Voici une petite nouvelle gentillette d'Alexandre Pouchkine. C'est une nouvelle fois très romantique ; il y est une nouvelle fois question d'amour ; c'est une nouvelle fois excellemment conté mais je trouve la nouvelle en elle-même un peu tirée par les troïkas. Jugez plutôt :
Une adorable jeune fille de bonne famille se consume d'amour pour un jeune, beau et valeureux soldat, qui lui aussi brûle comme une chandelle romaine mais qui, malheureusement, est sans le sou. Or un sou est un sou et dans la famille de la demoiselle, on semble désireux de contracter un beau mariage pour la belle.
Mais elle, Maria Gavrilovna, ne songe qu'à son Vladimir, nuit et jour, jour et nuit et un peu au-delà s'il est permis de s'exprimer de la sorte. Si bien que de lettres enflammées en rendez-vous galants, les deux jeunes tourtereaux échafaudent de s'échapper du nid, d'alpaguer le premier pope venu et de convoler en justes noces dans la première église au bord d'un chemin.
Vladimir a tout réglé au millimètre ; Macha, elle, a un petit pincement au cœur car elle aime ses parents et eux l'ont toujours choyée, donc, c'est pas joli, joli de leur faire un coup comme ça, mais que voulez-vous, ils ne comprennent rien aux affaires de cœur et n'entendent que les battement du porte-monnaie…
Le grand soir, c'est pour ce soir… Maria Gavrilovna a mis sa femme de chambre dans la confidence, le brave Teriochka l'attend dans la troïka et n'a même pas bu un coup de trop contrairement à ses habitudes de serviteur. Pourtant, un brin d'antigel n'aurait pas été de refus car on se les caille sévère ce soir, c'est une vraie bourrasque, que dis-je, pas une bourrasque, une tempête de neige, autant dire un blizzard, oui. À y perdre sa route…
Mais peu importe, Vladimir a convoqué le prêtre et les témoins ; l'église sera ouverte, il ne lui reste plus qu'à aller au-devant de sa belle et l'affaire sera jouée. Oui mais… il fait nuit… il neige… il neige même très fort… les vingt minutes à cheval se transforment en une demi-heure… la route a disparu sous la neige… tout se ressemble… mais où est-il se fichu patelin ?… ah ! un bois, je me reconnais… euh, non, en fait, c'est pas celui-là… mais bon sang où suis-je ?…
Vous voyez, je me suis perdue et je ne suis pas fichue de retrouver le chemin de cette nouvelle. Ce sera donc à vous de faire l'autre moitié du parcours si vous en avez le courage par le froid qu'il fait. Peut-être cela en vaudra-t-il la peine ? Peut-être pas ? Mais cela, quoi qu'il arrive, ce sera toujours à vous de le décider, car je n'ai qu'un avis de flocon, et vous savez ce que c'est, ça fond dans la main dès qu'on s'en saisit. Il ne reste alors plus qu'une mince goutte d'eau, autant dire, pas grand-chose.
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On servit le souper ; son cœur battit plus fort. D'une voix tremblante elle annonça qu'elle n'avait pas faim et elle prit congé de son père et de sa mère. Comme de coutume, ils lui donnèrent leur bénédiction et l'embrassèrent. Elle faillit fonde en larmes. Rentrée dans sa chambre, elle se jeta dans un fauteuil et donna libre cours à ses pleurs. La servante la suppliait de se calmer et de reprendre courage. Tout était prêt. Une demi-heure plus tard, Macha devait abandonner à tout jamais la maison paternelle, sa chambre, sa paisible et virginale existence… Au-dehors, la tempête de neige se déchaînait.
Mais retournons chez nos bons propriétaires de Nénaradovo et voyons ce qui s'était passé chez eux.
Il ne s'était rien passé du tout.
Je me souviens d'un instant merveilleux... - Alexandre PPOUCHKINE