AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782356875105
356 pages
Editions Le Bord de l'Eau (11/09/2017)
5/5   1 notes
Résumé :
Cette biographie de référence d'Abba Kovner par une historienne de la Shoah internationalement renommée, Dina Porat, retrace pour la première fois l'incroyable histoire de cette fascinante figure de la Seconde Guerre mondiale que fut Abba Kovner, encore trop mal connue en France. Le magnifique portrait d'un "homme debout".
Que lire après Le Juif qui savaitVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique

La biographie d'Abba Kovner a été caractérisée comme le magnifique portrait d'un "homme debout".
Très souvent le reproche a été fait aux Juifs de s'être laissés conduire par les nazis comme des moutons à l'abattoir. En d'autres mots, de n'avoir opposé aucune réelle résistance à leurs tortionnaires et manqué du courage. Une accusation qui est partiellement correcte, mais en même temps foncièrement injuste envers tous les Juifs qui se sont héroiquement défendus contre la peste brune ! Abba Kovner en est un parfait exemple.

En fait, cette injustice m'irrite depuis fort longtemps et ce n'est sûrement pas un hasard si un de mes premiers billets sur Babelio avait comme sujet l'autobiographie d'un autre combattant juif, Yitzhak Zuckerman (1915-1981), surnommé "Antek", un des héros légendaires du soulèvement dramatique du ghetto de Varsovie en avril-mai 1943. Voire ma critique du 27 avril 2017 de "A Surplus of Memory". Kovner et Zuckerman se sont bien connus et l'ouvrage de Dina Porat contient une photo, sur laquelle on voit Kovner la main posée sur l'épaule d'Antek. Tous les 2 ont été entendus comme témoins lors du fameux procès d'Adolf Eichmann en 1961.

Prochainement, je ferai un billet de la biographie de la courageuse épouse de Zuckerman, Zivia Lubetkine (1914-1978), dont le prénom en Polonais "Cywia" a été utilisé comme nom de code des messages secrets entre alliés pour désigner la Pologne.

D'abord un mot sur l'auteure. Dina Porat, est née en 1943 en Argentine dans une famille d'émigrés soviétiques. Docteur en histoire, elle a enseigné aux universités de New York (Columbia) et d'Harvard aux États-Unis et de Tel Aviv en Israël, avant de devenir "Chief historian" au Yad Vachem, le mémorial de l'holocauste à Jérusalem. Elle est l'auteure d'un grand nombre d'ouvrages sur l'holocauste et l'antisémitisme, dont son ambitieux "Israel Society, the Holocaust and Its Survivors" de 2007. Elle est mariée et mère de 3 fils.

J'ignore si l'affirmation de l'auteure comme quoi Kovner ait été le tout premier à alarmer le monde du projet nazi d' extermination totale des Juifs, comme le titre "Le Juif qui savait" le laisse supposer, soit correcte ? Toujours est-il que le jeune Abba, de 23 ans, a, dès l'automne 1941, lancé son cri d'alarme haut et fort. Il fut aussi le premier "à exhorter les Juifs à se soulever, à mourir debout et à combattre les nazis jusqu'à leur dernier souffle".

Abba (qui signifie père en hébreu) est né à Sebastopol en Crimée en 1918. Comme il était difficile en URSS pour les Juifs de s'inscrire à l'université, la famille Kovner est allée s'installer à Vilnius, la capitale de la Lituanie, sous contrôle polonais. Appelée Vilna en Russe, Vilnè en Yiddish et Wilno en Polonais. Comme la population juive y était importante (28% de la population globale en 1939) et grâce à la riche culture juive, Napoléon avait surnommé la ville : la Jérusalem de Lituanie. Un nom qui est resté pendant longtemps.

Encore môme, Abba s'est mis à écrire des poèmes, entre autres sur son père, mort de TBC lorsqu'il avait 14 ans. Un homme "qu'il aimait autant qu'il le respectât". Sa mère, Rosa Taubman, fut obligée d'ouvrir un petit resto pour survivre. À 17 ans, le bon élève Abba décida qu'il perdait son temps à l'école et l'abandonna pour se concentrer sur son autoformation à la bibliothèque et apprendre l'hébreu. En même temps, il rejoignit la "Jeune Garde" ("Hashomer Hatzaïr"), un mouvement sioniste de gauche. Où très vite, grâce à sa forte personnalité et son charme, il occupa une position clé. C'est là qu'il fit la connaissance de Vitka Kempner (1920-2012), qui sera sa campagne jusqu'à la fin et qui s'est battue, à ses côtés, contre les nazis. Avec elle, il a eu un fils, Michael, né en 1948, qui est devenu artiste peintre.

La pauvre Lituanie a eu d'abord, à partir de septembre 1939, les Soviétiques comme occupants, conformément au Pacte Molotov-Ribbentrop d'août 1939, et en juin 1941 les nazis. Les Russes ont expédié 35.000 personnes, parmi lesquelles 6000 Juifs (entre autres Menahem Begin) de Wilno en Sibérie. À peu près 5000 Juifs sont partis pour la Palestine. Abba pour subvenir à ses besoins travaillait la nuit dans une usine de jouets.

