Le roman américain

La place centrale du territoire dans la production romanesque américaine est redevable à un double héritage. Les Puritains y voient à la fois une terre promise qui accueillera un jour la Nouvelle Jérusalem, et une menace - un environnement hostile et mortifère habité par des bêtes sauvages et des païens-, tandis que l'imaginaire de la Frontière et des grands espaces construit et interroge les mythes identitaires nationaux - la démocratie, l'individualisme, le rêve américain, pour ne citer que les plus évidents. Héritier du désert biblique et terre d'abondance, ce territoire est tout aussi ambivalent que le sujet qui l'explore (...). Il donne parfois lieu à une vision nostalgique d'un paradis perdu, où le héros américain s'apparente à une figure adamique en quête d'innocence, mais l'homo americanus y projette également ses angoisses les plus inavouables. Deux modes esthétiques sont particulièrement sollicités pour rendre compte de l'espace américain. A l'état sauvage, il est une terre en devenir, un espace du sublime dont l'immensité vierge est la promesse d'un avenir glorieux. Domestiqué, il est l'expression d'un rêve pastoral qui permettra l'avènement d'une société américaine débarrassé des vices de l'Ancien Monde.