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3,75

sur 334 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'ai découvert Blandine Rinkel (également comédienne, danseuse et musicienne au sein du groupe Catastrophe) et son livre en regardant La Grande Librairie…. mais l'émission n'a même pas eu besoin de me convaincre. Étrangement, avant qu'elle ne prononce le moindre mot ou que le nouveau présentateur ne parle de son troisième roman, je savais déjà que j'allais le lire. Juste le titre de l'ouvrage et cette prestance alliant douceur et rébellion sur le plateau télévisé ont suffi à me convaincre. Une nouvelle faiblesse de ma part, que ma PÀL déjà débordante ne voyait probablement pas d'un bon oeil, mais un choix finalement judicieux car je l'ai lu d'une seule traite et refermé en étant fan de tout ce qui m'a été proposé : le style, le contenu, la réflexion… voire même cette violence dont il est question dans le titre et qui n'a heureusement pas tout détruit !

« Vers la violence » est le chemin emprunté par la petite Lou, qui voue un amour immense à son papa, tout en vivant dans la crainte de ce patriarche certes lumineux et drôle, mais qu'un rien fait basculer vers les ténèbres. Une violence plus psychologique que physique, mais une menace constante qui invite à marcher sur un fil, balançant entre le bonheur et ce que certains nommeront une « éducation à la dure ».

Blandine Rinkel dresse donc le portrait d'un père, Gérard, ancien militaire devenu flic, qui tente de transformer sa petite princesse en guerrière aguerrie, capable d'affronter la douleur et ses peurs sans broncher. Une gamine qui joue à je te tiens, tu me tiens par la barbichette, bien décidée à ne pas rire, sachant que la tape qui suivra pourrait bien faire mal. Si celui qu'elle tient par la barbichette a l'art de faire rire n'importe qui, ce sourire carnassier dissimule en effet un loup solitaire et imprévisible.

L'ambiguïté de ce portrait livré par l'autrice dérange autant qu'il fascine. Une dualité qui contribue à entretenir une tension permanente tout au long du livre et qui se retrouve ponctuée par une superbe lettre de Lou à son père, déclarant toute l'admiration qu'elle voue à ce père…tout en lui tournant définitivement le dos. Une violence et une ambiguïté dont héritera cette petite fille devenue danseuse, passion qui allie grâce et féminité, tout en faisant violence au corps.

L'écriture sensible, sincère et incisive de Blandine Rinkel m'a cueilli dès les premières lignes. La première moitié du roman, où la relation père-fille est omniprésente, m'a totalement bouleversé. La phrase d'une violence insoutenable « Je ne veux pas te voir à mon enterrement ! », balancée par un père à sa fillette de cinq ans, m'a mis totalement KO. La deuxième partie du roman, proposant la reconstruction de Lou loin du père, dans les bras de Raphaël, est certes moins intense, mais permet au lecteur et à l'héroïne de se relever tout en constatant les dégâts.

