A comportement inhumain, réponse inhumaine ?
Depuis plus d'un an, dans le cadre de mon travail, je rencontre tous les jours des personnes condamnés à une peine s'effectuant en dehors des murs de la prison : sursis probatoire, bracelet électronique, travail d'intérêt général et tant d'autres peines encore.
Ce livre recueil et analyse les témoignages des personnes condamnés à ce type de mesures.
Déception. Cet ouvrage ne propose rien d'autres qu'un récit long et détaillé démontrant que, oui être condamné par une juridiction pénale, c'est contraignant. Mais est-ce que ce n'est pas précisément ça toute l'idée ?
Oui, il faut saisir le juge pour modifier une obligation. Oui, les convocations sont obligatoires. Oui, quand on a un bracelet les sorties en amoureux le soir, c'est compliqué. Oui, une mention sur le casier c'est pas forcément génial pour les entretiens d'embauche. Oui, il y'a une mise à nu symbolique des personnes dont la vie personnelle se trouve fortement impacté par la mesure.
Mais ces mesures ne sont pas là par hasard. Il y'a des faits à l'origine des condamnations, ce que les auteurs omettent de rappeler.
J'ai été doublement déçue car je suis ouverte et à la recherche d'une critique de notre système pénal et du système pénitentiaire dont je fais partie. Je m'interroge sur ce que devrais être une peine juste et cette question me semble parfois insoluble.
Avoir de l'empathie pour une personne condamnée, c'est la base de mon métier mais ce n'est certainement pas suffisant pour réussir à faire avancer les personnes.
Malheureusement, ce livre ne propose rien d'autre.
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L'équation prison/probation ne se pose pas en termes de ou bien l'une ou bien l'autre, comme s'il y avait là un choix exclusif. En définitive, il s'agit toujours des deux à la fois : et de l'une et de l'autre. Ainsi, la probation n'est pas vécue comme une alternative à l'incarcération et la situation des probationnaires peut s'apparenter à une sorte de vibration complexe entre la prison passée, la probation présente, la prison qu'on aurait pu choisir à la place, la prison que l'on risque en plus de la peine actuelle, voire la probation qui suivra la prison qui reviendra de l'intérieur de la probation, et ainsi de suite. (p. 162)
Les mesures de probation se présentent comme des alternatives à l'incarcération mais elles concernent en fait des catégories socio-pénales qui étaient condamnées à des peines moins contraignantes par le passé. [...] Ce constat du rôle de la probation dans l'extension du filet pénal est aujourd'hui partagé comme une évidence par les spécialistes du domaine, même si l'illusion de la probation comme alternative continue d'occuper l'espace public et médiatique. (p. 27-28)
Vue à partir de la prison, la probation est vidée de tout contenu et n'apparaît que comme une porte de sortie. Mais évaluée à partir du vécu qu'elle impose, la probation prend la consistance d'une carcéralisation très particulière de la vie quotidienne [...]. (p. 141-142)
La prison est une expérience très dure, mais circonscrite dans le temps et l'espace, ce qui permet, dans une certaine mesure, de contenir l'emprise existentielle de l'épreuve pénale. Tel n'est pas le cas de la probation qui suit le condamné comme "son ombre". (p. 153)
En écoutant les premiers concernés, nous comprendrons qu'être en probation n'est pas une manière d'en avoir fini avec la prison, au contraire. La menace de l'enfermement ne cesse de hanter le quotidien et siphonne une grande part du sens de l'accompagnement. (p. 17)