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EAN : 9782253937388
288 pages
Le Livre de Poche (17/05/2023)
4.09/5   75 notes
Résumé :

Depuis qu’il est arrivé à Paris, Adrien Naselli, père conducteur de bus et mère secrétaire, tient une liste des gens comme lui, ces « transfuges de classe » qui concentrent l’attention des médias. Pour cette enquête, il est allé à la rencontre de leurs parents. Ils sont ouvriers, agriculteurs, aides-soignantes, petits employés, tandis que leurs enfants sont journalistes, écrivains, magistrats ou universitaires. Ils gagnent le smic ou à peine plus, ont quitt... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Si Bourdieu a posé depuis longtemps la question de l'héritage social, culturel, économique, les enquêtes autour de celles et ceux qui ne sont pas des héritier/ères mais changent de classe sociale sont rares, si on excepte les récits autobiographiques. Car ce dernier schéma est de plus en plus documenté, qu'on songe aux récits célèbres comme ceux de Didier Eribon, Annie Ernaux ou plus récemment Rose-Marie Lagrave. Ces non-héritier/ères ce sont les transfuges de classe.

Alors quelle différence avec ces autobiographies ? Si l'auteur aborde évidemment les parcours des transfuges qu'il étudie, l'originalité de sa démarche réside dans le fait qu'il a aussi et surtout questionné... leurs parents. Directement, sous la forme d'interviews. Et ça donne une tonalité différente des autres livres sur ce thème, car si Annie Ernaux et Rose-Marie Lagrave parlent aussi de leurs parents, elles le font avec leurs souvenirs, leur regard d'enfant transfuge. Ce faisant, des aspects différents se font jour : si les enfants transfuges parlent souvent de la distance qui s'est creusée avec leurs parents, pour la première fois on voit cette distance depuis le regard de ceux qui sont restés "à [leur] place" pour reprendre l'expression de Rokhaya Diallo. Et si bien des parents de transfuges disent combien ils ont vite ressenti cette écart, dès l'entrée au lycée le plus souvent, l'idée d'une distance affective, émotionnelle, n'est pas partagée par tous/tes les parents. C'est le cas de la mère de Rokhaya Diallo mais pas seulement. Car ces parents mettent en évidence le suivi de la carrière de leur enfant, avec plus ou moins de compréhension, qu'il s'agisse de lire les livres d'Aurélie Valognes ou de regarder le dernier film tourné. Il y a donc cette idée de rencontre, de suivi de la trajectoire de l'enfant, qui bénéficie aussi aux parents, soit parce que l'enfant veille à soutenir ses parents financièrement en apurant une dette ou en leur achetant une belle maison pour leur vieux jours, soit en encourageant une reprise d'études, jusqu'ici inenvisageable par le parent, et pas seulement pour des raisons de temps ou financières : la question de la capacité à décrocher un diplôme, même peu élevé, se pose avec beaucoup d'acuité chez ces personnes collées au bas de l'échelle sociale.

Tout cela casse le mythe de l'enfant transfuge qui "s'est fait tout seul" : Adrien Nasalli interroge le rôle des parents dans la trajectoire de l'enfant. le sujet est juste effleuré et mériterait assurément d'être approfondi. En tout cas il questionne bien l'implication des parents, et en particulier des mères, en matière d'appétence pour la lecture, d'ouverture culturelle... Lorsque les parents sont questionné·es sur le terreau du parcours de leurs enfants, la réponse la plus répandue relève du champ "on ne sait pas d'où ça lui vient" et résument leur rôle à des sacrifices pour financer les études et accepter de laisser l'enfant partir étudier au loin. Et pourtant, beaucoup de ces enfants citent le chemin parcouru avant eux par leurs parents, s'il s'agisse d'une "soif de connaissance, de culture" ou d'une mise à distance de l'éducation donnée par les grands-parents de ces enfants transfuges, en particulier pour les filles en matière religieuse. Il y aurait donc un terrain familial qui ne demanderait qu'à être exploité. Cela avaliserait la théorie de l'école comme ascenseur social et nierait les travaux des sociologues sur le capital, qu'il soit culturel, économique, social... En particulier Khedidja, la mère du journaliste Ali Rebeihi, partage ce point de vue : elle est tenante de l'idée que l'éducation fournie par les parents compte pour beaucoup. Mais cela pose aussi la question suivante : pourquoi le système fonctionne pour les transfuges et pas pour les autres ? L'un des membres de la famille interviewés dans ce livre suggère l'idée que l'élévation sociale n'est pas forcément un but pour tout le monde. Certes, le côté humilité, ne pas se faire remarquer est largement rappelé dans ce livre, mais est-ce que rester dans son milieu social est un objectif auquel adhèrent massivement les classes les plus pauvres ou populaires ? Ce n'est pas si sûr, même si les parents interrogés dans cette enquête sont unanimes sur le fait que la priorité est de mettre les enfants à l'abri du besoin : plusieurs parents s'inquiètent de ce sur quoi vont déboucher les études à mesure que celles-ci s'allongent.

