Long. Long et ennuyeux. C'est ainsi que je résume les 848 pages de cette autobiographie, les
Mémoires de
Léni Riefenstahl. À l'occasion, instructif, bien sûr, mais partout on sent le besoin de remettre les pendules à l'heure, d'expliquer dans les moindres détails insignifiants tout ce qu'elle a vécu mais surtout de se justifier et de se défendre. Remarquez, après tout ce qui lui est arrivé, je peux comprendre. Mais trop, c'est comme pas assez. Sa démarche d'auto-justification, elle nous l'enfonce dans la gorge à un tel point qu'on vient à en douter. Toutefois, ce qui m'agace surtout, c'est qu'une autobiographie n'est pas un compte rendu à utiliser dans un procès et les qualités littéraires n'étaient pas au rendez-vous, selon moi. Et c'est étonnant puisque cette artiste a su rendre particulièrement captivants des documentaires cinématographiques aux sujets parfois mornes. On s'entend qu'une convention nazie devait être assez barbant. Donc, il faut en convenir que le 7e art et l'écriture ne convergent pas toujours.
Comme toute bonne histoire, il faut bien commencer par le commencement, si vous me permettez l'expression. Riefenstahl ne s'attarde pas trop sur son enfance, elle prépare la scène : début du 20e siècle, Berlin, sa famille, son intérêt pour les sports et la danse. Elle s'attarde un moment sur un événement soi-disant traumatisant mais sur lequel elle ne revient jamais… Étrange. Puis, après la Grande Guerre, l'essor de sa carrière de danseuse et les débuts du cinéma. Comme ce dût être une époque intéressante ! Malheureusement, l'auteure se contente de décrire ses allers et venues, plusieurs n'ayant que peu d'incidences sur le reste de son histoire, un peu comme le journal intime d'une adolescente qui raconte ce qu'elle a mangé au dîner… Dommage.
La partie que j'ai le plus appréciée fut celle où sa carrière d'actrice a vraiment décollée. Après une blessure aux genoux, exit la danse et bonjour le cinéma. Et dans des conditions souvent difficiles. Elle escalade à mains nues et sans attaches les Dolomites, elle gèle au Groenland. Décidément une femme de caractère ! Sa renommée attire l'attention de Hitler qui lui confie le tournage de conventions nazies. Probablement une des pires décisions de sa vie mais pouvait-on dire non à ce monstre ? Dans tous les cas, il ne s'agissait que d'un travail, personne à l'époque ne voyait de la propagande dans son oeuvre (c'est plus facile, après coup, de la juger ainsi) et elle reçut de nombreux prix à l'étranger. Pareillement pour son documentaire sur les Jeux olympiques de Berlin, en 1936. Ses prises de vue étaient exceptionnelles, elle a révolutionné plusieurs conventions. Il est dommage qu'elle ne s'attarde pas beaucoup sur cet aspect. C'est comme si c'était venu tout seul, sans même qu'elle y ait réfléchi (ce qui est très probable, bien des génies réalisent des chefs d'oeuvre sans comprendre comment ni pourquoi, seulement en trouvant des façons de contourner des contraintes) mais, avec le recul qu'elle avait quand elle a rédigé ses Mémoire, j'aurais aimé que Riefenstahl commente l'impact qu'elle a pu avoir sur l'industrie du cinéma.
Puis vint la Deuxième Guerre mondiale, les horreurs des camps de concentration et, une fois la paix revenue, ses biens confisqués, ses droits bafoués, les multiples procès qu'elle a dû subir, tout son processus de dénazification. Sans même avoir été membre du parti nazi, Riefenstahl était coupable par association et on lui a prêté toutes sortes d'intentions. Quoiqu'on en dise, il faut se rappeler qu'elle n'a réalisé que des documentaires (très patriotiques, j'en conviens), mais elle n'a pas participé personnellement à des exactions... Cette partie démontre sa résilience. Pareillement pour les années d'après-guerre. Il était nécessaire qu'elle en témoigne, mais cette partie s'étirait et elle n'en finissait plus d'avoir à se défendre et à se justifier. À partir de la moitié du bouquin, je n'avais qu'une envie : en finir le plus vite. Hélas…
Éventuellement, elle se trouve une nouvelle passion, l'Afrique. Et puisqu'il lui devient impossible de tourner, elle se recycle en photographe. Yééé ! Ce changement de décor était le bienvenu. Moi-même, j'adérais à cette passion. Mais encore une fois le style journal intime me dérangeait. Tous ces allers et retours en l'Afrique et l'Allemagne (et parfois New York, Paris ou n'importe où), quelles répétitions ! Léni voyage en Afrique chez ses nouveaux amis, les Noubas, ou quelques connaissances à Khartoum ou Mombasa, se rend à Munich chercher du financement, retourne au Soudan, se repose dans les Alpes chez des amis, fait une nouvelle expédition en Afrique, va défendre ses droits d'auteure aux Etats-Unis, retourne à nouveau dans le sud, rebrousse chemin à cause d'une maladie, revient sur ses pas en Allemagne pour une énième raison, surement à cause de matériel défectueux, etc. Bref, vous comprenez ! C'est trop exhaustif. Il fallait résumer, aller à l'essentiel pour que les lecteurs en saisissent l'esprit.
Je déteste ne pas terminer la lecture d'un bouquin, j'y arrive rarement. Dans ce cas-ci, une autobiographie, je m'attends toujours à découvrir quelque chose sur des personnages importants, donc je continue même si le style laisse parfois à désirer. Ce fut le cas ici. Moi, j'aurais facilement retranché le tiers du livre. Mais bon, je suis passé au travers et je ne le recommande pas à moins que vous soyez amateur de cinéma (et encore !) ou que
Léni Riefenstahl et son oeuvre vous intéressent particulièrement.