Don Chepe s'est installé à Paraiso, petite ville du nord-ouest du Costa Rica, sur la côte pacifique. Ex-guérillero, il a participé à la révolution sandiniste qui renversé Somoza, le président du pays voisin, le Nicaragua. Coulant une retraite tranquille, il apporte ponctuellement son aide et ses compétences à la police, et plus particulièrement au brigadier Hernandez, El Gato, le représentant local.
Une de ses amies Iliana Echeverri surnommée « l'Argentine », qui tenait un café bibliothèque à Tamarindo, a été retrouvée assassinée sur une plage. La femme lui ayant cédé une collection de livres et quelques autres objets dont une clé, don Chepe se lance avec Gato dans une sorte de jeu de piste que semble avoir organisée Iliana en prévision de son éventuelle disparition.
La chaleur est extrême, la poussière omniprésente, l'auteur n'hésite d'ailleurs pas à enfoncer le clou à ce sujet pour être sûr que le lecteur a bien compris. Grâce aux informations laissées par Iliana, resurgit un passé lié à l'opposition à la junte militaire du général Videla en Argentine et aux luttes entre les diverses factions qui se sont successivement affrontées au Nicaragua. Les divers sigles et noms sont un peu perturbants pour quelqu'un peu au fait de ce pan de l'histoire sud-américaine, surtout dans la version numérique où les notes ne se trouvent qu'en fin de chapitre. L'intervention d'un journaliste suédois, rescapé vingt-cinq ans plus tôt d'un attentat - inspiré d'un fait réel -, contribue à faire ressortir de vieux fantômes et brouiller les pistes.
J'ai trouvé l'auteur avare en explications, me laissant un peu perdu au milieu d'événements historiques moyennement parlants pour moi. Il n'en reste pas moins que le cadre est original, le personnage du baroudeur don Chepe intéressant, ainsi que celui de l'intègre Gato qui pourrait être plus développé.
Cet « Été rouge », bien que ne m'ayant pas totalement convaincu, mérite une certaine indulgence de ma part pour un premier roman qui laisse entrevoir de belles promesses, d'autant plus que le suivant semble, d'après les critiques, plus abouti.
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Une enquête conjointe du commissaire et d'un voisin de la victime : une Argentine installée depuis quelques années dans un petit village du Costa-Rica. Mais pourquoi avoir assassiné cette hippie cinquantenaire sur la plage dans ce qui ressemble à une mise à mort?
C'est un roman passionnant qui nous entraine dans le passé du Costa Rica et de son voisin le Nicaragua, entre manipulations, putschs et corruption.
L'auteur nous passe aussi un message fort contre le tourisme de masse et le développement du capitalisme qui ne mène qu'à l'accroissement des inégalités sociales.
Une belle découverte.
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(commentaire rédigé le 29/01/2021)
Bien plus qu'un simple policier, on a là un véritable thriller politique, comme l'auteur l'indique d'ailleurs très justement dans sa postface.
Don Chepe, ancien fonctionnaire costaricien ayant participé autrefois aux guérillas sandinistes au Nicaragua, a pris une retraite anticipée dans une petite ville de la côte Pacifique, nommée ironiquement Paraíso (= le Paradis !) alors qu'il y fait aussi chaud qu'en enfer et que les habitants luttent chaque jour contre une éternelle poussière qui s'infiltre partout et colle au corps. C'est dans ce contexte extrêmement bien rendu, de façon lancinante mais tellement réaliste, on a l'impression d'être nous aussi envahi par cette poussière omniprésente ! ; bref, c'est dans ce contexte qu'une amie de Don Chepe, appelée par tous « l'Argentine », est retrouvée tuée sur une plage. Don Chepe, qui participe de-ci de-là à des petits « travaux » pour aider la police, décide de mener l'enquête…
Cette enquête le mènera bien au-delà de ce qu'on peut attendre d'un policier classique ! le lecteur est replongé dans une page méconnue de la guérilla sandiniste et de la contre-révolution très probablement soutenue par les États-Unis, et notamment un attentat qui serait peu à peu retombé dans l'oubli, malgré les quelques victimes innocentes (dont des journalistes étrangers) qu'il a alors faites. Quand j'ai compris que l'auteur prenait ce chemin-là, j'ai très vite été découragée : c'est que, même si on s'intéresse un tant soit peu aux différentes guérillas et autres (contre-)révolutions qui ont émaillé l'Amérique centrale au cours du XXe siècle, on s'y perd très vite tant c'est entouré de secrets, de héros d'un jour qui deviennent l'ennemi le lendemain, d'interventions plus ou moins larvées de l'éternel puissant voisin du Nord… c'est à y perdre son latin !
