Ecrits de combat

Le pivot de la résistance contre Franco a été la classe ouvrière espagnole , et notamment les syndicalistes urbains . A long terme ( et il est important de se rappeler que cela n'est vrai qu'à long terme ) , la classe ouvrière demeure l'ennemi du fascisme le plus fiable , pour la bonne raison qu'elle a tout à gagner d'une juste reconstruction de la société . A la différence d'autres classes sociales , elle ne peut être soudoyée en permanence .

La grande majorité des êtres humains ne sont pas égoïstes outre mesure. Passé l'age de 30 ans environ, ils renoncent à leur ambition personnelle - et dans bien des cas, ils vont presque jusqu'à renoncer entièrement à leur sentiment d'exister en tant qu'individus - et vivent essentiellement pour les autres, quand ils ne sont pas tout simplement anéantis par un travail pénible et ingrat. Mais il existe aussi une minorité de gens dévoués et persévérants, bien décidés à vivre leur vie jusqu'au bout comme ils l'entendent, et c'est à cette catégorie qu'appartiennent les écrivains.

Que signifie le Maroc pour un français ? Une orangeraie ou un emploi dans l'administration publique . Ou pour un anglais ?Des chameaux , des châteaux , des palmiers , des légionnaires , des plateaux de cuivre et des brigands . On pourrait sans doute vivre ici pendant des années sans remarquer que pour les neuf dixième de la population , la réalité de la vie n'est qu'une lutte perpétuelle et éreintante pour tirer un peu de nouriture d'un sol érodé .

Ah , les juifs ! ce sont eux , figurez-vous , qui gouvernent le pays, en réalité . Tout l'argent leur appartient . Ils contrôlent les banques , la finance , tout , quoi .

Mais , ais-je remarqué , n'est-il pas vrai que le juif moyen est un maneuvre pour un centime de l'heure environ ?

Ah , ça , cest seulement pour épater la galerie ! Ils sont tous usuriers , en réalité .Ils sont rusés , les juifs

De la même feçon , il y a des siécles , on brûlait de pauvres vieilles femmes pour avoir pratiqué la sorcellerie , alors que tous leurs pouvoirs magiques ne leur permettaient même pas de se procurer un vrai repas .

Ils me regardaient comme on regarde un prestidigitateur qui s'apprête à faire un tour de magie. Je ne leur inspirais aucune sympathie , mais avec mon fusil magique à la main , je valais la peine d'être observé pendant un temps. Et soudain j'ai compris qu'il me faudrait malgré tout tuer cet éléphant. C'était ce que ces hommes attendaient de moi, je ne pouvais m'y soustraire ; je sentais la pression irrésistible de leurs deux mille volontés qui me poussaient de l'avant. C'est à ce moment-là, alors que je me tenais sur cette route, avec mon fusil à la main, que j'ai saisi pour la première fois la vacuité, la futilité du règne de l'homme blanc en Orient. J'étais là, l'homme blanc armé de son fusil, devant une foule indigène désarmée : en apparence, le protagoniste de la scène, mais en réalité, une marionnette dérisoire qu'agitait dans tous les sens la volonté de ces visages jaunis derrière moi. J'ai compris, à cet instant, que lorsque l'homme blanc devient tyran, c'est sa propre liberté qu'il anéantit. (p. 36)