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EAN : 9782246528111
210 pages
Grasset (15/05/1996)
3.89/5   9 notes
Résumé :
Alors que l'armée, qui a pris le pouvoir en 1976, muselle l'Argentine, d'anciennes gloires nationales, Galvan, chanteur de tango, et Rocha, boxeur, sont invitées à se produire à la fête de Colonia Vela, bourg fictif, oppressant, proche de Buenos Aires. Les militaires comptent les utiliser à des fins de propagande. Mais rapidement on découvre que Galvan a jadis chanté pour les démocrates... Quant à Rocha, il est tombé dans un piège, son match contre un colonel s'anno... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Une première rencontre avec Osvaldo Soriano avec une parabole lumineuse sur l'oppression.
Nous sommes en Argentine durant la dictature militaire ( 1976-1983 ) dans une petite ville de province tenue par l'armée et des notables à leur service. Galvàn chanteur de tango et Rocha boxeur en fin de carrière ont été invités à la fête municipale l'un pour chanter , l'autre pour boxer, à des fins de propagande. le premier, révélé démocrate est vite dénoncé et remercié , alors que pour le second est prévu un match truqué contre un boxeur militaire de carrière . On sent très vite que les choses vont très mal tourner….

Soriano exilé en Europe suite à l'instauration de la dictature dans son pays, dans ce roman publié en 1982 à travers le destin de deux personnages inoffensifs relate la paranoïa de la dictature qui écrase tout personnage suspect selon leurs critères, dont, démocrate = terroriste ( dans le texte ). Une histoire violente et émouvante avec un zeste d'humour et de burlesque où même l'amitié des deux protagonistes n'arrivera pas à les sauver dans cette ville où les gens errent, font la fête alors que les militaires assassinent, répriment, kidnappent et font disparaître des gens au vu et au su de tous. Tout le monde sait ce qui se passe mais tout le monde choisit de détourner le regard. Un des meilleurs livres lus sur cette période noir du pays dont sa littérature en est majoritairement imprégnée.
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Lu en v.o. Cuarteles de invierno.

Ca devient une habitude, une manie, un (mauvais?) pli. J'enchaine les lectures autour d'un meme sujet. Apres Deux hommes a l'affut de Dal Masetto je n'ai pu trouver de repos jusqu'a ce que je mette la main sur Quartiers d'hiver de Soriano. Encore la dictature militaire argentine. Il est dit que je devrai boire le calice jusqu'a la lie.

Au premier abord ce sont deux echantillons d'une meme matiere: des hommes sont exclus par la dictature et ses sbires d'une fete populaire sans qu'ils sachent pourquoi. Mais ce n'est qu'un abord fallacieux car tout en partant de cette premiere donnee les deux livres different beaucoup. Si chez Dal Masetto il etait question de la paranoia d'un homme qui se croit poursuivi, parce qu'il sait que chacun peut etre poursuivi, avec ou sans raison, par cette dictature, ici la persecution est reelle, physique, elle ne fait pas que mortifier l'ame, elle frappe, elle blesse, elle tue.

Deux heros tragiques dans cette histoire, un chanteur de tangos et un boxeur, tous deux sur le retour, engages a se produire pour la fete d'une petite ville, ou un grand village, qui devient le troisieme personnage, le miroir deformant ou toute epopee latino-americaine adquiert les traits d'une farce provinciale. C'est Colonia Vela, que Soriano nous avait deja presentee dans Jamais plus de peine ni d'oubli.

Deux heros tres differents. le chanteur, qui est le narrateur, complexe, ne sachant pas toujours lui-meme comment il va agir, alors que le boxeur est toujours predictible. le chanteur est un survivant alors que le boxeur, colossale carcasse sentimentale qui ne sait qu'aller droit au but, on ne sait en fin de livre s'il survivra. Pour des broutilles, sans qu'ils comprennent pourquoi, ils sont pris a partie pas des gars de la milice (ou de la police, ou de l'armee) puis attaques par les acolytes civils du regime et livres deliberement a ses sbires. La violence se canalisera sur eux, le chanteur ne pourra se produire et fera un essai rate de fuite, et le boxeur servira de sacrifice humain devant une foule en liesse, une foule consciente que le pouvoir reprime, sequestre, fait disparaitre, assassine, en plein jour et tous les jours, mais prefere detourner le yeux et s'abandonner a l'illusion de la fete.

Mais ce livre a un grand plus. Si autour du heros de Dal Masetto tous etaient pris de la meme peur, atteints de la meme paranoia, tous se defilaient sans aider et il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre, Soriano distille dans un climat d'horreur une sublime histoire d'amitie, et sinon d'amitie du moins de solidarite, d'entraide, d'abnegation dans l'assistance. Une histoire d'espoir: comment deux personnes tres differentes, peu faites pour se comprendre et encore moins pour s'apprecier, finissent par etre freres dans l'adversite, capables de se sacrifier l'un pour l'autre de facon completement desinteressee. Tout en anathemisant la dictature, Soriano fait passer un message d'espoir: nulle repression ne pourra annuler completement la charite humaine, ses gestes de compassion, de devouement altruiste.

