UN MÉLANGE D'INTRIGUE POLITIQUE ET AMOUREUSE AU TRAVERS DE L'OPPOSITION FORTE ENTRE DEUX PEUPLES
Je dois bien avouer que j'étais déjà assez mitigé bien avant d'entamer ma lecture de
The Curse. J'avais à sa sortie ressenti la forte envie de me lancer dans cette nouvelle saga. Seul bémol, je me voyais vraiment mal accrocher à un récit à la troisième personne, que j'ai en horreur quand je ressens le besoin de m'attacher aux personnages. Pourtant ce roman ne déméritait pas dans le sens où son intrigue avait de quoi attirer les fans du genre et où la plupart des retours s'avéraient très positifs.
Quelques pages de tournées et
Marie Rutkoski choisit de dévoiler au lecteur les bases de son récit. En effet, nous faisons rapidement la rencontre Kestrel qui se retrouvera involontairement en première ligne d'une vente d'esclaves. Fille d'un grand général qui a permis à son peuple de conquérir plusieurs contrées, elle n'est pourtant pas aussi dure que pourrait le penser les gens de son milieu. Acheter des esclaves ne l'intéresse pas mais l'un d'entre eux réussira tout de même à attirer son attention. Rebelle et peu docile, Arin possède cette faculté peu enseignée de fabriquer des armes, ce qui pourrait se révéler utile pour son père. Pourtant, c'est une tout autre chose qui poussera la jeune femme à enchérir bien plus que le jeune esclave ne le vaut, les conduisants inconsciemment tous deux dans la « malédiction du vainqueur » : Arin sait chanter. L'art est en effet réservé à son peuple réduit à l'esclavage, les Herranis, et pratiquer d'un instrument est assez mal vu par la société Valorienne qui privilégie un art totalement différent, l'art de la guerre. Pourtant, c'est bien ce qui poussera la jeune femme à enchérir sans forcément réfléchir, passionnée par le piano et intriguée par ce jeune homme qu'elle pense pouvoir apprivoiser. Seulement Arin est un esclave au passé tourmenté possédant une histoire bien différente de ce à quoi elle s'attendait vraiment.
The Winner's Curse est une trilogie dans laquelle son auteur choisit de mêler intrigue politique et romance au travers d'une opposition forte entre deux peuples : les Valoriens, reconnus pour leurs compétences militaires, et les Herranis, caractérisés autrefois par la beauté et l'intelligence mais qui possèdent surtout un fort penchant pour l'art. Les premiers sont les conquérants des seconds, un peuple autrefois prospère dans bien des aspects qui s'est finalement retrouvé colonisé et réduit à l'esclavage. Il faut savoir que ce roman peut être divisé en deux parties, la première portant sur la curiosité que Kestrel et Arin provoquent l'un chez l'autre et qui les amènent donc à se découvrir, la seconde se focalisant sur une révolution qui apporte sa dose d'action et d'adrénaline. L'intrigue mêle donc bien l'enjeu politique à la relation entre l'esclave et sa maitresse - bien que ce terme ne soit pas approprié dans leur relation. Cependant, le tout se fait vraiment de manière progressive, ce qui rend l'histoire de nos deux personnages centraux d'autant plus crédible. Même si on pourrait reprocher à l'aspect romantique de prendre le dessus sur l'univers, cela n'empêche en rien sa richesse. J'ai trouvé l'aspect historique particulièrement intéressant dans le sens où malgré la simplicité du livre en lui-même, il reste un Young Adult qui parvient à sortir du lot, notamment par la mise en avant de l'intelligence et de la stratégie. Même si cette histoire de conquête et de colonisation peut être très facilement reliée à des événements historiques qui se sont vraiment déroulés, on sent un bon investissement du côté des descriptions des combats ou encore des stratégies évoquées, rendant le récit bien vivant. de plus, cette toile de fond sert la romance et la met en avant de manière naturelle : on sent que l'histoire va au-delà de ce qu'il peut se passer entre Kestrel et Arin.