Un roman intense, puissant, profond et percutant, porté par une plume dont je suis dorénavant fan !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Des textes effrayants sur la cruauté parentale, j'en ai lu beaucoup - de 'Hansel & Gretel' au roman d'Adeline Dieudonné 'La vraie Vie', via Poil de Carotte (Jules Renard) et Vipère au poing (Hervé Bazin).
Celui-là me semble frôler l'absolue perfection.
Tout y prend vie avec les mots justes, une précision redoutable, et sans chichis : ce père terrifiant, la mère douce & aimante mais beaucoup trop passive, le chien, leur coin de Vendée où se mêlent mer et forêt. Et bien sûr la narratrice, Lou, prise au piège de cet environnement aussi fabuleux que toxique. Comme tous les enfants, elle ne peut pas se rendre compte qu'une famille, ça ne devrait pas être ça : marcher sur un fil, au-dessus d'un gouffre, tandis que la main du père se tend ou se dérobe de manière imprévisible (quand elle ne menace pas de pousser vers le vide).
Son père est son héros : il lui invente un monde, lui raconte des histoires, ils sont complices. Et l'enfant ne mesure pas la violence des jeux & défis qu'il lui impose. Elle souffre en silence, se pince en douce pour ne pas pleurer, attend de se retrouver seule pour se laisser aller.
Alors oui, elle épousera Gérard, son père, comme ils se le sont promis. Non, elle ne sera pas une 'fillette', et préférera le judo à la danse. Elle comblera des deuils, remplacera des défunts, reprendra la "rage ancestrale" (contenue ou non) de la lignée paternelle, imposant à son corps une discipline de fer, etc.
.
Terrible récit d'une emprise, celle d'un "fou" sur sa propre fille, d'un doux dingue dangereux aussi lumineux qu'obscur.
Un soleil noir, un ogre, un loup, un prédateur, dont Lou découvre peu à peu, à mesure qu'elle grandit, les faiblesses sous la cuirasse - mais le mal est fait, cette jeunesse l'a aguerrie mais aussi brisée.
En regardant la biographie de l'auteure, je découvre un parcours proche de celui de Lou, ce qui ne manque pas d'inquiéter.
.
Brillant ! Mais tellement sombre, aussi, parfois insoutenable.
En tout cas époustouflant de maîtrise : Blandine Rinkel n'avait que trente ans lorsqu'elle a écrit ce texte.
Encore sous le choc, je vais m'empresser de lire 'L'abandon des prétentions'.
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Lecture terminée hier et complétée par B.Rinkel dans la nouvelle saison de « La grande librairie ».
C'est un roman qui paraît doux , agréable à lire et beau comme son autrice, mais plein de violence .
Celle ci n'est pas physique, mais intimidante pour une petite fille, Lou, qui adore son papa Gérard.
Celui ci est un grand malabar à moustache, tonitruant, vantard, qui appelle sa petite fille « moussaillon. Il veut l'aguerrir, en faire un fac-similé de lui-même. La maman, beaucoup plus réservée, aimante aussi ne fait pas partie de leur club.
Mais là, cette violence dans les propos de cet homme policier d'ailleurs cache un énorme désarroi,un grand vide , il avait une autre vie « auparavant » une autre famille anéantie par un drame affreux.
Mais Lou insidieusement va être imprégnée tout doucement par cette violence rampante , elle aura du mal à se fixer, à faire confiance, à aimer vraiment, à se libérer enfin.Elle sera danseuse et supportera la violence faite au corps par cette pratique intensive. Pouvoir se détacher définitivement de ce père , mais continuer à l'aimer quand même, ce n'est pas facile, mais vital.
B.rinkel pratique cette discipline du corps, hier soir , c'était visible dans son intervention.
J'ai vraiment beaucoup apprécié ce roman qui explore les sentiments souterrains avec force et sans avoir l'air d'y toucher. Un beau roman et une belle rentrée littéraire en fait.
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Un titre frontal, disruptif. Une couverture qui intrigue avec ces quatre dessins qui représentent le loup. D'ailleurs la page en exergue est aussi centrée sur les loups.

N'est-il pas étrange d'associer la naissance du protagoniste principal, Gérard, avec le loup qui entra dans la légende le 12 janvier 1954 ?
Mais ne dit-on pas : L'homme est un loup pour l'homme ? La narratrice, Lou, sa fille ne va cesser d'en faire le constat dès son plus jeune âge.
Celle-ci brosse le portrait du baby boomer qu'elle appelle Gérard, et non «  mon père », façon de prendre de la distance avec ce personnage très complexe, aux nombreux secrets à élucider. Un homme autoritaire, à la voix terrifiante parfois.
le lecteur sent très tôt l'emprise, la domination qu'il a sur sa fille. Admirative, amoureuse de son géniteur au point de vouloir se marier avec lui. L'amour est d'autant plus aveugle à cet âge. Pourquoi la laisse-t-il penser (à 5 ans) que cette union sera possible quand elle aura atteint l'âge légal ? Pourquoi lui fait-il une telle promesse ?! «  Seuls les adultes consentants peuvent s'épouser ».