L'arrivée de la peste brune changea radicalement la donne. Les nazis se sont distingués par une brutalité inouïe, suivis en cela par beaucoup de volontaires lituaniens. L'ouvrage d'Avrom Sutzkever (un compagnon d'Abba) "Le Ghetto de Wilno, 1941-1944" est plein d'atrocités commises par Allemands et Lituaniens sur les Juifs. Devant cette horreur, Kovner a dans un premier temps suggéré à ses hommes de s'éparpiller et s'est retiré pendant 6 mois, jusqu'en décembre 1941, dans un couvent dominicain. Cependant, "mettre sur pied une organisation clandestine armée au sein du ghetto prime alors sur tout le reste". Signalons que le ghetto de Wilno abritait en septembre 1941 environ 40.000 Juifs.

C'est de ce ghetto qu'Abba Kovner lança, le 31 décembre 1941, pendant que Lituaniens et Teutons se soulaient, son appel historique pour une insurrection armée contre les nazis. Une initiative qui l'a toujours tourmenté. À sa mort, dans un tiroir de son bureau un papier fut trouvé sur lequel il avait griffonné pour lui-même des mots, qui mettent en lumière "cette déchirure entre la figure du chef respecté par ses combattants et le prix personnel qui lui en avait coûté : Je suis dans le ghetto / Sauveur / Tueur /Acclamé / Et de ma mère : le meurtrier" (page 117).

En l'espace de 3 semaines fut constitué " l'Organisation unifiée de la Résistance" (en Yiddish : Fareynikte Partizaner Organizatsye) ou FPO, qui regroupait pratiquement tous les courants politiques, y compris les communistes. La FPO comptait un noyau dur de 300 combattants chevronnés, garçons et filles, dont l'exploit le plus spectaculaire a été le déraillement d'un train allemand rempli de soldats et de munitions, causant la mort de plus de 200 soldats, en juin 1942. Ce fut le tout premier acte de sabotage d'une telle ampleur dans toute l'Europe occupée par les nazis.

Les volontaires de Kovner s'occupaient à s'entraîner, se procurer et fabriquer des armes, faire des sabotages (comme Vitka Kempner le fameux coup du train) et cueillir des informations secrètes, à l'insu des habitants du ghetto.

Après la défaite nazie de Stalingrad, en février 1943 et les ordres d'Himmler d'éradiquer les ghettos en juin 1943, la situation du ghetto de Wilno se détériore rapidement. Kovner fera le 1er septembre un second appel à l'insurrection, qui ne sera pas suivi d'effets. le 23 septembre 1943 marqua la fin du ghetto. Beaucoup de Juifs furent tués ou périrent dans les camps où ils furent transférés, comme la mère d'Abba.

Environ un millier de combattants, surtout des jeunes, continueront la lutte dans la forêt de Rudnicki, à 40 km. au sud de Wilno, sous les ordres de Kovner, qui s'y affirme comme véritable commandant. Dix mois plus tard, en juillet 1944, Wilno, où il n'y a plus de présence juive, sera libérée par l'Armée rouge.

Abba Kovner aidera l'émigration illégale en Palestine et, fin 1947, rejoindra la Haganah dans la guerre d'indépendance d'Israël. Son plan "nakad" (vengeance) sur les Allemands n'a pas connu de succès. Avec Vitka il s'est retiré dans un kibboutz, où il est mort en 1987, à l'âge de 69 ans, d'un cancer. S'il a refusé des propositions politiques, il est resté influent pour ses efforts de commémoration de l'holocauste, entre autres la création du Musée de la Diaspora à Tel Aviv. Claude Lanzmann, le journaliste et cinéaste français décédé en juillet dernier, a eu pour son film majeur "Shoah" de 1985 des longs entretiens avec Kovner. Sans publier une autobiographie, Abba Kovner a écrit plusieurs livres. Les plus connus sont probablement "De tous les amours" de 1967 et "Les rouleaux du feu" de 1981. Sans oublier "My Little Sister and Selected Poems 1965-1985" (un recueil de poèmes), sorti en 1986.

Dina Porat a produit une biographie très complète (363 pages + 32 pages de photos), basée sur une recherche minutieuse (beaucoup de notes de bas de pages) d'un homme qui a écrit non seulement des poèmes et livres, mais surtout une page d'histoire comme jeune commandant d'une armée de combattants volontaires à un moment désespéré de notre passé.
Commenter  J’apprécie          4413

Citations et extraits (1) Ajouter une citation
" Or, on peine toujours à voir et à savoir ce que l'on peine à concevoir. "

(page 91)

Abba Kovner à propos de la "Solution finale" par les nazis du problème juif, en décembre 1941.
Commenter  J’apprécie          261

autres livres classés : holocausteVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus

Autres livres de Dina Porat (1) Voir plus

Lecteurs (4) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1710 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}