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EAN : 9781096011071
76 pages
L'éveilleur éditions - Bordeaux (11/02/2017)
3.67/5   3 notes
Résumé :
Démons et déments, publié en 1933, tient à la fois du reportage et du récit : sous la plume d’un Roubaud prêt à tout entendre mais empathique avec les malheureux qu’il rencontre, c’est une galerie de malades mentaux qu’il représente, ayant soin de tenter de leur faire raconter leurs histoires, de recomposer les fragments d’existences ravagées par la maladie.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Voilà une couverture qui m'avait donné envie de lire ce livre, à un moment où l'envie de hurler me semblait la seule solution pour soulager mes tensions !

Quelle bonne idée d'avoir rassemblé en un seul volume les articles de journaux écrits par Louis Roubaud, journaliste, durant l'année 1933 pour le journal « Détective ». Reportages sur la psychiatrie telle qu'elle était envisagée à l'époque... on parlait d'asiles d'aliénés… plongée dans les couloirs des services qui ne diffèrent peut-être pas tant que cela de ceux d'aujourd'hui ! Ses textes reflètent une bien triste réalité, car il a pu approcher le milieu de très très près, grâce à son métier, mais aussi à des connaissances hospitalisées. Les thérapeutiques ont évolué, soyons rassurés tout de même, mais les choses bougent lentement. Pour rappel, « ce n'est qu'en 1985 que l'homosexualité est retirée du manuel diagnostique et statistique des maladies mentales (Diagnostic and Statistical Manuel of mental disorder, DSM) ; seulement en 1991 que l'OMS a retiré l'homosexualité de la liste des maladies mentales, mais c'est seulement en 1992 que l'homosexualité a enfin été déclassifiée par tous les états signataires de la charte de l'OMS. »Il ne s'agit pas de cela dans ce livre, mais c'est pour dire que les choses évoluent LENTEMENT.
Nous allons à la rencontre de personnes qui sont « internées » à tort ou à raison, et traitées selon les moyens de l'époque. Lire certains passages m'a fait froid dans le dos, mais chaque article est très intéressant, et la conclusion de l'un d'entre eux selon laquelle Cupidon est responsable de bien des maux m'a bien amusée... ah l'Amour qui rend fou !

Cette enquête s'est révélée certes instructive à l'époque, mais constitue un témoignage intéressant pour nous aujourd'hui. (cf les quelques citations que j'ai notées)
La fin de l'ouvrage est complétée par une compilation de tous les fameux articles, et les photos n'ont pas forcément été choisies en accord avec l'auteur, mais il faut bien aguicher le lecteur potentiel, et en cela, rien n'a changé aujourd'hui !
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Un ouvrage suranné qui, à l'époque, était d'une grande modernité. Pensez-y. Dans les années 30, passer du temps chez les fous - ou reconnus comme fous - les observer, les écouter, raconter leur histoire sans préjugés. Une démarche admirable qui aurait dû valoir à son auteur une plus grande reconnaissance. Il fut le premier à décrire l'indicible, comme ces malades qui ne sortiront jamais de leur prison, le quartier des mortes, "condamnés à la vie". À travers la récit de Loubaud, on suit les balbutiements de la psychiatrie moderne, l'usage des drogues et des médicaments, l'idée qu'on obtient rien par la violence... et même les prémisses du laconisme avec l'histoire de cet homme qui naît riche et ne l'assume plus parce qu'il se sent néfaste, né-faste. Il est tout à fait fascinant de suivre l'auteur de chambre en chambre, chez ces patients qui ne sont plus eux-mêmes, qui sont possédés mais attention - et là vient l'explication du titre - il est révolu le temps où le fou était le diable. Ne pas confondre le dément avec le démon. Nous sommes en 1930, la séparation de l'église et de l'état devient réalité.
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Le journaliste Louis Roubaud (1884-1941) mena au début des années 1930 une enquête d'abord publiée en douze articles successifs dans la revue de faits divers Détective, puis proposée en un volume à la NRF. Quelques reproductions des pages du magazine en fin du présent ouvrage donnent une idée du caractère racoleur que l'on a voulu donner à ce reportage, par le biais des illustrations en particulier. Pourtant, dans le fond, Roubaud ne cède pas au sensationnalisme. Il entend présenter au grand public un tableau de la situation des asiles et de la recherche sur les maladies mentales dans la France de 1932-1933, ce qui fait bien entendu écho à celui dressé par Albert Londres en 1925 (Chez les fous), et manifeste les changements survenus.

L'enquête de Roubaud se veut scientifique et, de fait, elle est bien documentée. Toutefois, il est un champ lexical qui revient sans cesse : celui de l'enfer et des démons, du feu, de la possession. Ce choix n'est pas anodin, et nuit à l'objectivité du récit, comme le remarquait le docteur Desruelles dans la recension qu'il rédigea en 1933 pour L'Aliéniste français. Bulletin de l'association amicale des médecins des établissements publics d'aliénés.

