licenciera pour ne pas avoir réussi à gagner Tours), du devenir de leur fils Jean-Marie parti à la guerre, blessé, soigné dans une ferme auprès de Madeleine & Cécile qui ne sont pas insensibles à son charme mais sont promises à d'autres hommes partis au front, de l'artiste Gabriel Corte (qui déteste cette populace qui se traîne à ses côtés sur les routes) et de sa femme, de l'abbé Philippe Péricand (fils des premiers nommés) chargé d'emmener de jeunes garçons de l'orphelinat dans le Sud, de son cadet Hubert, jeune impétueux de quinze ans parti se battre à Moulins. Cette galerie déjà très riche de portraits qui se débrouillent, volent, achètent à prix d'or, s'entraident, fuient, meurent, survivent, sont blessés … suffirait déjà à un roman mais Irène NEMIROVSKY décide aussi, avec bonheur, de poursuivre l'aventure avec l'arrivée de ces réfugiés à destination et surtout la période de l'Occupation où les soldats allemands réquisitionnent vélos, bétails, fusils, denrées, chevaux, vin, etc. en plus de se faire loger chez l'habitant (notamment dans la commune de Bussy). Là encore, l'auteur décrit avec intelligence les enjeux locaux : comment les habitants doivent accueillir ces occupants ? faut-il les haïr et le leur montrer ? faut-il juste se montrer poli ? faut-il être cordial avec eux car ce ne sont ni plus ni moins que des pères de famille qui ne rêvent que de retour à la maison comme de nombreuses femmes françaises rêvent de récupérer leurs maris disparus, blessés ou prisonniers ? Chacun épie son voisin, le jalouse, le dénonce à la Kommendatur. Les bourgeois du bourg jalousent les paysans pour les aliments que les fermes possèdent. Les paysans jalousent les bourgeois du bourg pour les biens et l'aisance financière qu'ils leur prêtent. Je m'arrête là car il y aurait tant à dire encore … Ah non ! Quand même ! J'allais oublier : les annexes livrent une correspondance émouvante entre Irène NEMIROVSKY et son éditeur (dans laquelle elle s'inquiète de son sort, israélite apatride car ayant fui l'URSS bolchevique) jusqu'à sa déportation en juillet 1942 puis entre Michel EPSTEIN (son mari) et leurs amis influents (notamment l'éditeur ALBIN MICHEL) pour tenter de savoir ce que sa femme passée par le camp de transit de Pithiviers (Loiret) est devenue [elle sera en fait déportée à Auschwitz où elle mourra du typhus] … avant que lui-même soit déporté et que la correspondance se poursuive entre une amie de la famille qui a bien voulu prendre en charge leurs deux filles et ces mêmes amis influents qui l'aident financièrement à s'en sortir. Irène NEMIROVSKY nous livre aussi ses notes où l'on apprend que Suite Française n'est en fait que la réunion des deux premiers volumes achevés sur les cinq volumes prévus. C'est l'une des deux filles, Denise, qui fera paraître ces deux volumes alors que sa mère est déjà morte. Avec un tel contenu magnifique, des coulisses d'écriture aussi tragiques, une valeur historique inestimable, ce roman, vous l'avez compris, m'a emballé !!
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Le 11 juillet 1942, Irène Némirovsky écrit dans son carnet : « Les pins tout autour de moi. Je suis assise sur mon cardigan bleu au milieu d'un océan de feuilles, mouillées et pourries par la tempête de la nuit dernière, comme si j'étais sur un radeau , les jambes repliées sous moi ! Dans mon sac, j'ai mis le tome II d'Anna Karénine, le journal de KM et une orange. Mes amis les bourdons, insectes délicieux, semblent contents d'eux-mêmes et leur bourdonnement est profond et grave. J'aime des tons graves des voix et dans la nature... Dans un instant, j'essaierai de trouver le lac caché."

