Nous sommes en décembre 1938 à Bruxelles. Thierry Laudacieux a le nez plongé dans un album de « Nick et Rudy », les héros créés par Eddy Morgan. Thierry est débrouillard et futé. Il a ses entrées un peu partout, même à la prestigieuse INR (ancêtre de la RTBF). Isidore Hogier, présentateur vedette du « Rendez-vous musical » fait découvrir au public les nouveautés américaines. Il vit dans l'immeuble dont Madame Laudacieux est concierge. Il est aussi le chef d'un réseau de contre-espionnage, et confie, de temps à autre, des missions à son jeune ami, trop heureux de se transformer ainsi en personnage des aventures qu'il dévore. Cette fois, Hogier est soucieux. Il semble qu'un traître se soit glissé parmi les membres du réseau Madou. Thierry va l'aider à faire sortir la taupe de sa galerie.
A priori, ce genre de bande dessinée ne m'attire pas vraiment. Une émission de la RTBF invite Rivière et Goffin et j'apprends qu'ils ont remanié un volume paru il y a trente-cinq ans déjà. Ils parlent avec enthousiasme, et surtout de la ville qui sert de décor à leur album. C'est cela qui m'intéresse. En effet, les auteurs évoquent des endroits de Bruxelles que je connais bien. le dessinateur rend hommage à l'Art déco, et, même si ce n'est pas l'architecture que je préfère, j'avais fait toute une balade dans la capitale à la découverte des bâtiments évoqués par
Kate Milie dans son roman «
L'assassin aime l'Art déco ».
Dès les pages de garde du « Réseau Madou », j'éprouve un petit pincement au coeur. Elles me rappellent les vieux albums de Tintin lus et relus dans mon enfance.
Ce qui me plaît surtout dans ce volume, ce sont les images de la ville. J'ai l'impression de m'y promener à une autre époque, lors d'un voyage dans le temps.
Alain Goffin s'est vraiment bien documenté et son travail mériterait d'être scruté avec attention, car je suis certaine que chaque planche fourmille de détails que je n'ai pas remarqués au premier abord. Les couleurs sont douces et assez sombres. Elle me plaisent plus que celles de l'oeuvre originale, que je ne connais pas, bien entendu, mais que j'ai pu découvrir sur le Net.
Régulièrement, un seul dessin monopolise toute une page : c'est la couverture des aventures de Nick et Rudy que lit Thierry, l'affiche du concert de Lys Gauty qui orne le mur d'Isidore. Gofffin y adresse un clin d'oeil à des amis (je suppose) Schuiten,
Sokal,
Geluck, Marcolini.
On peut entrevoir le travail d'Eddy Morgan en cours d'élaboration. Des feuillets sont exposés sur son bureau et leur blancheur contraste avec le reste de la planche. Ici, une lettre manuscrite, là une page du journal «
Le Soir ».
J'ai eu l'impression de prendre un délicieux bain de jouvence, avec cette histoire qui m'a fait penser à Tintin. D'ailleurs, n'est-ce pas lui qui attend devant une boucherie ? La boucherie Sanzot, peut-être ? Et aux aventures de Blake et Mortimer.
L'intrigue est maigre et prévisible. Ce n'est pas bien grave. L'intérêt est ailleurs. Ainsi, j'ai particulièrement apprécié les ajouts en fin de volume où des photos et un plan de la ville nous permettent de situer les lieux que Goffin a magistralement rendus. Quelques couvertures de vieux albums que j'ai lus quand j'étais petite (« Pom et Teddy », « Chlorophylle », « Alix »...) et enfin, des endroits de prédilection recommandés par les deux auteurs et qui sont également pour moi des points de chute incontournables : la librairie van der Elst avec les sympathiques Philippe et Martine Dufrenne que je ne manque pas d'aller saluer à chaque passage dans la capitale, le restaurant « La Canne en ville », le musée Wiertz où m'emmenait papa, responsable de bien des cauchemars (la femme enterrée vivante, brrrr, j'en frissonne encore!), et le Mokafé où je passe des heures avec un plaisir toujours renouvelé. Il ne manque que Tropismes...
Cette bande dessinée m'a donc plu.