Que retient-on d'une vie ? Toujours trop ,
peut être.
Ne faudrait il pas plutôt savoir ce qu'on en retire ?
On additionne, on collectionne, on empâte, on remplit. Trop.
On surcharge.
A tel point qu'on en perd le fil, qu'en en diffère son chemin, qu'on se perd de vue , soi et les autres.
On s'en brouillonne.
L'épure, c'est un parcours, un « comment », qui mène
peut être vers un « pourquoi ».
Comment survivre pour se mettre en capacité de tout mettre en vie ?
Mettre en vie comme on donne vie à une oeuvre.
Du juste et de l'intime emploi de sa vie.
Emploi n'est
peut être pas le bon terme.
La vie est un art, sinon comment serait il possible ou supportable d'y demeurer ?
Épure…. Définition : Dessin ou trait exécuté sur un mur ou sur une surface horizontale, en grandeur réelle, pour guider la construction d'une partie d'un édifice ou l'assemblage d'une machine….
Épure : Grandes lignes d'une oeuvre ou d'un système de pensée…
Voilà : pensée.
Pensée comme architecture, comme guide, comme dessein.
Penser sa vie, sans surcharge, sans ombres portées, tracer ses lignes, de pas suivre de schéma , de stéréotype, de plan, de pas calquer, de pas dupliquer, de pas copier, mais lui donner son propre cours.
Libre cours au plaisir , au bon vouloir de vivre, de réaliser que l'on se crée.
Désirer sa vie c'est la penser.
Cécile Reims est un des plus grands noms de la gravure.
Fred Deux, qui fut son compagnon ,
Hans Bellmer,
Leonor Fini, c'est à ces grands noms de l'Art qu'elle offrira ses yeux, ses mains, sous la pointe de sa pointe sèche et de son burin , également à ses propres dessins, et aux mots de
Victor Segalen.
Fred Deux et Cécile Reims sont devenus indissociables,
Tant d'années de partage, tant d'années de recherche et de travail, dans le plus profond respect de leur univers respectif au sein de leur communauté de regard.
Il a bien fallu de la détermination, de la volonté, du courage , la discipline pour survivre à ces années d'enfance et d'adolescence.
« Cécile Reims est née 1927 à Paris. Après le décès de sa mère , elle est confiée très jeune à ses grands parents , en Lituanie, . Elle revient en France en 1933.
En 1942, La rafle du Vel d'Hiv disperse sa famille.
Clandestine, elle s'engage dans l'Organisation juive de combat en 1943.
En 1946, apprenant que son oncle a été gazé dès son arrivée à Auschwitz et que sa famille restée en Lituanie a été massacrée, elle s'engage dans l'armée clandestine juive et gagne la Palestine. Une grave atteinte de tuberculose la forcera à retourner en France pour y être soignée. »
C'est donc le début de son parcours de vie qu'elle nous permet de découvrir.
Années terribles, années tourmentées, années déterminantes pour les choix et l'accueil des hasards qui conduiront sa vie.
Richesse d'un dialogue intérieur incessant. Questionnement, quête.
La plume de Cécile Reims est aussi fine, aussi assurée que sa pointe et son burin.
Pour aller plus avant à la rencontre de l'univers de Cécile Reims, et également de celui de Fred Deux , je ne peux que vous conseiller de contempler leurs oeuvres , de lire leurs ouvrages, et également de voir le magnifique documentaire « Voir ce que devient l'ombre » de Matthieu Chatellier.
Astrid Shriqui Garain