Cette fois-ci la babéliote créatrice nous vient de la Gironde et elle n'a que 28 ans. Et lorsque son premier ouvrage est sorti, elle n'en avait que 26. On n'a pas fini de voir le nom de l'auteure, Manon Real, (sur Babelio prénom et nom en 1, avec 2 majuscules) sur la couverture d'oeuvres littéraires. Pour mieux nous gâter, après sa licence à l'université d'Avignon en langues, littératures et civilisations, elle passe un "master 2" et s'en va en Italie pour 7 mois "pour parfaire sa connaissance de la littérature et du cinéma italiens" (page 82). Ce qui explique la superbe citation de Dante tout au début de son ouvrage et que j'ai repris hier dans la rubrique "Citations" sur notre site.
L'histoire du ménestrel Enguerrand et sa superbe Aélis est située à l'époque du roi Philippe IV, dit le Bel, et de son fils Louis X. C'est une période relativement mouvementée avec le Procès des Templiers et leur anéantissement, l'expulsion définitive des Juifs et la guerre avec les Anglais et les Flamands. En ce temps, les Capétiens ont aussi fait de sérieux efforts pour la centralisation du pouvoir en France. Un peu plus tard suivront la Peste Noire et la Guerre de Cent Ans.
C'est contre cet arrière-plan, qu'un troubadour de 16 ans, armé uniquement de sa viole, quitte sa Normandie natale pour se diriger plein sud, direction Carcassonne. Et dans cette magnifique ville se produit le miracle : il assiste (de loin) au mariage du seigneur local, Arthus, avec Dame Aélis de 15 ans, qui est d'une beauté que seuls le précité Dante ou Pétrarque pourraient décrire convenablement. Enguerrand croit même "voir la mère de Dieu en face de lui". Pour le ménestrel point de doutes : elle sera sa muse, sa campagne et son amour. J'hésite à employer le terme "coup de foudre", car il a quelque chose de banal et que nous vivons ici, en somme, un moment divin !
Mais la magie ne s'arrête pas là. Dès que Aélis aperçoit notre trouvère, elle est envahie par le même sentiment d'Amour, avec un très grand "A". Deux jours plus tard, les amoureux prennent ensemble la route. Nous sommes en l'an de grâce 1314.
Six ans plus tard, le comte Arthus enlève brutalement Aélis et le barde part aussi tôt à sa recherche, abandonnant leur gosse, Aymar, à son sort.
Cet Aymar, lorsqu'il a 16 ans, en 1330, débarque à Paris, où près du palais du roi, il essaie de se faire un nom et un revenu comme ménestrel à l'exemple de son père. Et chose incroyable, il tombe fou amoureux de la jeune et très belle lorraine, Isilde. Amour d'ailleurs réciproque.
On a l'impression que l'histoire se répète et que Manon Real semble être à court d'imagination. Cependant, rien n'est moins vrai. Au contraire, l'auteure nous offre un récit captivant aux développements inattendus et astucieux, que je ne puis, malencontreusement, pas résumer ici pour ne pas gêner votre lecture.
La 2e nouvelle nous apporte un tout autre son de cloche venant d'Outre-Rhin. Une bande d'arnaqueurs s'attaque à des veilles personnes, surtout des femmes d'âge canonique vivant seules, pour leur dérober de tout ce qui peut rapporter des Marks. Un inspecteur de police, la quarantaine et solitaire, a juré d'arrêter ces 3 filous. Réussira-t-il ?
"L'appel du cerf" est une brève nouvelle magique, à découvrir !
La jeune militante suédoise pour le climat, Greta Thunberg, qui s'est adressée récemment à notre Assemblée Nationale, adorerait la nouvelle "Paganus" (= villageois, paysan en Français), car il y est question de "nuisances industrielles" et "reconstruire une planète où humains, plantes et animaux peuvent vivre en harmonie..."
La nouvelle suivante nous ramène au XIXe siècle, en Toscane, près de l'auguste ville de Sienne. Nous y rencontrons 2 belles marquises (mère et fille) qui raffolent de glycines.
Dans "Qu'y a-t-il au bord de la plage ?" nous avons droit à une apparition mystérieuse en Bretagne, plus précisément dans le Finistère. En dire davantage serait criminel, sauf que c'est probablement, d'un point de vue purement littéraire, celle que j'ai préférée.
