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EAN : 9782228930772
320 pages
Payot et Rivages (04/05/2022)
3.44/5   8 notes
Résumé :
Qui est ce groupe d’individus sans conscience de classe qui critique la société de consommation tout en permettant au système de perdurer ? Les « enfants gâtés », comme les nomme l’anthropologue Fanny Parise, jouent-ils le rôle qu’ils prétendent jouer – celui de réformer un système destructeur – ou participent-ils malgré eux à la reproduction du système et de ses inégalités socioculturelles ?
L’enjeu de cet ouvrage est de faire le point sur le mythe de la con... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Je suis un peu partagé.
Pour les points positifs : Fanny Parise propose en effet une anthropologie de "l'ici et maintenant" qui n'est pas si fréquente - l'anthropologie privilégiant souvent les cultures lointaines, la sociologie ayant quant à elle tendance à beaucoup "cibler" ses objets d'études (les cadres, les femmes de tel quartier, les militants de tel parti...), ce qui pose question en cette époque d'interactions croissantes. Elle s'appuie sur un travail de terrain visible - ou plutôt sur une compilation de travaux. Elle met au jour la duperie majeure que représente "le capitalisme responsable" en proposant une analyse critique de la "socio-éco-durabilité" ou de "la religion de l'énergie magique", concepts intéressants. Je crois qu'au fond les idées les plus intéressantes de l'ouvrage sont dans l'introduction : confrontées à un phénomène d'évolution, voire de renversement des valeurs, les élites économiques, sociales et culturelles (les "nouveaux sauvages") et les classes intermédiaires ("les enfants gâtés") mettent au point de nouvelles stratégies, en apparence vertueuses mais toujours discriminantes, pour préserver leurs acquis (hyperconsommation, privilèges) tout en se reconstruisant une virginité morale. C'est donc un livre qu'on a envie de faire lire à ses amis "bobo", "normcore", ou "hipster", termes également définis dans l'ouvrage. Et il est bon de disposer d'une référence pour mettre en pièces ces beaux discours auxquels on est si souvent confrontés.
Cependant je relève aussi certaines insuffisances dans le livre. La première est le choix du matériau de recherche : 2000 entretiens (!) auprès de personnes appartenant aux catégories sociales intermédiaires et supérieures, et ayant "différents degrés d'engagement envers la psycho-spiritualité et le développement personnel, la cause animale, l'engagement sociétal, la justice sociale, l'équité des genres et l'écologie" "ayant mis en place des changements de styles de vie" "adhérant à une vision holistique et/ou systématique des enjeux socio-éco-environnementaux". En ciblant un tel panel, pouvait-on vraiment obtenir des visions différentes ? Il semble assez évident que l'interview systématique des notaires de province, des chômeurs de longue durée, ou des migrants clandestins auraient apporté des visions du monde assez différente. le livre entier paraît donc par moments une vaste tautologie : que pensent les individus plutôt riches et sensibles aux questions sociales et environnementales ? eh bien ils se préoccupent de ces questions mais ont envie de rester riches. Bon. Par ailleurs ce si riche matériau de recherche est très peu utilisé, à peine si on recourt une ou deux fois à un verbatim dans tout l'ouvrage. Et puis c'est ennuyeux, on parle assez peu du reste de la société, de ceux qui devraient subir ces nouveaux sauvages et ces enfants gâtés, parce que s'ils sont juste pénibles avec eux-mêmes et entre eux, bah...
Un deuxième problème est la difficulté d'arrimer cette étude d'une frange importante mais minoritaire de la population (disons 20% des pays riches) aux enjeux globaux dont on ne peut nier l'existence. En conclusion, Fanny Parise propose en quelques lignes de s'inspirer d'autres modèles de civilisation non-fondées sur l'accumulation. Mais a) l'histoire récente nous montre que c'est plus facile à dire qu'à faire ; b) elle ne propose pas de chemin critique ; c) on n'a pas vraiment l'impression qu'elle montre l'exemple, puisqu'elle vit apparemment d'études anthropologiques pour de grandes marques dont elle se ressert d'ailleurs largement, avec plus ou moins d'intérêt pour le lecteur ; d) elle critique précisément ce mode de fonctionnement lorsqu'elle le rencontre chez son public, par exemple quand elle compare les circulations de recommandation de séries à la fameuse "kula" du Pacifique occidental. On trouve trop souvent ces contradictions dans le texte : il faut arrêter de prendre l'avion (soit), l'avion électrique n'est pas une solution (soit), la "micro-aventure" près de chez soi ne répond pas au problème - bah si, elle y répond partiellement au moins, en limitant sérieusement le bilan carbone d'une telle activité. Idem, le cosmopolitisme diminue nos opportunités de critique et donc nos libertés (soit) mais Marine le Pen, en adoucissant son discours, est restée souverainiste et identitaire. OK mais alors que faire ?
