C'est un recueil de huit nouvelles, plus ou moins longues, dans certaines d'entre elles un médecin est le personnage principal ou des événements se déroulent dans le milieu hospitalier, sans que cela soit systématique, d'où sans doute le titre. Nous sommes toujours dans une Russie qui désespère ses habitants, entre violence, injustice, pauvreté, même si certains arrivent à s'en sortir, voire à profiter de la situation. L'état du pays fait que beaucoup se posent la question de le quitter et certains le font, une partie des nouvelles se déroulent aux USA, pays rêvé pour émigrer pour ces Russes frustrés par leur quotidien sans issu.
C'est vraiment très dense, très fort. Chaque texte dresse des portraits d'une grande justesse, d'une admirable humanité. Ce sont des personnages qui n'ont rien d'exceptionnel, ni tout blancs ni jamais non plus tout noirs. Ils essaient juste de trouver des interstices pour des moments de bonheur, toujours un peu volés, un peu miraculeux. Et partir, même dans un endroit qui semble extraordinaire n'est pas la solution à tout. Un autre monde a ses propres défis, génère ses propres soucis. La question de savoir comment être un humain acceptable, et avoir une petite part de joie, de plénitude dans l'existence, est la même sous tous les cieux. Même si certains contextes semblent pouvoir permettre plus facilement d'y parvenir.
Maxime Ossipov dissèque l'âme de ses compatriotes, entre tendresse, humour, qui peut être cruel ou désespéré, lucidité. Peu ou pas d'issues s'offrent à eux, et ils font au quotidien avec ce que le sort leur donne, sans beaucoup de prises sur le monde qui les entoure. Ils sont dans une forme d'impuissance : ceux qui tentent d'agir, de résoudre un peu l'injustice ambiante, arrivent à des résultats encore plus sinistres. Comme le médecin qui a réussi à faire admettre un cas désespéré quand même à l'hôpital, pour apprendre qu'il a au final contribué à un trafic d'organes. Cette impuissance provoque une sorte de mutilation, empêche des existences véritables. Elle devient tellement intégrée que même dans un autre cadre, les personnages ordinaires de ces nouvelles, continuent à se comporter comme s'ils n'avaient surtout pas le droit de vouloir influer sur le monde dans lequel ils vivent.
Les quelques moments de bonheur que l'auteur débusque dans le livre sont presque dus au hasard, d'autant plus précieux qu'éphémères, qu'il faut apprécier, sans pouvoir espérer les voir se reproduire grâce à son action ou volonté.
C'est vraiment un très beau livre.