La dernière nouvelle "Le deuxième homme" est plus ambitieuse, puisqu'elle touche le cerveau humain.... et nous présente un "monde (qui) était définitivement changé " !
En fermant cet opuscule littéraire de 84 pages, je suis absolument persuadé que Manon Real ira très loin dans la réussite littéraire : elle en a la formation solide, la force de caractère et avant tout le talent artistique.
"Avanti" et "Forza" Manon ! Nous sommes toutes et tous derrière vous à Babelio et cela fait tout de même un sacré paquet de lectrices et lecteurs, qui s'y connaissent en qualité littéraire !
Commenter  J’apprécie         482
Je tiens avant tout à souligner la gentillesse et la disponibilité de Manon Real lors de nos échanges au sujet de son recueil, que j'ai découvert un peu par hasard sur le site.
J'ai donc lu et apprécié ce recueil de nouvelles dont certaines font fait écho directement à ma pratique professionnelle. J'ai beaucoup aimé la variété dont fait preuve l'auteure; elle ne se confine jamais dans une époque et j'ai même eu le sentiment que son écriture s'adaptait à l'histoire qu'elle racontait. Entre "les trois colporteurs", "le deuxième homme" et " l'histoire d'un ménestrel et de sa dame", on a l'impression d'avoir affaire à des auteur(e)s différent(e)s et pourtant dans le fond, on distingue clairement sa patte, que j'aurais bien du mal à définir ici avec des mots. Ce n'est qu'une impression générale. Mais j'ai quand même décelé cette sorte de "naïveté" un peu enfantine que l'on trouve dans les contes, et qui nous rappelle que ceux ci ont un rôle éducatif (mais ni forcément ni exclusivement), puisque dans notre société, on sait bien que seuls les enfants ont besoin d'être éduqués et pas les adultes qui eux, le sont déjà... normalement!
J'ai aimé la simplicité de son écriture, dans le sens où elle s'adresse à tout le monde, où elle parle à chacun d'entre nous (elle ne laissera personne indifférent et c'est ce qui fait sa force), et elle laisse suffisamment de liberté pour interpréter chaque conte comme on l'entend. C'est d'ailleurs très frustrant! Certains se terminent (trop!) vite là où on espérait une conclusion, spécialement "Paganus", qui se déroule en plus en plein Massif Central ( je vis en Creuse). Celui ci m'a particulièrement touché de par sa thématique écologique...
Je finirais en disant que chaque conte possède son thème propre, son atmosphère typique et c'est avant tout grâce à la qualité d'écriture de Manon Real qu'ils possèdent leur identité propre.
Si vous souhaitez retrouver une ambiance "feu de cheminée" en cette fin d'hiver, n'hésitez pas à vous procurer ce recueil, vous ne serez pas déçu.
Merci Manon... au plaisir...
Commenter  J’apprécie         111
Tu es ménestrel, et moi j'appartiens à la noblesse, ou du moins j'y appartenais.... Devrons-nous vivre cachés ?
- S'il le faut, oui, mais tant que nous serons ensemble, nous serons heureux. C'est ce qui compte, lui dit Enguerrand, les yeux brûlants d'amour et de désir.
Ils s'embrassèrent plus vigoureusement que la fois précédente. [...] Cette nuit-là, raison et passion furent liées par une symphonie de promesses et de serments, orchestrée par l'union des corps consummés d'amour.
Ma belle et douce Isilde... Si aimer quelqu'un de plus noble ou riche pouvait être un crime, ce serait davantage un crime de renier l'amour ! [...]
L'amour est un joyau précieux qui, une fois découvert, ne peut se briser.
"Alexandre aimait l'histoire, que ce soit la contemporaine comme l'ancienne. A l'université, Alexandre prenait bien soin de marcher droit devant lui, même s'il ne pouvait empêcher l'assaut des regards, surtout ceux des filles qui ne se privaient pas de le contempler. Il faut dire qu'il était très attirant, blond foncé, le style nordique, assez grand et non dépourvu de muscles".
Citation de Paganus, une des sept nouvelles
" L'amour et un noble coeur ne font qu'un, et quand l'un ose aller sans l'autre, c'est comme quand l'âme abandonne la raison. "
Dante
(page 5).
"Elle ne sut combien de temps elle continua de courir et finit par s'arrêter un petit instant. Le loup n'était plus derrière elle, du moins, elle ne le voyait plus ni n'entendait son grognement. Elle voulut continuer de courir mais trébucha soudainement contre une petite pierre."