Gérard, ex-militaire, flic de profession, possède des armes, ce qui impressionne sa fille Lou. Il est nimbé de mystère, passant des nuits dans son bureau ovale jaune. Pièce appelée ainsi car au centre trônait « une grande table en forme d'oeuf ». Lieu où son père travaillait, se ressourçait, mais où Lou ira fureter, transgressant l'interdit, ouvrant les tiroirs,ce qui ne pouvait que déclencher la furie de Gérard.
Pourquoi ce nom de code « Bruno » ? Aurait-il une double vie ?

Lou se remémore son enfance, son entrée en sixième, son amitié avec Jade, Victor, prenant conscience que Gérard préférait qu'elle ne fréquente pas ses camarades de classe ! Elle confie qu'« il voulait rester maître de son royaume, que son esprit lui appartienne ». Difficile de comprendre pourquoi il lui refuse de jouer avec les billes
découvertes au grenier pour lui donner la permission une semaine plus tard.
Il l'éduque à la dure, lui conseille d'apprendre à se battre pour être à la hauteur de son nom Meynier qui signifie « robuste guerrier », lui apprend à nager à deux ans. Dès ses 5 ans elle s'aguerrit, son père lui ayant inculqué la devise du mousse : «  Sois toujours vaillant et loyal » et « la sensation du couteau ». Adulte, elle définit Gérard comme « un monstre à deux têtes » qui « affabule, invente, ment », un moustachu «  psychopathe amusant », « un sorcier de l'univers » et « un ivrogne occasionnel ».
Elle souligne «  son sourire carnassier », son « rire bruyant », sa face obscure.Comment une enfant peut-elle se construire quand la menace est permanente ? Il lui faudra vaincre sa peur quand elle doit traverser un pont en pleine tempête !
Peu à peu le voile se lève sur le passé du patriarche au sujet du drame du naufrage , (ce qui explique qu'il vivait dans un huis clos de disparus) et de l'accident tragique impliquant Pluie, ce cheval qui les accompagnait lors de randonnées en forêt.

La figure maternelle, Annie Mercier, est une présence discrète, elle aussi subit les menaces de son époux. Quand celui-ci rentre alcoolisé, agressif, il sème la terreur. Il hurle, il beugle, il gueule contre les connards qui salope la mer, la plage. Quel contraste entre les mots affectueux que le père emploie à l'adresse de sa fille : «  moussaillon », « Loupiote », et la violence de ses gestes (Ne l'a-t-il projetée d'un coup de pied en bas d'un escalier ?) et certaines de ses paroles ( injures). L'épouse est traitée de connasse, de « vioque ». Pas de smartphone à l'époque, la mère consignait tout sur un post-it.

L'écriture de l'écrivaine est très visuelle, d'une précision inouïe , on croit voir les scènes se dérouler sous nos yeux. Par exemple quand elle revisite les moments de bonheur partagés avec le père, leur « lien de la mer » ( «  les souvenirs bleus »), le jeu de la barbichette, les tours de magie, leurs partages de mondes imaginaires ou quand elle évoque leurs marches, les paysages traversés, empruntant « des routes jouxtant le jaune des champs d'orge et de colza, le vert du maïs, des blés, le bleu des pavots…. », «  des départementales bucoliques ».
Ou tout simplement quand elle s'achète une gaufre liégoise, «  ornée de perles de sucre ».