En définitive, un travail intéressant, réflexif pour l'autrice et sans doute de nombreux lecteurs, mais qui mériterait des approfondissements rigoureux pour vraiment constituer une critique intéressante de notre société actuelle.
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Aujourd'hui je vais évoquer Les enfants gâtés essai stimulant de Fanny Parise. le sous-titre est Anthropologie du mythe du capitalisme responsable. Elle investigue des sous-cultures contemporaines implantées dans les sociétés développées et interroge des mythes qu'elle déconstruit.
En introduction à l'essai l'anthropologue explique sa démarche et expose son terrain de recherche principal pour cette enquête. C'est au bar du Mama Shelter dans le vingtième arrondissement de Paris qu'elle a observé et noté les propos des clients représentatifs de la population étudiée. Dans la suite du bouquin il n'est plus directement question de ce lieu, Fanny Parise rapporte assez peu d'éléments de terrain, sa démarche consiste plutôt à proposer une approche théorique anthropologique et à réfléchir sur ce qu'elle a constaté. Elle précise en conclusion : « cet ouvrage n'est pas une attaque contre un groupe d'individus ou contre une manière de vivre ou de consommer. Il se veut davantage une photographie de notre époque, c'est-à-dire la captation d'un moment de société vécu comme tel par l'ensemble de la population. Ce livre ne se veut pas moralisateur non plus. de mon point de vue, ce qui se passe en créatocratie n'est ni bien ni mal : je dresse simplement un constat. » Elle étudie d'abord ceux qu'elle appelle affectueusement et avec une ironie référentielle les nouveaux sauvages. de cette population elle va progressivement aller vers les enfants gâtés du titre. Cette terminologie est signifiante et désigne tous ceux qui sont suffisamment privilégiés pour avoir surconsommé aux dépens de la planète et qui pourraient à présent prendre conscience du problème et modifier leurs comportements de consommateurs. Cette recherche est ancrée dans des problématiques très contemporaines de développement durable, de réchauffement climatique et d'énergie propre. Ceux qu'elle scrute sont des dominants disposant d'un capital culturel et souvent financier important. La question porte sur la mise en cohérence entre les discours (qui deviennent parfois des injonctions) et les actes. Ceux qui prônent un nouveau capitalisme, plus respectueux, solidaire et responsable ne sont-ils pas tentés par un statu quo qui leur permet de ne rien changer à titre personnel et de demeurer à l'abri des menaces réelles. A travers l'étude des représentations et des pratiques l'anthropologue montre qu'il existe un écart entre les bonnes intentions et les réalisations concrètes. Certes, la consommation de viande peut diminuer, le véhicule électrique remplacer le moteur thermique mais les smartphones sont plus nombreux et les déplacements demeurent signes de pouvoir et sont donc conservés. Elle théorise avec plusieurs graphiques la répartition des groupes de population et leurs attitudes et pratiques. Ce travail est passionnant. Avec Les enfants gâtés l'auteur dénonce certaines hypocrisies et une bonne conscience de façade. L'idée du progrès (tel un mythe fondateur et tout-puissant) permet de ne pas s'investir dans une véritable responsabilité et de ne modifier qu'à la marge les habitudes les plus coûteuses en termes d'impact environnemental. Dans l'ouvrage de nombreux termes techniques ou anthropologiques sont utilisés pour définir par exemple l'élite médiatico-créative.
Les enfants gâtés est un ouvrage intéressant et accessible. Il invite à s'interroger sur ses propres pratiques et à réfléchir sur les modèles de communication incitative qui tendent à laisser croire qu'un capitalisme responsable est compatible avec une hyperconsommation en croissance.
Voilà, je vous ai donc parlé des Enfants gâtés de Fanny Parise paru aux éditions Payot.