L'auteur interroge les émotions des parents face à ces enfants qui s'agrègent - ou le semblent en tout cas - à une nouvelle classe sociale. Dans les réactions on lit de la crainte, face à des univers qu'elles/ils ne connaissent pas ; inquiétude accrue lorsque les enfants veulent les présenter à des personnes rencontrées dans ce nouveau milieu ; crainte de faire honte à ses enfants aussi, parce qu'elles et ils ont bien conscience du décalage. Mais on lit surtout de la fierté, discrète, pour "ne pas se la péter", mais fierté parfois revendiquée, comme lorsque Corinne, la mère d'Aurélie Valognes, répond "comme l'écrivain" alors qu'on lui demande d'épeler son nom.

Enfin, parmi les éléments qui m'ont frappée, se pose la question des autres enfants de la famille : il semble que les familles qui fabriquent des transfuges le fassent de manière massive. Pourtant, certains enfants, le plus souvent les cadet·tes, ne réalisent pas cette transition. Comment le groupe familial gère-t-il ces inégalités de diplômes, de revenus économiques, de notoriété ? Cet aspect n'est que touché du bout du doigt dans ce livre, et on ne peut que souhaiter que l'auteur s'en empare.

Merci à l'éditeur ainsi qu'à #NetGalleyFrance pour ce service presse.
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Adrien Naselli est un ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure, aujourd'hui journaliste.

Son père est conducteur de bus, sa mère secrétaire, ils vivent en province.

Au fil de ses études, puis de ses rencontres, Adrien Naselli s'est intéressé à ceux qu'il nomme des "transfuges de classe", ces personnes qui ont fait des études loin de celles qui prévalent dans leur milieu d'origine.

Dans ce recueil, il s'intéresse particulièrement aux parents de ces personnes, et décrit ensuite les regards croisés des parents sur leur enfant et des enfants sur leurs parents.

On retrouve le rejet, la crainte, le culot d'être parti, le décalage entre soi et ceux de la famille qui sont restés dans la lignée, les revanchards qui réalisent le rêve des parents, mais surtout des familles qui ont sacrifié beaucoup de choses pour que leur enfant aille au bout de ses études, des enfants qui ont multiplié les jobs pour financer des études auxquelles ils consacraient le reste de leur temps, développant une concentration bien plus élevée que celle de leurs congénères.

On mesure le fossé qui sépare les 'bien-nés', à tout ce qui est hors du champ scolaire : les séjours linguistiques, la fréquentation de lieux culturels, l'aisance dans les dîners, la facilité à s'exprimer, et les très grandes bases de culture générale lentement instillées depuis leur enfance  ... les transfuges, eux, doivent tout apprendre en accéléré, ... et ils gardent plus facilement les pieds sur terre, connaissent le prix des choses ...

Parmi les personnes qui ont accepté de jouer le jeu d'Adrien Naselli, on retrouve Aurélie Filipetti, Ali Rebeihi, et bien sûr Annie Ernaux qui vient parler de son expérience et de ses premiers romans en toute fin d'ouvrage. 

Un ouvrage qui montre qu'il faut oser, ne pas se limiter, et travailler, encore travailler à l'école, passer outre les profs qui rabaissent et profiter de toutes les mains tendues pour atteindre son but ...

Une écriture fluide, des cas pertinents, un livre à diffuser largement ! 

Je remercie NetGalley et les Editions Jean Claude Lattès qui me l'ont adressé 

#Ettesparentsilsfontquoi #NetGalleyFrance
Lien : http://les-lectures-de-bill-..
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Il parait que le sujet des transfuges de classe est "à la mode" en cette rentrée littéraire. J'ai vu passer des articles qui s'émouvaient, positivement ou négativement, de cette tendance. Il y a bien sûr Changer : méthode, le nouvel ouvrage d'Edouard Louis, et d'autres que je n'ai pas encore eu l'occasion de lire, si je le fais un jour.

Il y a également ce livre dont le titre "Et tes parents, ils font quoi ?" et le sous-titre "Enquête sur les transfuges de classe et leurs parents" ont l'avantage de la clarté. Lui-même transfuge de classe, le journaliste Adrien Naselli propose une véritable enquête journalistique sur une quinzaine de transfuges de classe et leurs parents. Il utilise pour cela l'un des outils essentiels du journalisme : l'entretien, à la fois avec des transfuges de classes rencontrés au fil de sa carrière et avec leurs parents.