Blandine Rinkel a le don de happer son lecteur par les accroches de certains chapitres, comme «  il y eut un épisode terrible ».
La maltraitance animale évoquée révulsera tous ceux qui luttent contre ce fléau.
La romancière reconnaît qu'adolescente, elle aussi s'est montrée « infecte »
envers Ardent, ce chien attachant que son « bourreau de père » a failli défenestré. Et elle fustige « l'injustice de sa cruauté », de sa méchanceté causée par mimétisme.
Elle sait attiser notre empathie pour ces bêtes sans défense, tel ce cheval qu'il a abandonné dans le fossé où il avait chuté. Au contraire Lou, devenue végétarienne, montre son attachement aux chevaux et rejette la consommation de viande chevaline. Nourriture que son père lui a imposée dans son enfance. Pour elle : « La magie des chevaux ne réside pas dans leur viande, mais dans leurs mouvements. Dans leur crinière et dans leurs muscles. Dans la manière qu'ils ont d'être libres quand ils courent ».

Au cours du récit, Lou s'interroge sur la misogynie de Gérard d'autant qu'il disait «  aimer les femmes, les vraies », les femmes guerrières , pourtant dans ses notes autobiographiques, on lit les déclarations suivantes : « les femmes sont des couteaux » ou «  se méfier des femmes ». Aurait-il été attiré par ces « femmes féroces, indifférentes, hermétiques à la séduction », ces femmes écrivaines en lutte comme Virginie Despentes, Constance Debré à qui Lou rend hommage ?

A la fin de la lecture de la première partie, le lecteur est comme abasourdi tant la violence s'est intensifiée. A 18 ans, la narratrice, quitte sa Vendée aimée pour rejoindre à Londres une compagnie de danse. « La danse, une technique de survie » pour Lou, un exutoire, qu'elle pratique d'une façon militaire, «  un sport exigeant une autodiscipline ». Elle développe une longue réflexion sur la danse : «  la danse comme stratégie animale pour esquiver les corps prédateurs ». Cette décision convoque une pensée de Colette : «  Il n'y a de réel que la danse, la lumière, la liberté, la musique ». Rappelons que l'écrivaine chanteuse pratique elle-même la danse au sein du collectif Catastrophe.
Liberté qui se traduit pour Lou sur le plan sexuel ( jeu du foulard) jusqu'à ce qu'elle tombe amoureuse de Raphaël, qui rallume sa féminité, alors qu'elle avait éduquée, en soldat, comme un petit monstre de virilité », quand elle était sous la coupe du paternel. Un père peuplé de blessures, « de cicatrices et de deuil ».
Un épisode déstabilisant la marque : «  la tache » au plafond de son logement londonien. Laissons le mystère.

Un mot interpelle dans la dernière partie, celui de « meute », qui renvoie à l'illustration de la couverture. La famille est considérée comme « une horde de cohortes », les voitures sont vues comme une meute. « Meute », le nom de la compagnie de danse qu'elle formera. Et le prénom Lou, qui résonne comme loup !
On quitte le jeune couple se préparant à un réveillon forestier avec les animaux. Ils se tiennent à l'affût, sachant ( comme Sylvain Tesson) qu'il leur faudra de la patience, cette «  vertu suprême » et rester silencieux pour espérer entrevoir une meute ou un loup solitaire. Et fantasmer de «  danser avec les loups » ! La boucle est bouclée.


L'originalité de ce roman réside dans sa composition hybride, mêlant le récit de Lou, les notes autobiographiques du père qui révèlent une autre facette de cet ogre » et au final la bouleversante lettre confession de Lou qui montre la complexité de leurs liens. Et combien il l'a vampirisée. Une lettre qui dévoile sa réponse quant à un éventuel don de rein pour ce père condamné.
Un récit émaillé de citations, d'expressions en italiques, dont certaines en anglais ( « delay », «  fake news », «  larger than life »…) et de comparaisons. ( «  la vague immense se ruait sur nous comme un cheval piqué par une abeille »).


Blandine Rinkel signe un roman puissant, dense, scandé par le mot « violence » dont a hérité la narratrice Lou », et hanté par les spectres des fantômes. Un récit impressionnant, parfois glaçant qui laisse une durable empreinte chez le lecteur.