Lien : http://culture-tout-azimut.o..
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Excellent essai qui permet de mieux comprendre le monde qui nous entoure, et les différents courants et motifs qui l'orientent. Très clair et facilement abordable, il pointe du doigt hypocrisie généralisée actuelle du greenwashing et de la soi-disant écoresponsabilité qui, même si elle peut être motivée par les meilleures intentions du monde, n'est en rien une réponse aux problèmes économiques et écologiques que nous vivons, bien au contraire. Un livre nécessaire.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
La figure de l’enfant gâté pourrait ainsi se résumer par la formule suivante : l’insatisfaction des gens qui ont tout.

Deuxième partie. La culture de l’inventivité, p. 155
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Je considère d'ailleurs la consommation éco-responsable, souvent nommée consommation responsable, comme un conte merveilleux qui permet de mettre en action tous les acteurs mus vers ce même idéal imaginaire d'harmonie entre nature et culture. La mise en pratique de cette consommation responsable est une quête politique. Ici le politique est entendu dans un sens large, en tant qu'espace de médiation entre l'échange et la valeur: la paille de bambou devient un fétiche politique lorsque sa publicité et sa consommation participent à la diffusion d'un nouvel idéal de vie. Cet idéal de vie semble accessible à chacun grâce au capitalisme responsable, qui promet de parvenir à concilier sobriété et profitabilité.
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Comme je vais vous l’expliquer dans cet ouvrage, le tour de force des nouveaux sauvages consiste à convaincre le reste de la société de faire l’effort de changer certaines de ses pratiques de consommation pour assurer la permanence du capitalisme grâce à la poursuite de la consommation, afin d’offrir aux générations futures une vie sur Terre agréable.

Une anthropologie du coin de ma rue, p. 25
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Pour mieux comprendre les stratégies sociales des nouveaux sauvages, le sociologue et économiste italien Vilfredo Pareto explique que la société est composée de différents éléments interdépendants, lesquels constituent un système social. Vilfredo Pareto explique également qu'il y a des perturbations, comme les guerres et les épidémies, mais qu'il y a toujours un retour automatique à l'équilibre. Ce retour automatique à l'équilibre va se traduire par des actions engagées en réaction à ces évènements mais qui vont, parfois indirectement, participer à perpétuer le modèle responsable de ces perturbations : c'est-à-dire donner l'illusion du changement, mais assurer une permanence du système social. Ces nouvelles actions vont être perçues, à l'échelle individuelle comme collective, comme un progrès social, du moins dans un premier temps.
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En bons "ingénieurs culturels ", les nouveaux sauvages mobilisent le chaos comme instrument de maintien de l'ordre. Ils créent un sentiment d'insécurité permanent qui conduit chaque personne à osciller entre une quête individuelle de mieux-être et une anxiété collective envers le futur ; afin de maintenir la population dans une illusion collective : c'est le capitalisme responsable qui sauvera le monde. A cette fin, l'acceptation du capitalisme responsable comme voie la plus propice à la transition éco-environnementale s'installe dans l'inconscient collectif et s'incarne par l'intermédiaire de la culture de la socio-éco-responsabilité ; visant à contenir tout soulèvement insurrectionnel de nos consciences. Penser une société alternative ne devient que pur fantasme.
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Video de Fanny Parise (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Fanny Parise
Société de surconsommation, culte de l'opulence, invention de mythes pour faire croire à la pérennité du capitalisme. Des boomers nés après la Seconde Guerre mondiale à la génération contemporaine des pourfendeurs paradoxaux de l'environnement, les générations défendent des modèles de société dont la pérennité semble compromise.
François de Closest est essayiste et écrivain. Dans plusieurs de ses ouvrages, il dénonce l'illusion du progrès technique. Dans ce dernier livre, "La parenthèse boomers. Réconcilier les générations" publié chez Fayard le 25 avril 2022. Il dénonce ainsi les dérives liées à la consommation de cette génération post-guerre, privilégiée, qui a favorisé son propre bien-être au dépend des générations suivantes.
L'anthropologue Fanny Parise publie le 4 avril 2022, chez Payot, "Les enfants gâtés. Anthropologie du mythe du capitalisme" responsable. Pour elle, notre société est mise en danger par une génération d'enfants gâtés, nouveaux chantres d'un capitalisme illusoirement responsable.
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