La vaste majorité des gens ont été et continuent d’être non pas des citoyens mais des sujets. Tant que notre conception de ce qu’est le politique se réduit aux activités déclarées ouvertement, nous sommes amenés à conclure que les groupes dominés n’ont pas de vie politique, ou bien que la vie politique qu’ils peuvent avoir se borne aux moments exceptionnels d’explosion populaire. Une telle perspective manque l’immense terrain idéologique qui s’étend entre l’inertie et la révolte et qui, pour le meilleur ou pour le pire, constitue l’environnement politique des classes assujetties. C’est se concentrer sur l’arbre visible du politique et ne pas apercevoir la forêt qui s’étend au-delà.
Tout groupe dominé produit, de par sa condition, un “texte caché” aux yeux des dominants, qui représente une critique du pouvoir. Les dominants, pour leur part, élaborent également un texte caché comprenant les pratiques et les dessous de leur pouvoir qui ne peuvent être révélés publiquement. La comparaison du texte caché des faibles et des puissants, et de ces deux textes cachés avec le texte public des relations de pouvoir permettra de renouveler les approches de la résistance à la domination.
Ce n’est que lorsque ce texte caché est déclamé ouvertement que les dominés peuvent reconnaître pleinement dans quelle mesure leurs revendications, leurs rêves et leurs colères sont partagés par d’autres dominés avec lesquels ils n’ont jusqu’alors pas eu de contact direct.
À l'occasion de la publication de HOMO DOMESTICUS. HISTOIRE PROFONDE DES PREMIERS ÉTATS, le magazine Diacritik et les étudiants du Master Écopoétique et Création d'Aix-Marseille Université dialoguent avec JAMES C. SCOTT, historien et professeur de sciences politiques à l'Université de Yale (prochainement en ligne sur Diacritik.com, dans la rubrique "Ecocritik"