Il est peut-etre curieux que Soriano, bien qu'il ait ecrit ce livre en exil entre 1977 et 1979, en pleine dictature, a su y mettre une lueur d'espoir, contrairement a Dal Masetto qui n'a ecrit le sien que quand cette dictature etait deja du passe. Curieux? Non, edifiant. Si le livre de Dal Masetto est interessant, celui-ci brillera toujours pour moi dans le firmament des lettres argentines. Pas seulement pour ses themes, pour son style aussi, chaud, caressant envers et contre tout, et pour les quelques passages humoristiques qu'il reussit a intercaler.


P. S. On me dit que toutes ces histoires de fetes et de sacrifies dans ces fetes viennent toutes de Borges. Je vais verifier. Et peut-etre continuer a enchainer. Jamais deux sans trois.
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Colonia Vela est en fête. Loin de Buenos Aires, perdu dans la poussière argentine, ce petit bourg promet une belle distraction, tango et boxe. le grand Galvan doit faire une représentation à la salle des fêtes communale, des affiches ont même été collées aux murs délabrés de la ville pour annoncer sa venue.
Deux hommes montent sur le ring. le speaker annonce le grand combat de l'année entre le vieux Rocha et la légende locale, le vainqueur aura le droit de participer aux prochains championnats du monde, c'est dire l'enjeu colossal au milieu de la ferveur populaire.
Finalement Galvan sera remplacé ce soir, incompatibilité d'humeur politique, il doit quitter la ville, immédiatement, ordre des autorités et à la fin des années soixante-dix, mieux vaut pas se frotter à la mitraillette de ces autorités-là.

Il a mis un genou à terre, l'arbitre compte une première fois, un… deux… trois… quatre… ça va ça va ça va je vois encore clair ce ne sont que quelques étoiles autour de ma tête, que quelques gouttes de sang sous l'arcade passe-moi l'éponge que j'essuie ça surtout ne jette pas l'éponge c'est la dernière chance de ma vie… le combat peut reprendre, les coups cognent, les boxeurs glissent en sueur sur le ring, encore un peu et ils danseraient un tango argentin.
Il faut dire, l'autre boxeur n'est pas un manchot, et en plus se trouve être juste le colonel de la garnison. Mais ne me fait pas dire que ça pue le combat truqué, c'est pas parce qu'autour du ring il y a des dizaines de militaires mitraillettes au bras, en train de s'abreuver de plusieurs verres de bières…

Franchement une telle histoire ne peut que mal finir, du moins pour le vieux boxeur qui croit saisir la dernière chance de sa vie. Et en y regardant de plus près, ce simulacre de fête ressemble de plus en plus à une opération de propagande autour de la dictature au pouvoir. Mais j'imagine bien que Galvan et Rocha, ces deux-là qui viennent de se rencontrer juste quelques heures avant, dans le train vers Colonia Vela, vont se découvrir une profonde histoire d'amitié. Il suffit parfois de boire un verre ensemble pour tisser des liens profonds, une bière et une dictature.

La foule est en délire, le spectacle touche à sa fin. le speaker remonte au centre du ring, la musique s'efface devant la voix tonitruante de l'homme en uniforme et aux galons dorés. Un dernier mot pour remercier chaleureusement les sponsors de cette évènements la brasserie Quilmes, souvent en rupture de stock, qui fournit la bière ainsi que le magasin général, jamais en rupture de stock, qui fournit livres et cookies. Bonne soirée à vous tous, bon retour dans la pampa, n'ayez pas peur, ce ne sont que des militaires qui patrouillent à la nuit tombée.
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Après l'invitation lancée par les billets d'Idil et de Dandine, je n'ai pas eu d'autre choix que de prendre mes quartiers d'hiver (oui l'hiver commence aujourd'hui 21 juin en Argentine) dans cette Argentine de la fin des années 70.
Je sais qu'il y a des destinations plus attrayantes qu'une terre sous régime militaire ou policier pour se détendre avec un bon bouquin mais les voyages au bout de l'enfer aident à relativiser nos petits soucis quotidiens.

Bienvenue à Colonia Vela. Aujourd'hui c'est la fête au village. Parmi les attractions oubliez les manèges et les barbes à papa, ici le programme c'est tango et boxe. le notable du village et un officier du régime videla changent leurs uniformes pour celui de G.O façon club med. Quand je dis club med, comprenez bien que question organisation c'est surtout au niveau de la pensée parce que coté ambiance c'est plutôt, si j'osais (allez j'ose), le « vide est là » pas top quoi.
Galvan et Rocha, chanteur et boxeur venus de la capitale débarquent à la gare.

