Loin de l'épopée échevelée et de ses héros aux exploits prodigieux, l'écrivaine malgache
Michèle Rakotoson nous ouvre les pages d'une histoire trop méconnue, celle de la conquête coloniale de l'île de Madagascar au XIXe siècle par les troupes française.
L'histoire débute en octobre 1894, lorsque la rumeur d'une guerre inévitable se répand.
« Les français s'apprêtaient à envahir Madagascar, comme dix ans plus tôt, disait-on, et la guerre se préparait. Comment ne pas la faire ? Les lois édictées par la France étaient inacceptables. »
Oui, la France, puissance coloniale, veut prendre sa revanche après avoir perdu l'île rouge.
Tavao est un esclave au service de Randriambao, le fils du maitre. le jeune homme suit des études de médecine, ce qui aura pour conséquence de le désigner pour suivre l'armée afin de soigner les blessés. Comme c'est la coutume, Tavao devra le suivre.
Tout au long du récit, nous entendu la voix de Tavao qui exprime les peurs et les silences de la population, car on ne peut pas critiquer le gouvernement de la reine Ranavalona III et de son premier ministre Rainilaiarivony. La corruption, l'insécurité règnent dans le pays et la population souffre des pénuries à cause de mauvaises récoltes. Les rumeurs d'une guerre prochaine poussent certains à fuir dans les montagnes comme leurs ancêtres l'ont fait autrefois. Tavao, qui ne dit mot mais écoute, s'inquiète de sa destinée. Devra-t'-il mourir pour un pays qui n'est pas le sien alors qu'il sera bientôt père ?
A travers l'esclave Tavao, qui balance entre l'obéissance à son maitre et le désir de liberté, ce sont les hésitations et les émois d'un peuple que nous percevons.
Ne restent que l'église pour prier et ses cantiques pour exprimer ses craintes et ses refus.
« Je n'y irai pas, Rehaly, je ne veux pas y aller…
Je ne deviendrai pas de la viande, je ne deviendrai pas.
Je ne veux pas y mourir, je ne veux pas. »
Côté français, c'est par le truchement du lieutenant Félicien le Guen que nous découvrons les conquérants. Après 7 ans passés en Algérie, le jeune officier s'embarque pour Madagascar en quête d'aventure. Il a des doutes sur les guerres de colonisation et ne supporte plus l'hypocrisie des discours prétextant apporter la civilisation aux populations ignorantes. Mais l'opinion publique, elle, est persuadée du bien-fondé de la colonisation par la force.
« Mais pourquoi se mettre martel en tête. C'était bien clair et bien dit : Madagascar appartient aux français depuis Richelieu et, par ailleurs, tout le nord de la Grande Ile leur a été concédé par les rois de l'île. »
A son arrivée, Félicien va vite déchanter car, ce qui semblait tout tracé sur les cartes, ne l'est pas sur le terrain. Outre le manque d'infrastructures, il faut faire face à la chaleur et aux moustiques qui attaquent par milliers. La maladie va affaiblir les troupes : diarrhées, paludisme, et la nourriture qui pourrit sous le soleil.
« Les diarrhées décimaient. L'eau étant rare, les soldats se précipitaient sur n'importe quel marigot pour boire, sans rien faire bouillir. Une odeur terrible régnait sur le lieu. »
Le récit s'insère entre les voix de Tavao et de Félicien. On suit l'évolution des troupes avec eux. Tout le roman raconte les préparatifs de ces expéditions de part et d'autre avec des moyens différents et inégaux. Tandis que les troupes françaises sont surarmées, les malgaches ne peuvent compter que sur quelques vieux fusils et des canons dépassés. Ils sont confiants dans leurs généraux. Et puis il y a le pic D'andriba d'où ils pourront stopper l'avancée française. le général l'a bien dit
« Personne ne pouvait franchir les contreforts de cette chaine, même pas les français, et l'armée malgache les dominerait du sommet des montagnes pics. Les soldats pourraient se cacher dans les tranchées et, de là, tirer sur l'ennemi tout en étant invisible. »
Cette bataille meurtrière pour les malgaches marqua le début de la défaite. Quant aux soldats français, ce furent davantage les maladies que les armes ennemies qui les décimèrent.
Le 30 septembre 1895 sera signé le traité de protectorat français.
Avec ce roman qui colle au plus près de la réalité historique,
Michèle Rakotoson a voulu lever cette chape de plomb qui pèse sur l'histoire de la colonisation de Madagascar. Elle redonne la parole à son peuple qui a vécu dans « le silence et la douleur » cette tragédie de l'histoire.
L'écriture, simple, sans fioritures, ne m'a pas enthousiasmée. J'ai regretté quelques longueurs, de nombreuses redondances et une distanciation vis-à-vis du lecteur. Néanmoins, en tant qu'historienne,
Michèle Rakotoson va au plus près de la vérité historique et c'est cela qu'il faut retenir.