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Ce roman est magnifique !
Ce roman m'est un gros coup de coeur.
Un roman avec un texte puissant, profond et très percutant.
Un roman presque animal qui oscille entre le chasseur et la proie, entre le l'amour et la haine, entre la fascination et le dégout.
*

Il est assez rare pour moi de lire une aussi belle écriture que celle de Blandine Rinkel.
Parce que l'auteure dégage une force, une sincérité, une authenticité, parce qu'elle m'a semblé maitriser en grande harmonie son sujet. Parce qu'elle marchait sur un fil, comme une gracieuse équilibriste, entre douceur et cruauté.
*

C'est un sujet difficile qu'aborde l'auteure, avec une grande sensibilité parfois à fleur de peau.
Celui de l'héritage familial psychologique, de son poids et de ses traumatismes générationnels qu'il crée dans un noyau familial.


Blandine Rinkel, qui écrit à la première personne du singulier, est Lou. Elle est cette petite fille. Elle est cette jeune fille. Elle sera aussi cette femme qui nous racontera ses sentiments paradoxaux qu'elle a vécu pendant toutes ses années d'adolescente.
Lou est cette petite fille qui voue une admiration démesurée et un amour immense pour son papa Gérard.
Mais à l'âge de comprendre et de raisonner en petite fille, Lou sera très vite traversée par ses sensations diverses et contraires devant la personnalité déroutante, et les attitudes parfois irrationnelles de son papa.
*

Mais qui est ce père, qui se conduit en loup toujours affamé, qui veut sans cesse capter l'attention de son auditoire, mais surtout avoir l'exclusivité de l'affection que lui porte sa fille ?
Blandine Rinkel nous brosse le portrait magistral d'un père magnifiquement ambigu. Un père meurtri par la vie et prisonnier de son passé.
Un homme qui cache de grandes blessures derrière son assurance, sa gouaille, son talent pour faire rire son entourage avec des histoires aussi mensongères que fantastiques.

Un père qui ne veut pas montrer ses faiblesses qu'il considère comme des tares. Un père toujours borderline. Si bien qu'à chaque page du roman, je craignais que ce papa déraille encore plus, qu'il puisse encore plus basculer dans ses névroses.
*

Alors comment une petite fille dans ces conditions, peut-elle se construire ?
Comment construire le socle de son être, si au-delà de l'émerveillement pour son papa, Lou a parfois des sentiments de doutes, de craintes et de peur qui la traversent.
Comment une petite fille puisse ériger les premières fondations de sa vie sur la confiance et ses vérités ? Alors qu'elle perçoit son papa en père mythomane, un père silencieux et secret lorsqu'il tait trop de choses surtout sur sa vie d'avant.
Comment une petite fille puisse ne pas s'identifier au père ?
A sa douceur mais aussi à sa violence, celle de ses mots brutaux qu'il crie parfois à son encontre.
*

Lou va alors s'interroger sur ses ressentis nouveaux de peur, d'humiliation et parfois de colère qui remplissent et troublent son coeur débordant d'amour.
L'image comme une icône religieuse de ce père tant adulé, va commencer à se craqueler et se ternir.
Les rapports « clairs-obscurs » qu'elle entretenait avec son papa, vont se tendre pour devenir de plus de plus conflictuels.


La lettre écrite par Lou à son père, qui termine ce beau roman, m'a fait mouiller les yeux.
J'ai ressenti combien les blessures de Lou alors femme, étaient vives. Et combien elles allaient pour longtemps balafrer l'âme de Lou.
*

Merci Blandine Rinkel pour m'avoir autant touché et fait vibrer en parlant de cet héritage filial que chacune et chacun de nous reçoit dès le plus jeune âge.
Car dans le processus naturel des choses, nos parents ne nous transmettent pas seulement une éducation, une morale, un héritage génétique.
Il y a un autre « bagage », celui d'une mémoire consciente ou inconsciente sur des évènements passés sous silence, des secrets de famille.
Une mémoire troublante et perturbatrice qui se transmet de génération en génération et constituent le socle et les fondations de ce que nous sommes.


