Au lycée Rocky River dans le comté de Westchester, la police vient chercher un élève de première, Matt Donaghy. On l'accuse d'avoir menacé de déposer une bombe dans le lycée. Des personnes sont allées rapporter ses propos au proviseur Mr. Parrish et le voilà menotté, embarqué dans une voiture de police et mené au commissariat pour subir un interrogatoire.
« - Ecoutez, c'est de la folie. Je n'ai jamais… ce que vous dites.
– Nous avons été avertis. Par deux personnes. Deux témoins. Ils t'ont entendu.
– Ils m'ont entendu… dire quoi ?
– Menacer de « faire sauter le lycée ».
Matt dévisagea les policiers, abasourdi.
– Menacer de « massacrer » le plus de gens possible. Dans la cafétéria du lycée, aujourd'hui, il y a quelques heures à peine. Tu le nies ?
– Ou… oui ! Je le nie.
– Tu le nies.
– Je trouve ça complètement délirant. »
Matt est le genre de garçon qu'on appelle « grande gueule ». Sûr de lui, très bon élève, populaire, beau, il charme ses amis avec ses réparties et pitreries. Toujours un bon mot, une finesse, de l'humour, de la théâtralité, il joue son rôle avec beaucoup d'aisance.
A cet instant, devant les regards froids et accusateurs, il se sent liquéfié, étranger à son corps, absent du monde, petit et misérable. L'iniquité de la diffamation n'a de sens que pour lui. Sait-il déjà que la calomnie serpente les couloirs du lycée, les rues de la ville, rendant sa sentence et faisant de lui un criminel ?
De son côté, Ursula, une adolescente de seize ans, étudiante au lycée, perçoit cette situation avec beaucoup d'injustice car, lors de la regrettable plaisanterie, elle était présente avec son amie. Sans être une copine, ni même une relation, elle connaît Matt depuis le primaire et sait qu'il est innocent. Cette délation et cette inculpation la révoltent. Soucieuse de la vérité, elle certifie et rétablit la réalité auprès du proviseur.
Ursula est capitaine de l'équipe de basket, sportive, intelligente, indépendante, sardonique et grande. Trop grande, trop musclée, trop « garçonne ». La grande UR fait peur. Dans sa tête, cette jeune fille se nomme « La Nulle ». Sa vraie personnalité, celle intérieure, est complexée, timide et solitaire. Elle gomme toute part de féminité, se bandant les seins, s'habillant de vêtements amples et masculins, tout le contraire de sa mère et de sa soeur Lisa, une petite danseuse éthérée.
Matt n'est plus le même. Il a grandit en une semaine. Désabusé, aigri, il fait le vide et s'isole. Il aimerait bien parler à Ursula. Il voudrait se rapprocher d'elle et lui écrit de longs mails où il jette sa souffrance et sa colère. Mais ses confidences passent par la touche « supprimer »…
Ursula n'est plus la même. Elle est incomprise, elle traîne son corps, elle se cuirasse et elle fuit Matt. Dès qu'elle le voit, son pouls s'emballe, elle reçoit un coup de masse dans le ventre et elle a la sensation d'étouffer. C'est nouveau et ça l'effraie.
Puis un jour, La
Nulle et Grande Gueule vont se rencontrer et affronter le monde entier. A deux, c'est quand même mieux !
Comme La Nulle le précise, entre « faits cruciaux » et « faits barbants », le livre se construit. D'un grief imputé partialement, JC. Oates démontre l'engrenage hypocrite de la société. Un murmure peut devenir un bruit assourdissant et la surdité, contagieuse.
Outre le débat de la diffamation, c'est un roman qui parle de l'adolescence, d'amitié, d'honneur, de courage et d'amour.
J'ai trouvé ma lecture plaisante, elle séduira certainement les jeunes…