Mudgirl (fille-boue), une fillette, est abandonnée par sa mère possédée par un délire mystique dans des marais de la Blake Snake River dans les Adirondacks aux États-Unis. Alors qu'elle était en train de mourir étouffée par la boue, un trappeur la sauve. Ensuite, l'enfant est recueilli par un couple de quaker qui l'adopte et lui donne le nom de sa fille décédée : Meredith Ruth Neukirchen (M.R. -Mister?). La fillette grandit en vivant dans la religion quaker. Elle devient une femme,
Mudwoman (la femme-boue) forte, intelligente, et elle accède à un prestigi
eux poste en devenant la première femme présidente d'une université aux États-Unis au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Alors qu'elle se rend pour donner une importante conférence non loin de la ville de ses parents adoptifs, Meredith décide de louer une bagnole pour explorer les environs. Elle a un accident, ce qui l'empêche de présenter son discours. Son accident semble déclencher en elle une crise, car il apparaît très difficile d'enfouir son passé dans les méandres de son âme. Les souvenirs refont surface en même temps que Meredith assume ses nouvelles fonctions et en luttant contre la misogynie de ses pairs. Très stressée, Meredith développe une dépression nerveuse à la suite d'une tentative de suicide d'un étudiant sur le campus. Comment s'en sortira-t-elle? Dans quelle spirale infernale la jeune femme est-elle entraînée? Qui pourra l'aider à s'en sortir? Qui l'aimera finalement?
Mes impressions
Ce livre m'a marquée et je vais m'expliquer en d
eux temps à partir de la crise intérieure qui habite Meredith; ensuite, je vais m'attarder à la crise collective sévissant aux États-Unis.
La crise intérieure : En occupant les fonctions de présidente d'une université, Meredith est confrontée à un éclatement de ses valeurs. En ayant grandi dans une famille marquée par la religion quaker prônant l'égalité entre les êtres, la non-violence, les idéaux, la compassion, l'entraide, la bonté, le silence, le calme, etc., elle tombe dans un milieu conservateur, misogyne, loin de ses valeurs progressistes. En essayant d'aider un étudiant frisant la folie, elle ne respecte pas ses fonctions et les conseils juridiques. En plus, l'étudiant rate sa tentative de suicide et il est plongé dans le coma. Il est maintenu en vie par un respirateur artificiel. Ce drame l'amène à explorer celui qu'elle a vécu enfant. Elle a été jetée dans la boue par sa folle de mère. La boue est partout dans le livre. Elle définit Meredith (Mudgirl,
Mudwoman), elle l'entraîne dans une rêverie associée à l'intériorité, à un retour à la mort et elle lui permet de se cacher, d'accéder au mystère. le chapitre où Meredith se maquille s'avère en ce sens très représentatif. Voici le résultat :
«Elle était haletante, distraite et agitée comme si on l'avait brutalement tirée d'un rêve. Sa tenue…n'était pas vraiment débraillée, mais quelque chose laissait à désirer – et ses chev
eux,
eux, étaient ébouriffés comme si elle avait à peine eu le temps de se donner un coup de peigne et son visage – le pauvre visage ravagé de M.R.! – la trahirait en fin de compte car il était étrangement enflé autour de la bouche et mouillée en hâte, étrangement, avec une sorte de pâte qui, en séchant, avait foncé comme de la boue. Finie la Walkyrie au visage rayonnant, son visage ressemblait maintenant à l'un de ses visages-masques primitifs des Demoiselles d'Avignon de Picasso. (p. 362)
Source : Wikipédia
La lectrice ou le lecteur semble se retrouver dans un monde inversé au sens hégélien du terme où elle ou il est confronté à un jeu de contradictions entre ce qui est démontré et ce qui est caché. le rôle de la boue engendre une rêverie associée au masque, à la folie. Meredith masque sa dépression nerveuse à ses collègues. La rêverie de la boue est profondément morbide…
La boue entraîne vers des profondeurs où la descente peut être infinie et elle engendre la mort par étouffement. C'est une image puissante de lutte contre la nature, un retour vers un ailleurs primitif. Et Meredith a été projetée dans la boue enfant. Sa mère voulait la tuer. C'est un acte puissant car celle qui l'a mise sur la Terre la retourne à la terre. Sa descente vers l'intériorité de son être l'amène à essayer d'exulter son imposture, mais aussi à tenter de trouver un peu d'apaisement relié au geste maternel.
Son père adoptif va l'aider à guérir un petit peu de sa dépression nerveuse. En ce sens, Meredith s'éloigne de la terre de la mère pour rejoindre une dialectique associée au père en tant que sauveur.
Le livre par le biais de son héroïne entraîne la lectrice ou le lecteur dans un thriller psychologique vertigin
eux et l'autrice joue avec son inconscient en explorant ce qui est tolérable et ce qui ne l'est pas. Comment survivre à l'horreur?
Crise collective : Au lendemain des attentats terroristes du 11 septembre, les États-Unis plongent dans une crise les entraînant dans une guerre contre l'Irak. Les actes des terroristes servent à légitimer la guerre. le peuple s'avère alors victime d'une annihilation. Cette crise collective, Meredith la ressent. Elle vient encercler celle qu'elle vit. Comme le remarque l'instance narratrice :
«Il y a aussi de la pauvreté en Amérique -et pas seulement économique. Une pauvreté d'esprit.» (p. 264)
Et le gouvernement américain de l'époque mentionne qu'il va déclencher la guerre en Irak au nom de la liberté. Les Américains n'apparaissent plus libres dans leur pays, car ils ne se sentent plus en sécurité selon le gouvernement. Alors, il faut s'en prendre au mal. En ce sens, la montée de l'extrême droite aux États-unis se vit aussi dans les universités américaines. La dépression nerveuse va de pair avec cette idéologie, car Meredith se sent menacée par ses collègues qui ont des valeurs plus conservatrices et ils sont en faveur d'une «morale individuelle plus stricte». Alexander Stirk représente ce retour aux valeurs plus strictes et il en fait la promotion sur le campus. Il est à l'opposé des valeurs progressistes de Meredith. Pour elle, il a des problèmes et elle doit l'aider. La crise aux États-Unis a des impacts sur les individus comme Alexander.
Je pourrais encore continuer longtemps à parler de ce livre tant il y a à dire… C'est un livre rempli de symboles, de mythes, de croyances. L'Amérique avec ses peurs, l'Amérique avec ses folies, l'Amérique avec ses détritus se retrouvant partout, l'Amérique et son odeur de pourriture.
Mais surtout, il présente une héroïne fascinante qui a vécu l'horreur, qui tente de camoufler son drame intérieur, mais qui est rattrapée par ce qu'elle a vécu.
Je vous le recommande sans hésitation. Comme pour mes d
eux autres lectures de livres de Joyce Carole Oates,
Mudwoman s'avère une lecture marquante,.
Avez-vous lu
Mudwoman? Qu'en avez-vous pensé? Comment trouvez-vous cet article?
Bien à vous,
Madame lit
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