Osvaldo Soriano nous entraine dans les pas de deux hommes que rien ne réuni à part le fait d'avoir été engagés par le régime pour divertir et endormir un public trié sur le volet et pour promouvoir un militaire local, boxeur à ses temps perdus.
Comment réagir quand on s'aperçoit que l'on devient un objet de propagande, comment gérer sa colère et sa peur ?
Ce livre est un livre d'atmosphère. Pas de torture ni d'arrestation arbitraire. Pas d'interrogatoire à peine quelques intimidations.
Tout ce qui tient ce bouquin c'est la pesanteur de l'air ambiant. C'est lourd, très lourd. Ca pèse sur les épaules, c'est orageux, oppressant. Il règne un climat de fait divers, de ceux qui pour un regard ou une parole dérivent dans une violence sans limites devant des témoins scotchés par la peur ou l'indifférence.

Merci Idil et Dan pour, une fois de plus, cette incitation au « voyage ».
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Argentine. Dictature.
Les autorités organisent des festivités dans une petite localité. Pour faire plaisir à bon compte à la population, mais pour s'assurer surtout qu'elle y participe sans rechigner. du pain et des jeux...
En l'occurrence, un récital de tango et un combat de boxe. Mais à l'économie : avec des célébrités sur le retour, qui ont besoin de se refaire.

Le chanteur et le boxeur, invités à se produire dans ces circonstances, font connaissance à la descente du train qui les amène sur place. Mais rien ne se déroule comme ils l'avaient prévu. Même l'amitié qui naît entre eux, en quarante-huit heures, relevait de la plus grande improbabilité.
Ce qui ne semble surprendre personne, en revanche, c'est la présence constante, en tous lieux, de policiers, plus ou moins pourris, et de militaires imbus de leur puissance. Ni les uns ni les autres ne se privent d'en faire usage. La description, seulement factuelle, de leurs comportements et de leurs interventions, fait naître un sentiment d'absurdité incrédule. Une illustration terriblement éloquente de ce qu'est une dictature au quotidien. Omniprésente, pesante, étouffante, avant même d'être violente.

La lumière dans le roman, vient des deux héros - héros malgré eux – si peu faits pour s'entendre, et d'un troisième homme, le clodo qui va laisser tomber « les petits riens », " les choses mesquines » auxquelles il s'accrochait encore, pour leur venir en aide, au péril de sa vie. Ces trois personnages, bruts de décoffrage au premier abord, révèlent une humanité profonde et courageuse, qui refuse de se laisser museler et amoindrir. Ils emportent l'admiration et le respect.

En revanche, je ne parlerai pas du notable qui collabore éhontément avec les militaires : un avocat corrompu, méprisable, indigne de sa profession dont je collectionne, dans ma galerie virtuelle, les beaux spécimens littéraires.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Nous marchions déjà depuis une heure quand je commençai à éprouver un froid intense dans les jambes et un goût amer sur la langue. J'allai jusqu'à un tronc d'arbre et m'y appuyai pour prendre une cigarette. Mingo avait plusieurs mètres d'avance ; la flamme du briquet l'arrêta. Lorsqu’il me rejoignit, je lui donnai une cigarette. De sa poche d'imper, il sortit une bouteille de genièvre et but une gorgée qui me parut interminable ; après, il me la tendit et nous nous assîmes sur le sol humide, adossés au tronc. Nous nous repassâmes la bouteille trois ou quatre fois. Pas très loin, un grillon chanta. Mingo tendit le bras et montra un point dans les buissons.
« La chance, camarade, dit-il. Vous allez avoir de la chance. »
Je le regardai lever le coude. Il abaissa la bouteille et me la tendit.
« Le grillon. S’il chante, ça porte chance.
- Ils chantent toujours, c’est tout ce qu’ils savent faire, non ?
- On voit bien que vous êtes de Buenos Aires », dit-il, déçu.
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- Mais tous ces gens-là, ceux du dimanche matin... regardez-les. Ils ont presque tous perdu un parent. Le plus jeune, l’idiot de la famille. Et ils se font des condoléances comme s’il avait été emporté par une épidémie.
- Vous, vous faisiez quoi pendant l’épidémie ?
- Moi ? La même chose qu’eux. Je regardais, j’entendais, et je la bouclais. Plus on est vieux, plus on tient aux choses mesquines, plus on accepte et plus on s’accroche aux petits riens qu’on a réussi à garder.
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Ils me font de la peine, lâcha-t-il soudain. Ils vendraient père et mère pour quelques sous , et ensuite, ils vont à la messe pour se faire pardonner.
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Elle se remit à pleurer. Je lui pris une main et l'attirai contre mon épaule. Ses larmes froides coulèrent dans mon cou. Nous restâmes un moment ainsi, sur fond de Vivaldi, jusqu'à ce qu'elle commence à se calmer.
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