C'était l'habitude de Némirovsky d'aller dans les bois pour écrire et prendre des notes sur son travail en cours. Ce devait être un roman écrit en cinq sections, traitant de la France sous l'occupation allemande. le livre, pensait-elle, ferait mille pages : une référence ironique au fantasme allemand d'un Reich millénaire. Elle a terminé les deux premières sections, "Storm in June" et "Dolce", et ensemble elles forment le roman maintenant publié en tant que Suite Française. Même ces sections n'étaient pas terminées, selon Némirovsky. Elle entendait réviser, notant que la mort d'un personnage était peut-être schmaltzy, et qu'elle trouvait « en général, pas assez de simplicité ».

Comme Katherine Mansfield, dont elle emmena le journal dans les bois ce jour de juillet, Némirovsky était une critique incisive de son propre travail. Cette recherche de simplicité reflète le propre désir de Mansfield de purger son travail de petits trucs d'écrivain efficaces. Némirovsky savait ce qu'elle visait, à quel point elle s'était imposée et combien il serait difficile d'y parvenir.

Son modèle pour ce roman à grand déploiement se déroulant en temps de guerre était Guerre et Paix de Tolstoï, qu'elle connaissait infinimement. Il y a beaucoup de jeux d'échos entre Guerre et Paix et Suite Française, certains respectueux, d'autres expérimentaux. Némirovsky crée des parallèles brillants et souvent ironiques entre les scènes des deux romans. Par exemple, la description de Tolstoï de la famille Rostov chargeant ses biens dans des charrettes alors qu'ils se préparent à fuir Moscou avant l'avancée de Napoléon trouve un écho dans une scène de la Suite française où la riche et bourgeoise famille Péricand fourre ses biens matériels dans la voiture alors que les Allemands avancent. Mais tandis que Natasha Rostova est horrifiée par le matérialisme de sa famille, et leur vider les charrettes et de les remplir de soldats blessés, les Péricand se comportent partout avec un égoïsme à peine masqué par les conventions. Leur départ est absurde, et il est observé avec une comédie froide et impitoyable. Les Péricands nobles et religieux tardent non pas parce qu'ils veulent aider quelqu'un d'autre, mais parce que le linge monogrammé n'est pas encore revenu de la blanchisserie. Némirovsky a très bien compris l'insensibilité de ceux qui se considèrent vertueux. Contrairement aux Rostov, les Péricand ne peuvent pas être décontenancés et ne peuvent pas se repentir.

Dans son isolement et ses dangers croissants, Némirovsky avait de bonnes raisons de comprendre la psychologie de la collaboration. Son portrait de la société française dans le tumulte de la guerre et de l'occupation n'est pas moralisateur, mais dévastateur. Les Michaud, commis qui n'appartiennent ni à la bourgeoisie ni à la classe ouvrière, sont presque seuls dans leur gentillesse, leur bonté douce et pratique et leur réalisme face à la souffrance humaine. Ce couple ressemble aux innocents sages tant chéris par Tolstoï et Dostoïevki, qui deviennent des pierres de touche pour ceux qui les entourent sans prétendre à la moindre grandeur morale.

La technique de Tolstoï a fasciné et inspiré Némirovsky, comme en témoignent ses notes sur la composition de la Suite française. Némirovsky avait été contrainte de quitter la Russie à l'âge de 15 ans, après la révolution, et le français était devenu sa langue de vie ainsi que la langue dans laquelle elle écrivait. Mais son oeuvre ne renie pas son identité russe : elle reflète plutôt l'interaction historique des langues française et russe dans la culture littéraire russe. Némirovsky apparaît comme un écrivain intensément russe, lyrique, énergique, terre à terre, idéaliste et pourtant sans illusions.
L'influence de Tourgueniev et de Tchekhov est également évidente. Ses descriptions du paysage rural français ont le mélange de réalisme et de tendresse poétique que Tourgueniev a perfectionné. Comme Tchekhov, elle observe et exprime avec force le détail qui fixe une scène, qu'elle soit intérieure ou extérieure. Par exemple, lorsque le soldat blessé Jean-Marie Michaud est hébergé par une famille d'agriculteurs dans un hameau isolé, une jeune fille pose un bouquet de cerises à côté de lui sur l'oreiller. Jean-Marie est en délire et est revenu à un état enfantin en glissant dans et hors de la conscience. Mais tout le temps, il est conscient des cerises. "Il n'avait pas le droit de les manger, mais il les pressa contre ses joues brûlantes et se sentit content et presque heureux."