The Curse nous propose des personnages intrigants qui ont amplement leur place dans le récit. Kestrel est un esprit libre qui ne suit pas vraiment les normes de sa condition. de nature douce, elle se voit tout de même obligée de lutter du mieux qu'elle le peut contre des choses qui peuvent provoquer un sentiment d'impuissance : le choix entre le mariage ou le combat que son père lui impose à ses 17 ans et non à ses 20 ans, les bruits qui courent quant à une possible liaison avec son esclave ou encore les divers hommes qui lui tournent autour et qui pourraient lui voler son indépendance, tant précieuse à ses yeux. Ce que j'ai principalement aimé chez elle reste le fait que c'est une jeune personne qui admet ses faiblesses mais réussit tout de même à se démarquer par son intelligence. J'ai apprécié découvrir un coté joueur en elle qui en fait d'autant plus une héroïne crédible qui peut se démarquer. Néanmoins, ses points forts ne sont peut-être pas assez mis en avant par rapport à la manière dont on nous les vante sans cesse. L'auteur nous en fait parfois attendre un peu trop à son sujet et certaines de ses décisions, notamment concernant la révolution, la placent dans un dilemme qu'elle ne semble pas capable de résoudre.
Je suis également lentement tombée sous le charme d'Arin qui est un personnage qui choisit de se révéler au fil des événements, tout comme l'intrigue. Mystérieux aux yeux de Kestrel,
Marie Rutkoski fait pourtant le pari de ne rien cacher au lecteur à son propos, privant le roman d'un suspens qui aurait pu lui tirer profit. Pourtant, cela renforce d'autant plus l'ampleur de son personnage. C'est quelqu'un qui est rempli de contradictions intérieures mais qui nous donne l'occasion de découvrir certains fragments de son passé, qui n'en font pas un simple esclave victime de sa condition et qui témoignent d'un peuple qui menait une vie égale à celle que tiennent leurs envahisseurs sur leurs propres terres. On ressent bien le fait que ce dernier semble intrigué par la jeune femme et le lien qui s'installe entre les deux se fait doucement. On décèle d'ailleurs un sentiment de tiraillement entre les deux cotés. En effet, nos deux héros cherchent chacun à apprivoiser l'autre mais sont pourtant partagés entre doute et confiance. C'est d'ailleurs la possibilité de pouvoir se trouver face à quelqu'un d'honnête envers elle qui pousse Kestrel à baisser sa garde. Pourtant, Arin est loin d'être aussi innocent qu'il n'y parait. de plus, la romance est certes mise en avant, mais elle reste très accessible et naturelle, ne jouant pas sur le cliché. Cependant, il est vrai qu'elle fait de l'ombre à des personnages secondaires peu présents ou du moins peu intéressants puisque peu exploités.
L'auteur nous montre donc une bonne connaissance de l'histoire qu'elle nous conte en la rendant fluide et naturelle. On sent sa forte maitrise que l'on peut notamment rapprocher au point de vue omniscient. En effet, j'avais pas mal de craintes à ce niveau par peur de ne pas rentrer pleinement dans l'histoire, ne pouvant me placer à la place de Kestrel. Pourtant, je me suis littéralement retrouvée embarquée à ses côtés. J'avais le coeur qui palpitait dans les moments cruciaux et des larmes ont même coulé inconsciemment. Finalement, le point de vue omniscient peut se trouver justifié dans ce récit puisque l'auteur ne cherche pas dès le début à nous cacher des choses quant à ce qu'elle a prévu pour ses deux personnages centraux, nous permettant de nous placer tant du côté d'Arin que de celui de Kestrel. de plus, la plume très agréable de
Marie Rutkoski a fait de
The Curse une lecture très rapide à dévorer. Plusieurs reproches sont tout de même possible, notamment une mise en place assez longue et un peu molle qui peut impatienter. L'auteur choisit d'introduire les lieux, personnages ainsi que leur quotidien, pourtant cette attente et cette mise en place m'a semblé établie afin de mieux pouvoir s'en servir par la suite.
Avec un univers et des personnages qui rythment très bien ce premier tome, ainsi qu'une fin qui donne envie d'en découvrir plus sur la suite des événements,
The Curse est sûrement l'une de mes meilleures découvertes de cette année. le choix d'y mêler d'une si bonne manière intrigue politique et romance y est d'ailleurs pour quelque chose.
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