Il y a en chacun de nous des vieilles morsures et leurs cris de douleurs, laissées par nos pères et les pères de nos pères.
Et c'est à chacun de nous en libérer.


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Je continue ma découverte de l'univers de Blandine Rinkel après avoir lu son roman précédent « le nom secret des choses » paru en 2019. Et me voici tout à fait charmée !

Lou, fille unique, voue une admiration sans borne à son père, qu'elle appelle Gérard et non papa. Gérard est fantasque, joueur, expansif, il prend toute la place à la maison, quand il n'est pas parti en déplacement, laissant Lou et sa maman seules de longs mois. Mais Gérard est aussi prétentieux, menteur et mythomane, infidèle, grossier et carnassier, ce que la petite fille découvrira en grandissant. Bref, Gérard fait la pluie et le beau temps et souffle le chaud et le froid sur son entourage.

J'ai été très touchée par cette relation père-fille toxique. Vers la violence, mais jamais tout à fait, ou indirectement. Il élève Lou dans un contexte viriliste, à la dur, lui apprenant à se battre, à ne rien craindre. Tous les mercredis, ils partent à la boucherie et achètent du cheval, dont ils se régalent tous les deux.

Pourquoi autant de violence contenue chez Gérard ? Quel passé a fait de lui ce qu'il est devenu ?

Bien sûr, une telle éducation n'est pas sans conséquence. Mais Lou s'en sort tant bien que mal en devenant danseuse. Une autre façon d'infliger douleur et rigueur à son corps, mais également de lâcher prise et de vivre loin de tout conformisme.

Lu en deux jours, je n'ai pas vraiment lâché ce roman, si ce n'est pour dormir. J'ai trouvé la plume de Blandine Rinkel efficace, non dénuée de poésie avec ses métaphores animalières qu'elle file au fil des pages. Les personnages sont saisissants et tout à fait incarnés. Et j'ai trouvé ce Gérard crédible, bien qu'il n'ait pas convaincu tous les lecteurs.

Une réflexion pertinente sur les liens familiaux, la transmission et le deuil. Un texte psychologique puissant et brutal, qui frappe les mémoires.

Un grand oui !
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La violence ne se cantonne pas aux coups laissant des hématomes, aux saignements, aux os brisés. La violence peut aussi être plus insidieuse, à travers des mots blessants, des comportements mettant en danger, des humiliations. La violence nécessite d'être analysée et que des solutions concrètes, comme la fuite, soient trouvées, pour permettre aux victimes de s'en sortir.

C'est ce dont nous fait part Blandine Rinkel dans une écriture à la fois sensible et pleine de force, dans un roman écrit à la première personne du singulier, mais dont il est précisé que c'est une fiction.

Lou, la narratrice, est captivante, dans son ambivalence entre amour et rejet du père, dans son évolution de l'enfant à la femme, dans sa passion pour la danse comme exécutoire et torture du corps. La question du deuil impossible suite à la mort d'un enfant est également posée tant dans ses causes que ses conséquences.

Vers la violence a une place à part dans les romans contemporains sur les violences faites aux enfants, car la plongée dans l'horreur est plus limitée que dans d'autres titres, mais c'est bien ce qui donne tout le réalisme de ce roman et son impact.

Blandine Rinkel a écrit un livre nécessaire dont le message mérite une ample diffusion dans un monde où encore aujourd'hui « L'homme est un loup pour l'homme » et peut-être plus encore pour les enfants.