Lorsqu'elle a commencé Suite Française, Némirovsky était dans la fin de la trentaine et déjà une romancière bien connue. D'après ses notes, il est clair qu'elle savait que son nouveau travail était d'un ordre différent. "Aujourd'hui, 24 avril, un peu calme pour la première fois depuis très longtemps, convainquez-vous que les séquences de Tempête, si je puis dire, doivent l'être, sont un chef-d'oeuvre. Travaillez-y sans relâche." Son désir d'achever le chef-d'oeuvre qu'elle croyait porter en elle est extrêmement émouvant, étant donné qu'elle n'a jamais pu aller au-delà de la deuxième partie du roman. Deux jours après que Némirovsky se soit assise pour écrire pour la dernière fois dans les bois de Maie, elle a été arrêtée par la police française en vertu d'une directive qui affectait les "juifs apatrides âgés de 16 à 45 ans". Elle a d'abord été emmenée au camp de concentration de Pithiviers, et de là a été déportée à Auschwitz, où elle est décédée le 17 août 1942. Son mari, Michael Epstein, avait supplié pour obtenir sa libération mais a également été arrêté et envoyé à la chambre à gaz immédiatement après son arrivée à Auschwitz le 6 novembre. Ses enfants n'ont échappé à la mort que grâce au dévouement de leurs soignants.

Le manuscrit de la Suite française a été conservé par Denise Epstein, la fille de Némirovsky, qui avait 12 ans au moment du meurtre de ses parents. Elle emmenait avec elle le carnet relié en cuir de sa mère chaque fois qu'elle et sa jeune soeur étaient déplacées d'un lieu sûr à un autre. Près de 60 ans plus tard, Denise a lu le carnet et a découvert qu'il ne contenait pas un journal intime, comme elle l'avait toujours supposé, mais un roman. L'histoire du manuscrit, et sa survie, est assez remarquable. L'autorité du roman, cependant, ne vient pas de son histoire, mais de sa qualité. Tout incomplet qu'il soit, dépourvu de la révision que son auteur aurait sans doute voulu faire, le récit est éloquent et éclatant de vie. Son ton reflète une compréhension profonde du comportement humain sous pression et un sang-froid durement acquis et souvent ironique face à la violation.

Némirovsky a compris que sa propre vie était sur le point d'être horriblement violée, même si elle ne pouvait pas savoir exactement ce qui était destiné aux Juifs de France. Elle a créé des personnages qui coexisteraient confortablement avec ces violations, comme l'auteur Corte, un homme de lettres dont le caractère précieux de sa propre créativité n'a d'égal que sa mesquinerie. Némirovsky a noté que "Corte est l'un de ces écrivains dont l'utilité deviendra flagrante dans les années qui suivront la défaite; il n'a pas d'égal lorsqu'il s'agit de trouver des euphémismes pour se prémunir contre des réalités désagréables".

Dans l'univers fictif de Suite Française, tout est mouvant. Certains sont stupéfaits, tandis que d'autres se disputent déjà une position dans le nouvel ordre. Quelques-uns se préparent à résister. Mais rien n'est abstrait ; tout est rendu présent, que ce soit les cerises sur l'oreiller, le petit dîner privilégié que Corte s'assure et qui est ensuite arraché par un homme affamé, ou le son de la musique dérivant sur un lac le soir pendant que de jeunes soldats allemands font la fête. La réalisation la plus extraordinaire de Némirovsky est peut-être l'humanité de ces Allemands individuels et le sens de la tragédie lorsque leur célébration se dissout à la nouvelle que l'Allemagne a envahi l'Union soviétique. Leurs rêves de paix s'évanouissent ; les fantasmes d'un marché entre vainqueurs et vaincus ne peuvent survivre.

