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Rentrée littéraire 2021 #14 Une rumeur qui court dans un campus américain. Qui dit qu'après une soirée très arrosée, Alice aurait été abusée sexuellement par deux étudiants qui s'en sont vantés le lendemain lors du debriefing matinal de la fête. Elle ne se souvient de rien mais il faudra vivre avec, se reconstruire en ignorant ce qui lui est arrivé. Est-ce que seulement cela lui est arrivé ? Pour raconter le pouvoir dévastateur d'une rumeur, Kate Reed Petty choisit de construire son récit comme un étrange kaléidoscope, à l'image de la mémoire fragmentée d'Alice depuis le traumatisme subi. Alternent ainsi des scénarios de films écrits par Alice et sa meilleure amie Haley, des brouillons de lettres de candidatures universitaires, des lettres d'Alice à Haley, mais aussi des chapitres à la première personne faisant porter la voix d'Alice et de Nick ( un des amis des supposés agresseurs ) et des chapitres à la troisième personne pour proposer le point de vue masculin de Richard et Max, ceux qui auraient agressé Alice. le récit brouille audacieusement les pistes façon puzzle pour démêler le vrai du faux jusqu'à un final surprenant qui donnera la clef. Cette audacieuse structure narrative pourrait n'être qu'un exercice de style, virtuose mais creux. Ce n'est absolument pas le cas. Si quelques longueurs m'ont fait perdre le fil, si le dispositif tient l'émotion quelque peu à distance, Kate Reed Petty décortique brillamment la mécanique de la rumeur en montrant comment elle prend forme et est reçue, comment elle détruit tout sur son passage, victime comme bourreaux supposés, colporteurs et entourage, comment elle hante tout ceux qui la côtoient quelle que soit leur position initiale. L'occasion également de dresser le portrait cruel du monde universitaire, avec ses codes, ses meutes, ses marginaux et une pression exercée au nom de la réussite. Le plaisir de lecture a été très cérébral , lié à la maitrise formelle de ce premier roman troublant et addictif, qui se joue des genres en toute liberté ( très proche du thriller psychologique ) et tient le lecteur en haleine en bousculant ses certitudes, sur les thématiques graves de la culpabilité, du harcèlement, de la place que nous accordons à la vérité et du mensonge dans nos vies. Il m'a manqué cependant de vibrer aux diapasons des personnages pour que le roman laisse une empreinte forte, je suis restée trop en surplomb de l'intrigue. + Lire la suite |