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Portrait d'un père ambivalent, tour à tour ogre cruel et conteur hors pair, enfant à l'imagination débordante ou gosse sadique, Gérard, ancien militaire devenu flic, fascine et impressionne sa famille avec ses allures de patriarche viril et sans peurs. Mais, au fil des années, la confiance et l'admiration aveugles s'effritent pour laisser entrevoir les failles, la lâcheté et l'incessante mythomanie du personnage…

Histoire d'amour et de haine, d'admiration et de désillusions, de joies et de peines, “Vers la violence” raconte la relation abusive d'un père envers sa fille. Abus de pouvoir, abus d'autorité, abus de confiance. Plus mentale et psychologique que physique, la violence est omniprésente chez ce père toujours au bord de l'implosion et peut jaillir à tout moment, entretenant une peur constante chez ses proches. Alors, comment se construit-on et avec quelles armes, quand on a hérité de rien, hormis de “l'absence, la joie et la violence”?

Blandine Rinkel nous offre ici un texte fort et percutant, rendu extrêmement immersif grâce à l'utilisation de la première personne. L'écriture est sublime et apporte une sincérité et une justesse au texte qui ne peut laisser le lecteur indifférent. C'est sombre et lumineux à la fois, torturé et pourtant plein d'amour et c'est la réponse d'une âme meurtrie après des années de souffrance tu. Un roman qui bouleverse et prend aux tripes, bref, j'ai adoré! Et pour celles et ceux qui ont aimé, n'hésitez pas à lire aussi “Sa préférée” de Sarah Jollien-Fardel!
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Lou est une petite fille qui admire son papa autant qu'elle le craint. Ancien militaire devenu flic, ce papa fantasque la fait souvent rire et sait aussi transformer un quotidien banal en moments exceptionnels. Mais son comportement pouvant changer parfois brusquement fait régner une atmosphère pesante à la maison. La petite fille grandit et devient une adolescente qui n'ose présenter son père à ses amis tant son comportement est inattendu et parfois déplacé avec sesproches comme avec ses camarades de classe.
Un portrait dérangeant de par la violence sous-jacente et omniprésente du père de famille qui bouleverse le lecteur. Une enfance troublée racontée de façon malheureusement si vraisemblable. Un roman qui ne laisse pas les lecteurs indemnes parce qu'il rend bien compte de la terreur exercée sur l'entourage quand la violence peut jaillir à n'importe quel moment.
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Pendant l'enfance, « la barbichette » est un incontournable, mais quand Gérard et Lou s'y adonnent ce jeu devient un combat. le premier est le père, la seconde la fille.
« Vers la violence » va nous raconter l'histoire de ces deux-là.
Lou est née de la seconde union du père avec Annie. Il a près de la quarantaine à sa naissance.
Comme toutes les petites filles, Lou est amoureuse de son géniteur et veut l'épouser quand elle sera grande. Gérard ne dément pas. Bien au contraire, il affirme même qu'il « n'y aurait aucun problème » !
D'emblée, le lien qui unit le père et la fille est ambivalent et toxique.
Gérard est policier au commissariat de la Roche-sur-Yon, préfecture très calme de la Vendée.
Pour pimenter sa vie, il imagine des histoires qu'il raconte à sa fille et s'invente un personnage de type sûr de lui et de gros dur flamboyant à la manière du Belmondo du « Magnifique ».
Bref, c'est « un mec, un vrai » et un menteur pathologique qui confie « qu'il a travaillé comme espion » ou encore « qu'il a tué des gens ». Sur tous ces bobards, la fille devra faire silence. Son seul confident sera Ardent, le chien malinois que Gérard s'ingénie à maltraiter.
Pour que Lou soit aussi forte que lui, il l'éduque comme un soldat, l'embarquant dans ses délires, entre amour et violence, à la vie à la mort.