La pitié de Némirovsky pour les soldats allemands qui deviendront le fourrage de cette campagne fatale donne du grain et de la profondeur à ces passages et suggère que son livre achevé aurait bien pu être le chef-d'oeuvre qu'elle espérait créer. Ses jours d'écriture dans les bois de Maie ont été brutalement écourtés, mais même dans sa forme incomplète Suite Française est l'un de ces rares livres qui demandent à être lus.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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L'histoire du manuscrit est aussi romanesque que ce qu'il raconte : Irène Némirovsky est Juive. Arrêtée en 1942, elle est envoyée à Auschwitz, dont elle ne reviendra pas. Son mari subira le même sort mais leurs 2 fillettes, elles, échappent à l'arrestation et sauvent dans leur fuite « le cahier de maman », manuscrit inachevé de Suite française qui ne sera finalement publié qu'en 2004. Suite française se décompose en 2 parties, qui pourraient se lire indépendamment. le premier Tempête en juin n'est pas vraiment un roman mais une suite de tableaux sur l'exode de 1940 lorsque les Parisiens quittent Paris après la victoire allemande. le second, Dulce, a la forme plus classique d'un roman et raconte la vie dans un village sous l'Occupation. Malgré quelques longueurs et des personnages dans lesquels on se perd parfois, j'ai apprécié cette lecture d' un ouvrage sur la guerre écrit à chaud (le premier volume est presque un reportage) mais, étonnamment, sans manichéisme et sans ressentiment vis à vis de l'ennemi : les Français sont parfois bons, parfois vils et laches. Et il en est de même pour les soldats allemands qui ne sont finalement que des hommes comme les autres. J'ai été épatée par la capacité de l'auteure à analyser la situation avec autant de recul.
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J'ai lu, j'ai relu, et je relirai Suite Française. Pour moi, ce livre est à l'exode de 1940 ce que "La Peur" de G. Chevallier est à la guerre de 14/18. Un témoignage saisissant de ce que furent ces heures sombres. Plus qu'un roman, un document d'un réalisme époustouflant sur le comportement des hommes propulsés dans le chaos de la fuite. Ou confrontés à l'Occupation dans leur quotidien. En un an, Irène Nemirovsky avait compris ou pressenti toutes les ambiguïtés, toute la fausseté des rapports entre occupés et occupants. Elle raconte les tentations ou le refus de la collaboration bien avant que le mot ait pris le sens qu'on lui connaît aujourd'hui. Cette prescience est bouleversante quand on a à l'esprit, ce que fut le sort d'Irène Némirovski, dans les mois suivant l'écriture de ces textes.
Et pour connaître l'incroyable parcours du manuscrit jusqu'à sa publication, et celui, terrible, des filles d'Irène Nemirovsky, le témoignage de Denise Epstein : https://entretiens.ina.fr/memoires-de-la-shoah/Epstein/denise-epstein



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Oeuvre en deux parties dont la première partie dépeint, tel un tableau polyphonique, l'exode de juin 1940 des Français qui fuyaient l'invasion allemande : des ouvriers, des familles riches, des bourgeois, des intellectuels, des cocottes… qui vont courir différente chance. Et dans la deuxième partie on raconte l'histoire entre la jeune Lucile Angellier et le lieutenant allemand Bruno dans un village sous l'occupation.
Roman bouleversant qui montre les tensions sociales, l'âme de chaque personne et aussi les relations entre occupants et occupés.
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Quelle découverte, cette écrivaine !
Dans le contexte de la situation geo-politique actuelle en 2022 dans l'est de l'Europe, j'ai trouvé ce livre « par hasard ».

J'ai lu uniquement la première partie, Tempête en Juin. Jamais je n'ai « lu » une fresque historique relativement récente sous forme de roman, peinte quasiment en direct avec autant de précision, de finesse et de lucidité, d'ironie et même d'humour!
Les mots d'Irène Némirovsky sont de véritables coups de peinture ! Un pinceau très fin, des couleurs à l'infini ; ce roman réaliste composé de 4 tableaux autour de quatre personnes et familles parties sur les routes en quittant Paris, en juin 1940, est une galerie d'art…

Une galerie d'art dans le décor réel d'un monde tragique, celui du début de la 2ème guerre mondiale.
Comment cette écrivaine, d'origine juive née à St Petersbourg dans une riche famille bourgeoise mais ayant vécu et étudié en France dans un grand confort matériel et spirituel, a appris à avoir un regard aussi acéré, juste, tendre, lucide, sans pitié, ironique mais aussi poétique sur les êtres humains et leur environnement ? Son intelligence, son sens de l'observation ?

