La modernité est tellement incarnée par la technologie, si peu par l'humain, qu'on n'aperçoit pas le mouvement en cours. Ça fait vingt ans qu'on répète "l'État social est en train de disparaître, etc...", et certes, des politiques lui sont contraires. Pourtant, les budgets sociaux augmentent, les métiers que vous citez sont en train d'exploser. Le paradoxe c'est que l'État social se renforce, mais par le bas et dans le privé par des associations, des sous-traitants, les auto-entreprises, avec des bas salaires et des temps partiels. C'est vrai jusque dans l'hôpital : l'aide-soignante a remplacé l'infirmière, qui au quotidien, a quasiment remplacé le médecin. Qui remplace l'aide-soignante ? L'ASH, l'agent spécialisé. Et la femme de ménage, elle, est sous-traitée au privé. Donc, à la fois l'État social croît et, en même temps, les métiers font l'objet de restrictions de coûts, d'externalisations...
Donc, il faut changer cet imaginaire de la modernité : c'est le professeur, pas la télé-conférence.
Au sortir de la guerre, gaullistes et communistes, pour accelérer la production, avaient fabriqué une mythologie du mineur de charbon. Eh bien, aujourd'hui, la puissance publique devrait accompagner la montée de ces métiers avec le même effort culturel.
[...] Ce sont des femmes qui rendent la société viable. Elles sont les nouveaux mineurs de fond, qui produisent des services vitaux de la société.
(page 104, entretien avec Pierre Rimbert)
Nous avons espéré, depuis deux siècles, la Liberté, l’Égalité, la
Fraternité, sans forcément les atteindre. Nous avons espéré, pour les plus
ardents d’entre nous, le Grand Soir et les Lendemains qui chantent. Nous
avons espéré, avec moins de majuscules, l’école pour tous, les vacances
pour tous, les soins pour tous, la culture pour tous.
Que nous reste-t-il à espérer, avec eux, d’après eux ?
Le dernier iPhone et la 5G.
« Notre projet est de connecter tous les objets de la maison, annonçait il
y a dix ans déjà la société Violet. On comptabilise aujourd’hui en moyenne
6 000 objets dans une maison dont seulement trois – le téléphone,
l’ordinateur et la télévision – sont connectés. Il en reste 5 997. » On compte
déjà des « baskets auto-laçantes » (avec le « système motorisé Electro
Adaptive Reactive Lacing »), le « soutien-gorge auto-délaçant » (qui se
défait tout seul en cas de désir), la fourchette anti-bâfrement (avec un Slow
Control, qui « vibre discrètement » si vous avalez trop vite), un
« décapsuleur connecté » (afin de « partager votre expérience avec vos amis
connectés »), sans oublier la bouteille d’eau qui vous rappelle de boire, le
bracelet qui vous électrocute en cas de retard, la brosse à cheveux qui vous
conseille les produits L’Oréal, l’anneau au pénis qui mesure vos
performances sexuelles, etc., etc.
Ce n’est pas rien, le travail. On y livre ses meilleures énergies. On y fait un
don de soi. On y offre son temps. Alors, si c’est pour, à l’arrivée, le bâcler,
ce travail, le sens se perd, il s’effiloche, surgit devant soi un immense « à
quoi bon ? ». Ou pire, même : quitter sa journée de boulot avec ce goût
amer, ce dégoût en fait, d’avoir maltraité les vieux, à force de les secouer
pour la toilette, de les presser pour les repas, de les abandonner sur la
cuvette…
Vous voulez dire que, aujourd’hui, ces métiers du lien croissent,
mais presque malgré la société, en catimini, comme une honte ? Alors que
ça devrait être une fierté ?
Parmi les candidats pressentis pour représenter la gauche à la prochaine élection présidentielle, François Ruffin semble se démarquer. Malmené par certains à la FI, Ruffin se prépare malgré tout à entrer dans la course avec une stratégie qui se dessine de plus en plus clairement : fini le bruit et la fureur, place à la modération, au social et à la démocratie.
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