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EAN : 9782262044350
Perrin (20/02/2014)
4/5   7 notes
Résumé :
Ni hagiographie, ni critique systématique : une biographie complète et contextualisée qui permet, à partir des archives et des écrits de l'époque, de retracer la carrière complète du maréchal Joffre (1852-1931), un des chefs militaires les plus contestés de la Première Guerre mondiale. Apprécié comme l'un des meilleurs connaisseurs de l'armée française, métropolitaine ou coloniale, sous toutes ses facettes, il est critiqué par les réactionnaires lors de sa nominatio... >Voir plus
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Nous célébrons cette année le centenaire du déclenchement de la Grande Guerre ou Première Guerre mondiale (1914-1918), et cette biographie de Joffre par Rémy Porte, historien et officier français pour qui j'ai une profonde estime, arrive à point nommé.

Joseph Jacques Césaire Joffre (1852-1931) avait déjà derrière lui une longue carrière militaire quand il fut nommé chef d'état-major en 1911, justement en raison de sa solide expérience, et il restera à ce poste jusqu'en 1916.
C'est à ce parcours d'avant-guerre qu'il faut d'abord s'attacher avant d'aborder la période 1914-1916.
Joffre est né à Rivesaltes, c'est le fils d'un viticulteur. Il est politiquement un républicain (modéré) et cela lui vaudra, en plus de ses états de service, la confiance des responsables politiques durant les années où il dirigera l'armée française. Officier du génie, attentif à l'infrastructure, aux questions d'armement, de ravitaillement, de concentration des troupes pour l'exécution d'un programme donné (déjà en lien avec la décision politique, ce qui fait de Joffre un bon exécutant des plans de colonisation en Asie et en Afrique), on le voit à l'oeuvre à Formose, au Tonkin, au Soudan, à Madagascar, et il s'y montre particulièrement efficace, aussi bien comme soldat que dans les questions
d'organisation, de planification et d'administration.
Il est méthodique et, comme le souligne justement Rémy Porte, c'est un homme très pragmatique.

Remarqué pour toutes ces qualités, il va remplacer le général Michel à la tête de l'état-major. Quand il est nommé, l'armée française, renforcée de jour en jour en matériels et en effectifs, en prévision d'un éventuel conflit avec le Reich allemand du Kaiser Guillaume II - un conflit qui n'avait encore à ce moment rien d'inéluctable -, était passée, progressivement, de la logique défensive des plans XV et XV bis (datant de 1903 et 1907) à une stratégie plus offensive qui allait être exposée dans le plan XVII où l'attaque préméditée fait force de loi. On pensait ainsi couper l'herbe sous le pied aux Allemands qui avaient adopté le vaste plan de débordement des forces françaises conçu par Alfred von Schlieffen et qui, faisant passer l'armée ennemie par la Belgique, devaient contourner et envelopper tout le dispositif militaire français et atteindre rapidement le coeur politique et administratif de l'Hexagone, Paris, au terme d'une offensive foudroyante, dans le but de trancher la tête de la défense française.
Joffre fut donc chargé de préparer l'organisation du plan qui prévoyait de couper l'armée allemande de sa base arrière et de son centre névralgique en portant la guerre soit en Lorraine soit en Belgique et en forçant l'ennemi à faire front, ce qui pouvait laisser espérer que l'on mettrait par terre tous ses plans et que l'on pourrait le battre en frappant isolément et en détail ses armées soudain privées de la possibilité de réaliser le programme initialement
prévu.
En France comme en Allemagne, c'était donc l'idée de l'offensive à tout prix qui retenait l'attention de la plupart des têtes pensantes des armées qui allaient un jour s'affronter et comme on misait tout sur l'application à la lettre de ces plans en ordonnant tout à cette fin, mobilisation et concentrations des moyens humains et matériels compris, on en vint finalement à s'interdire toute solution de rechange.
Le choc de 1914 fut donc terrible, et les désillusions très fortes, quand, au lieu de l'offensive, finalement stoppée, on en vint à une guerre de positions, sur le sol français. le plan français, jalousement gardé secret à différents niveaux du commandement supérieur, ne fut pas ou fut mal communiqué à l'échelon inférieur, qui n'en comprit pas les enjeux, et, fort mal ou partiellement exécuté, il ne donna aucun des grands résultats escomptés. de leur côté, les Allemands commirent, dans le cours de l'avancée de leurs troupes l'erreur de modifier leurs plans d'offensive vers Paris pour infléchir leur progression en la dirigeant vers la Marne où, très réactifs, Joffre et Gallieni surent leur donner le miraculeux coup d'arrêt que l'on sait.
L'idée de reprendre l'offensive restait cependant dans les têtes, et elle conduisit Joffre et tous ceux qui le secondaient à commettre ensuite, en 1915, des erreurs coûteuses en vies humaines, "inutilement" employées et perdues.
Joffre avait, de par son expérience, pris l'habitude de s'en remettre aussi à ses subordonnés, à qui il accordait sa confiance : Gamelin fut sans doute celui qui inspira le plan d'action adopté à l'origine, et Castelnau et Sarrail furent les protégés du chef d'état-major nommé généralissime en décembre 1915.
On dit généralement que Pétain eut raison contre Joffre sur l'idée que la guerre serait moins une guerre de mouvement qu'une guerre de position et que Joffre eut le tort de ne pas voir l'importance de la bataille engagée à Verdun, préférant utiliser de puissants moyens sur d'autres secteurs du front.
Les choses sont loin d'être aussi simples que ce que l'on a bien voulu nous dire. En réalité, Joffre a su empêcher des a intentions allemandes de se concrétiser à nos dépens tout au long des mois où il tint le commandement supérieur des armées et le bilan que l'on peut faire de son action ne peut qu'être assez nuancé.
Notons enfin que sa responsabilité dans certaines opérations qui entraînèrent trop de pertes humaines - ce que Nivelle qui le remplacera ne saura pas corriger, bien au contraire - doit être rapportée à celle, beaucoup plus ancienne des politiques qui eurent toujours le pouvoir de décider de ce qu'il fallait faire et des moyens que l'on devait y employer : ce sont bien nos gouvernants et nos députés qui firent prendre du retard, par leurs décisions - et leur absence de décision - à la dotation de l'armée française en artillerie lourde, alors que les Allemands avaient depuis des années une légère supériorité sur nous dans ce domaine.

Rémy Porte a eu le mérite de saluer la mémoire de Joffre en cette année 2014. J'ai révisé grâce à lui l'opinion trop tranchée que j'avais sur ce grand serviteur de la France qui eut droit aux plus hauts honneurs (il fut fait maréchal en décembre 1916), à l'admiration des foules en France et aux États-Unis lorsqu'il fut mis en leur présence, à de nombreuses biographies élogieuses - ce qui est plus rarement le cas de nos jours -, mais qui fut aussi très sévèrement critiqué, pour ne pas dire "condamné" dans d'autres ouvrages.

Rémy Porte a fait le travail de rééquilibrage qui s'imposait. L'effort est plus que louable, car il n'est jamais facile de retirer des têtes des idées fausses quand elles sont solidement enracinées - et son utilité se mesurera avec le temps.
François Sarindar, auteur de : Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010)
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