Grande bourgeoise elle-même, dans ce premier volet l'auteure observe et brosse les portraits très riches en couleur et en psychologie des gens qui se lancent sur les routes pour fuir Paris :
Les Péricand, une famille bourgeoise avec un grand-père en fauteuil roulant et 2 fils -dont l'un est prêtre et l'autre, Hubert, qui veut se battre dans l'armée en quittant la famille pendant leur fuite. Leurs domestiques ; le riche écrivain Gabriel Corte, imbu de lui-même, et sa maîtresse Florence ; les Michaud, couple d'honnêtes employés de banque de situation un peu modeste. Leur fils est déjà enrôlé dans l'armée; Charles Langelet, célibataire égoïste raffiné et pédant qui aime les belles collections, vivant hors du temps.

Oui, ces personnes ont des caractères, des pensées, des réactions, des peurs, des ressentis, des espoirs, tous rendus d'une façon magique. Dans les épreuves, on sent que certaines changent, deviennent moins égoïstes, plus humaines. D'autres font semblant de rien, ne voient rien et espèrent que tout ira bien pour eux pour toujours. Oui, on a de la sympathie pour certain-e-s d'entre eux !

Ces récits se joignent ici et là, il y a des rebondissements inattendus et réussis. Parmi les pépites…Deux pages consacrées uniquement à l'observation d'un chat dans un jardin dévasté, un régal de poésie. La description de ce mois de juin si doux, si fleuri et printanier. Et le jeune garçon Hubert, dans sa naïveté et sa jeunesse, on ne peut que l'aimer. Et puis, les derniers instants du vieux Péricand entouré d'un notaire et de 2 nonnes …épique ! La fin surprise de ce Langelet. le retour inattendu du jeune Hubert présumé mort. de grands moments de lecture !

La mosaïque humaine que peint Némirovsky est d'une grande finesse et justesse. Sans jamais juger, l'auteure témoigne d'une très grande maturité personnelle. Némirovsky a senti arriver l'horreur avec lucidité et ne s'est pas trompée. Elle a eu 100 fois raison d'écrire ce printemps 1940 sous forme de roman. Mais voulait-elle absolument témoigner ? Pas si sûr…
Ecrire passionnément, telle était sa mission…

Un très grand talent qui malheureusement s'est éteint à l'âge de 39 ans dans les camps nazi.
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Un magnifique roman que j'ai beaucoup aimé.

J'ai aimé l'écriture précise mais fluide. Une plume douce. J'ai apprécié la poésie qui se dégage du texte, la beauté des descriptions et des paysages malgré la noirceur de la période décrite.

Ce qui m'a beaucoup touché c'est l'ambivalence, surtout lorsque l'on en sait un peu plus sur la vie de l'actrice et sa fin tragique. Ici rien n'est noir, rien n'est blanc. C'est la guerre. Il y a les allemands et les français. Il y a les envahisseurs et les opprimés. Mais il y a surtout des personnes, des êtres humains quel que soit leur nationalité, leur statut social, leur vécu. de part et d'autres il y a de jeunes gens qui n'ont rien demandé. Ils ont soif de loisirs et de plaisirs, soif de liberté et de partage. Mais comment faire face à ses propres convictions, à sa propre histoire ?
La psychologie des personnages est fouillée. C'est très intéressant de voir le débat intérieur de chacun d'eux.

Le roman est divisé en deux parties : l'exode de juin 40 et l'occupation. Ce qui m'a gêné, c'est que ce sont deux parties distinctes, comme deux histoires indépendantes. Elles ne se font pas suite ni ne se répondent. Les personnages de la première partie sont oubliés dans la seconde et ceux de la deuxième partie inconnus dans la première.

Un texte riche, très instructif et très agréable à lire.
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