Il l'encourage à pratiquer des sports de combat, à manger du cheval, « potion magique pour les vrais hommes » à propos duquel elle écrit, dans une lettre ultime à son géniteur : « une bête qui pouvait rêver, a fortiori debout, n'était pas une bête qu'on pouvait manger ».
« Magicien », « sorcier de l'univers », « homme-fiction » qui fait sien cet aphorisme d'Einstein : « l'imagination est plus importante que le savoir », c'est ainsi que la gamine baptise son père.
Dans ses yeux, elle devient l'héroïne d'un film d'aventures. Une belle et joyeuse enfance dans un monde merveilleux !
Pourtant, tout n'est qu'imposture. Ou presque, car il y a toujours du positif à tirer d'une telle expérience. Même si on s'en aperçoit beaucoup plus tard.
L'enfant, devenue adolescente, prendra en effet conscience de la malignité de son père et cherchera à quitter cet ogre qui la dévore. La reconstruction passera par la pratique de la danse, art de la maîtrise du corps, par la fuite et par l'amour, moyen de mettre à distance le spectre d'un père obsédé par la mort de ses aînés dont il est responsable.
Mais, malgré son éloignement, Lou ne peut se soustraire complètement à son empreinte. Elle va même jusqu'à reproduire les mêmes manies, les mêmes colères, la même appétence pour la bagarre, la douleur physique ayant la vertu de lui faire oublier son passé.
« J'appris la méchanceté » dit-elle, avouant d'avoir donné des coups dans la gueule du chien.
Plus loin, elle confie que l'empathie lui est étrangère. Plus loin encore, elle confesse des conduites sexuelles à risque, expression d'un rapport au corps mortifère.
Quelle que soit sa souffrance due à une jeunesse entre une mère maltraitante et un père alcoolique ainsi qu'à la culpabilité qu'il tait dans la mort de ses enfants, l'adulte qu'est Gérard n'a pas le droit de mentir à son enfant, de la manipuler, de dicter ses moindres faits et gestes, de la prendre pour un pote auquel on peut tout raconter, de lui interdire de venir à son enterrement, de trahir sa confiance, de mettre sa vie en danger sous le prétexte de l'aguerrir ou encore de lui tordre le bras pour un regard réprobateur.
Pourtant, comme Lou, on ne parvient pas à détester complètement cet homme frustré qui n'est pas à la hauteur de ses ambitions, qui a projeté sur sa fille sa volonté de puissance et qui fait tout pour qu'elle soit invincible afin ne pas finir dans un cercueil comme sa demi-soeur et son demi-frère.
Gérard est en fait un pauvre type, un médiocre incapable de dominer ses pulsions, un trouillard voulant donner le change, un lâche capable de laisser une jument agoniser sans rien faire, un homme dont Lou a honte. Reste la joie qu'il sait si bien infuser dans ses moments d'euphorie.
À l'instar de la relation ambiguë entre le père et la fille, « Vers la violence » n'est pas un livre simple et manichéen. Il souligne combien la vie peut-être complexe et combien les chemins ne sont pas tout tracés.
Avec des phrases tels des uppercuts, le fond et la forme ne font qu'un.
Récit de la transmission et du poids de l'enfance dans la construction de l'adulte, le dernier roman de Blandine Rinkel, à la puissance évocatrice, se lit en apnée comme un parfait thriller.

EXTRAITS
La génération des boomers occidentaux serait composée en grande partie d'idéalistes et d'égocentriques. Gérard était assurément l'un et l'autre.
Est-ce qu'une partie de ma mémoire est coupable de sympathiser avec mon propre père tandis que la seconde serait innocente, victime du même homme ?
Suis-je coupable d'être la fille de mon père ?
Gérard, je ne le réaliserais qu'adulte, vivait dans un huis clos avec ses enfants décédés.
Cette joie, cruelle mais contagieuse, irradia ma petite enfance. […] Cette joie aurait fait passer la violence pour de l'extase.
On ne se remet jamais de la violence qu'on inflige aux autres, fût-ce à un animal. Les coups qu'on donne sont avant tout à soi-même.
Ma candeur prit fin le soir où mon père se mit à me répugner.
La danse, pour moi : une technique de survie.




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