Mais en s'accrochant un peu, on voit très vite que l'auteur a une approche très didactique de son histoire : non seulement les choses sont expliquées de façon plutôt claire au long de divers dialogues que Don Chepe tient avec l'un ou l'autre personnage secondaire, mais en plus ce même Don Chepe nous offre ensuite un bon récapitulatif de toutes les infos qu'il a glanées, car il finit par s'y perdre lui-même ! Avec ça, on comprend assez vite qui est l'assassin de l'Argentine, ce n'est pas ça l'intérêt de l'intrigue, mais bien comment parvenir à l'arrêter pour de bon, car ledit assassin est lui aussi un ancien guérillero, extrêmement bien entraîné…
En outre, l'auteur profite de cette enquête, dont certains aspects paraissent très « américains », du moins l'image qu'on peut en avoir en Europe (tout le monde est armé et c'est normal, comme il semble normal de torturer des petites frappes pour obtenir un demi-aveu…), pour dénoncer l'enlisement socio-économique de son pays : ça va des inégalités sociales parfois criantes, à l'absence d'un service postal organisé, en passant par une certaine spéculation immobilière sur les très belles (mais très pauvres) plages de la côte Pacifique. Il nous présente une galerie de personnages très typés, qui attirent une certaine sympathie du lecteur, malgré le fait que, comme Don Chepe, ils passent un temps incroyable à boire bière après bière, puis l'eau-de-vie locale en terminant par du whisky la nuit, et ils fument, fument, fument cigarette sur cigarette !
Mais surtout, il présente l'envers du décor d'un Costa Rica de carte postale, qui n'en est pas moins un Costa Rica attachant, et que l'auteur semble aimer profondément, assez en tout cas pour contaminer le lecteur.
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En Europe, les gens auraient été incapables de dire sur quel continent se trouvait le Nicaragua. Cela n’intéressait personne. Moi, je voulais essayer de changer un peu ça… Ou du moins c’est ce que je pensais… L’ingénuité de la jeunesse, peut-être. Maintenant, je suis vieux et tout ce qu’il me reste, c’est le souvenir de ces jours qui ne reviendront pas. Ce monde autour de moi n’est plus le mien, je n’en fais plus partie, pour moi il sent la rouille et la pourriture. J’ai assez vécu pour voir les rêves qui étaient le miens, et ceux de beaucoup d’autres tomber en morceaux aux mains de ceux-là même qui avaient promis de les défendre…
Je me sentis comme quelqu'un qui aurait reçu un coup de marteau sur la tête. Il était bien possible que j'aie trouvé mon assassin.
Jamais les rues ne m’avaient paru aussi sombres que cette nuit-là. Seuls les phares de la voiture perçaient le noir épais de la nuit, laquelle semblait avoir englouti les prés et les bois secs qui bordaient la route. Dans le rétroviseur, je pouvais distinguer le nuage de poussière que soulevait la voiture sur son passage, visible dans la traînée rouge des feux arrière. Je pensai à l’Argentine, qui avait dû parcourir de force le même trajet la nuit de son assassinat, attendant un miracle qui n’était pas arrivé, que la solitude du lieu n’aurait jamais permis.
[..] Le mieux à faire ici, c’est de passer la journée au bar de doña Eulalia, d’où on peut voir la mer, qui envoie de temps à autre une rafale de vent : avec une cigarette et une bière bien fraîche, une journée devient alors quelque chose d’à peu près supportable.
Deux cents dollars pour la prix d’une vie. Deux cents dollars à un pauvre type, un minable petit voleur qui ne savait même pas dans quoi il s’était fourré. Voilà ce qu’était devenue le monde, une chaîne de pauvres types qui ne savent rien, qui tous se lavent les mains de ce qui peut ses passer – tous des innocents, bien sûr. Je fis signe au Gato pour qu’il les laisse filer. Tout d’un coup, je me sentais trop vieux, trop fatigué.