Le livre se structure autour des grandes étapes de la trajectoire des enfants : l'enfance et la scolarité, les études supérieures, puis la vie professionnelle, avant une conclusion émaillée de commentaires d'Annie Ernaux.

L'angle adopté par l'auteur est intéressant et même essentiel dans ce livre : par définition, la trajectoire de transfuge de classe se fait en s'éloignant du milieu social de ses parents, il semble donc pertinent de s'intéresser à la façon dont cette trajectoire a été vécue par les parents du "transfuge". Très souvent, la littérature à ce sujet s'intéresse au transfuge lui-même, dans un exercice qui reste auto-centré. Ici, Adrien Naselli s'intéresse avant tout aux parents, et le résultat est plutôt intéressant.

J'ai tout de même un regret : la multitude de cas traités, une quinzaine, rend la lecture un peu rébarbative à certains moments. Chaque trajectoire reste unique, mais le livre aurait peut-être gagné en impact et en fluidité si l'auteur avait choisi de resserrer un peu le nombre de "cas" traités.

Malgré tout, c'est une lecture enrichissante sur un sujet qui m'intéresse particulièrement.
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Ce livre m'a été offert, certainement parce que je suis un "transclasse" ou "transfuge de classe" comme on nous appelle. Je sais donc ce que tout cela représente...
J'étais donc fort impatient, et très curieux, de lire ce livre pour savoir si les "sujets" de cette "enquête" avaient ressentis les mêmes choses ou avaient les mêmes "difficultés" que moi, ce que leurs parents ressentaient mais surtout de comprendre "pourquoi moi".

J'ai d'abord été déçu par la rédaction extrêmement confuse de ce livre. On y passe sans cesse d'un témoin à l'autre au point de ne plus très bien savoir "qui est qui". de même, il n'y a aucune structure dans les thèmes abordés, ce qui fait qu'on aborde sans cesse tout, et donc rien, en même temps...

Cela est fort dommage car cette confusion perpétuelle empêche sans doute un éclairage fort intéressant sur ce "phénomène".

On parle depuis de très nombreuses années d'égalité des chances dans la scolarité des enfants, de la qualité de l'enseignement et des enseignants, des résultats aux tests PISA se dégradent, etc.. malgré des moyens financiers (parfois) importants alloués par les autorités publiques.

Il me semble donc intéressant d'essayer de comprendre comment et/ou pourquoi certains parviennent à faire ce que beaucoup d'autres voudraient mais, malheureusement, ne parviennent pas à faire... car ce n'est pas que de la chance ni que du mérite...

Bref, le quatrième de couverture annonçait une "enquête" mais ce n'est finalement qu'un ensemble d'interviews. Cela reste cependant intéressant pour ceux qui ne connaissent pas le sujet et qui souhaitent apercevoir les difficultés que représentent le transfert de classe.
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📑 Sociologie 📑

@livredepoche

L'auteur, fils d'un conducteur de bus et d'une secrétaire, est un transfuge de classes. Il est issu d'un milieu modeste et a brillé dans de belles études qui l'ont amené à rejoindre une classe plus haute.
Passionné par le sujet, il présente ici ses recherches sur le celui-ci. En effet, il a interrogé plusieurs parents d'autres transfuges de classes afin de tenter de comprendre et un de conceptualiser/analyser ces chemins atypiques.

Ce genre d'ouvrage me passionne! C'est pour moi un riche bagage qui me permet d'élargir mes connaissances et ma compréhension des autres.

Le travail de recherche est brillant, la restitution des échanges avec les parents est vraiment captivante et très bien écrite.

En outre, ce livre propose une enquête sociologique, un peu politique aussi, qui raconte des chemins atypiques, des croyances, des combats et qui présente des conclusions vraiment intéressantes!
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Les transfuges de classe se cognent très vite à une sorte de plafond de verre. La difficulté des études mêlée à l’apprentissage de nouveaux codes peut provoquer des dépressions et nos parents n’ont p s les moyens de comprendre ce qui nous arrive, car notre changement de classe se fait dans le silence.
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Quand Odette Filippeti, secrétaire dans un lycée, emmenait sa fille Aurélie au festival de cinéma italien de Villerupt (Meurthe-et-Moselle), et quelques kilomètres d’Audun-le-Tiche, leur cité ouvrière, elle ne s’imaginait pas que cette dernière deviendrait un jour ministre de la Culture.
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Selon l’OCDE, il faut six générations pour qu’une personne née dans une famille pauvre atteigne le revenu moyen.
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Pour que le sortilège fonctionne, il faut en payer le prix. Vivre avec deux identités pour le restant de ses jours. Aimer et détester les représentants de ses deux mondes à tour de rôle.
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Réévaluer ses origines à la baisse est devenu un sport de combat.
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