"Obsédant, terrifiant, dérangeant" titrait le Atlantic Wire. Je ne sais pas si cela est suffisant pour rendre compte de l'horreur de ce roman. Plus qu'un thriller psychologique, il s'agit d'un roman d'horreur.
New Jersey, un centre commercial : Dinah erre sur le parking avec son fils de 5 ans, Robbie, qu'elle tient par la main, à la recherche de leur voiture, renouvelant ainsi la ludique tradition instaurée par Maman après toutes les séances shopping, et à laquelle on ne déroge JAMAIS.
New Jersey, un centre commercial :
Daddy Love a repéré sa proie, son fils "élu", celui que Dieu lui envoie et dont il doit s'occuper, sauver de ses parents, manifestement pas assez bien pour lui.
Un marteau, un coup bien placé, l'échange a lieu. Arraché à sa mère laissée pour morte,
Daddy Love s'empare de son "fils".
Une scène effroyable sur un parking, dont les minutieux détails sont à glacer le sang, telle est la manière dont s'ouvre ce thriller.
Assomée par
Daddy Love, Dinah lâche la main de son fils,
Daddy Love s'en empare et l'enferme dans sa fourgonnette, démarre, Dinah se lève, une force maternelle dont elle ne sait pas d'où elle lui parvient, elle court après son fils qui lui échappe, après cette fourgonnette qui s'éloigne, tente de la rattraper, la fourgonnette fait demi-tour, Dinah lui fait face, Dinah ne se pousse pas, la fourgonnette se rapproche, le choc est inévitable, une main sur la poignée passagère ; Dinah est renversée, accrochée, telle une poupée désarticulée, elle est traînée sur quinze mètres.
Puis plus rien.
Ainsi commence l'histoire de
Daddy love, prémices d'une suite tout autant sordide et horrible.
Fait prisonnier, Robbie devient Gideon, tantôt esclave, tantôt admiré par son "Père". Car
Daddy Love est un personnage monstrueux, ambivalent, dont l'Amour (du moins ce qu'il croit en être) ne peut se manifester que soit par la violence, les sévices, les punitions, soit par une vague d'affection dégoûtante, des "câlins" comme il les appelle, qui ne sont que des violences sexuelles envers un enfant complètement démuni.
Manipulateur, psychopathe, pédophile,
Daddy Love, qui officie comme prédicateur pour une Paroisse à ses heures perdues, est un homme d'une abominable cruauté.
"Il y avait
Daddy Love qui protégeait. Il y avait
Daddy Love qui punissait".
D'une écriture violente, incisive, frontale et primitive, Oates nous fait vivre une double histoire : celle des terribles années de Robbie passées avec son bourreau, sa trasformation aux côtés de ce monstre, son innocence perdue et sa désagrégation inévitable ; mais celle aussi de
Daddy Love, insupportable, ses pensées, ses gestes, ses désirs, la personne atroce qu'il est et les horreurs qu'il a commises et continue de perpétrer.
Pourtant révulsant, l'on ne peut quitter ce livre, tant il explore la complexité et l'incompréhension du lien qui unit ces deux êtres, et tant son caractère psychologique est crucial pour faire de ce roman une oeuvre littéraire.