Roubaud ouvre son enquête par des lettres d'aliénés, manifestant la chute d'un esprit dans la paranoïa, afin de faire entrer le lecteur, comme il l'écrit, dans « la stratosphère de l'esprit ». Puis il dresse les portraits de quelques-uns des 80 000 patients détenus autant que soignés dans les 67 asiles et autres « maisons religieuses » et « hospices ». Tel Dante conduit aux enfers par Virgile (pour reprendre la métaphore infernale), il rencontre et raconte « les types classiques du persécuté, du raisonneur, de l'halluciné, de l'asthénique, du maniaque, du délirant et de l'obsédé ». À Maison-Blanche, il rencontre les aliénées femmes, placées sous la conduite d'une femme médecin, le docteur Pascal, dont il évoque les expérimentations avec des drogues (cocaïne, peyotl, strychnine, éther…) pour suspendre la folie chez les « mortes » (comprenez : les patientes atteintes de démence précoce, qui, pour Roubaud, ont perdu leur « âme »). Il est intéressant de voir que, pour ces femmes, le journaliste comme le docteur Pascal font de l'amour blessé, de la sexualité, du sentiment du péché, l'origine du mal médical. Cela rappelle curieusement les idées romantiques du siècle passé, ainsi que les récits de la Salpêtrière (ce que renforcent les photos issues de cet hôpital à l'époque de Charcot choisies par les éditeurs pour la couverture et les premières et dernière pages du livre ; choix que je trouve contestable, étant donné que le texte de Roubaud se veut une photographie actuelle de la situation).

Le journaliste mentionne aussi le traitement des malades du tréponème pâle (bacille de la syphilis) par la « malariathérapie », autrement dit, l'inoculation de la malaria. Cette maladie, par les fortes fièvres qu'elle engendre, détruit le tréponème ! le contraste entre la prose parfois presque poétique de Roubaud et ce qu'il décrit (salles immaculées, éprouvettes, prélèvements divers, etc., suggérant la grande modernité de la médecine) est ici saisissant.

Cependant, parallèlement à cette recherche de pointe, si l'on peut dire, que valorise l'auteur, il demeure des mauvais traitements, des conditions de vie inhumaines dans certains établissements. Et si Roubaud dément d'abord l'existence de ces internements arbitraires qui ont tant fait parlé et fantasmé depuis le XIXe siècle (pensons à Un beau-frère, d'Hector Malot), il admet la responsabilité des autorités administratives dans la perpétuation de problèmes graves, et cite même l'internement injuste d'un jeune artiste, victime de la rancoeur de sa logeuse, et l'enchaînement glaçant qui permet ce placement en asile d'un être tout à fait sain d'esprit… contredisant de la sorte son apaisante affirmation sur la fin des pratiques arbitraires.

L'enquête se clôt sur une note très romanesque, qui renforce l'impression générale laissée par cette étude journalistique décidément aussi littéraire que documentaire.
Lien : https://litteraemeae.wordpre..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
C’est en 1928 que la doctoresse Pascal tenta se première expérience de « psychanalyse  ».
Certains stupéfiants, pensa-t-elle, comme le haschich, la cocaïne, l’éther, provoquent chez un être lucide une courte folie. Ne pourraient-ils pas déterminer chez un fou une courte lucidité ?
Page57

Suite :
En agissant avec prudence, sans exagérer les doses supportables à l'organisme, que risquait-on?
Ainsi fut tentée l'ascension dans la stratosphère…les prévisions de la savante se trouvèrent réalisées.
Entre la démence et la raison, Melle Pascal dut supprimer les barrages : le mutisme, l'autisme, l'hostilité, l'incohérence. Chacune des agitées du 4e pavillon était bloquée dans son délire. On obtint pendant quelques heures un "déblocage ".En quatre ans, la méthode put être perfectionnée. On étudia le dosage de la drogue miraculeuse, la direction de l'analyse psychique. On utilisa isolément ou en combinaison, l'éther, le protoxyde d'azote, la strychnine, la cocaïne, le haschich, le peyotl comme agents d'exploration.(…)la première dose de stupéfiant éclairait l'âme d'une lueur trop faible ; nous pénétrions dans un délire-labyrinthe, sans fil conducteur. On allait de galeries en galeries. En modifiant la drogue ou en la forçant on parvenait à illuminer le souterrain et à découvrir, enfin, dans sa cachette la mieux défendue, le petit assassin Cupidon.

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Au tranquille quartier numéro trois, j’avais rencontré les types classiques du persécuté, du raisonneur, de l’halluciné, de l’asthénique, du maniaque, du délirant et de l’obsédé. Mais je n’en avais rien appris ; je n’avais observé que les apparences. J’avais vu des fous, et maintenant je voudrais voir… comprendre… la folie !
– Avec votre raison ?
– Oui, docteur, avec ma raison.
– Il y avait un enfant, sourit M. Courtois, qui voulait vider l’océan avec une coquille de noix…

Page51
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– Ce n’est pas un rapport, mais une pétition. J’ai recueilli cinq signatures.
– De quoi vous plaignez-vous ?
– Primo, de ne pouvoir dormir. Germain a radoté toute la nuit. Gorvieux est indécent, il va d’un lit à l’autre, s’assied sur nos pieds et fait un bruit du diable. Toutes les fois que vous donnez du bromure à Marot, au lieu de l’assoupir, ça le fait chanter… Enfin, vous trouverez tout ça dans la pétition. Nous sommes des citoyens comme les autres, malgré notre qualité péjorative d’aliéné, et nous revendiquons notre droit au sommeil nocturne.

Page 37
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N’est-ce pas émouvant de découvrir dans un laboratoire, avec tout l’attirail de la science moderne, un petit dieu olympien parmi les bacilles ?

Ainsi les savants retardent sur les poètes qui, trente siècles plus tôt, avaient déjà dépisté et dénoncé l’enfant criminel, armé de flèches…

Le meurtrier de l’âme… c’est l’Amour.

Page54
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Hormis cinq ou six amateurs de cartes ou d’échecs, chacun ici est isolé. Cent cinquante insociables ne peuvent former une société. Cette foule est une solitude.
Les rares paroles ne sont pas échangées avec un compagnon. Celui qui les prononce n’a de conversation qu’avec lui-même. Bien que leurs lits se touchent au dortoir et leurs coudes au réfectoire, ils vivent, chacun dans sa planète, séparés les uns des autres par de cosmographiques espaces.

Page32
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