En écho à " Un bruit de balançoire " de Christian Bobin, je me suis régalée en lisant ce très joli recueil ,extrait de " La rosée d'un lotus", peu cher en plus, dont le titre reprend le début d'un des poèmes de Ryôkan.
Moine boudhiste, fantaisiste en son temps ( le 18ème siècle et le début du 19ème ), refusant les conventions, Ryôkan aurait pu être complètement oublié mais Teishin, une noniale beaucoup plus jeune, devenue son amie, a veillé à faire publier ses textes après sa mort.
Ce ne sont pas ici des haïkus, mais des wakas (31 syllabes en 5 vers), des sedôkas ( 38 syllabes en 6 vers) ou des textes plus longs. Ne croyez pas que je sois experte en poésie japonaise, tout cela nous est expliqué dans l'introduction!
J'ai aimé la perception fine des saisons qui passent, à travers les branches fleuries puis dénudées des pruniers, j'ai aimé l'humour, l'auto-dérision dont le poète sait aussi faire preuve, le principe d'impermanence des êtres et des choses qu'il nous laisse entrevoir. J'ai aimé son humilité, sa recherche de sérénité. Tout est à la fois légèreté d'une plume dans le vent et profondeur d'une réflexion zen.
Très attaché à la nature, au sein de laquelle il a souvent vécu solitaire, le poète l'évoque subtilement:
" Allant et venant,
Je le vois sans me lasser,
à Iwamuro,
se tenant dans les rizières,
Ce seul et unique pin."
Une promenade imprégnée de douce mélancolie, de sagesse enjouée aussi, une célébration des fugaces beautés du monde, cela vous tente? Alors, lisez ce livre!
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D'une eau qui s'écoule
on peut arrêter le cours.
Une montagne
que l'on aurait démolie
deviendrait colline.
Que les jours passés finissent
par revenir,
aucun écrit ne l'indique,
nul en ce monde
ne l'a jamais raconté.
Au temps de jadis
on dit qu'il en fût ainsi.
Dans le temps présent,
il en est toujours ainsi.
Dans le temps futur
il en sera tout ainsi.
En toutes façons,
ce qui est irrémédiable,
c'est à coup sûr la vieillesse.
Frondaisons pourprées
qui vous êtes effeuillées
dans l'eau du torrent,
laissez au moins vos reflets!
En souvenir de l'automne.
Dans l'immensité
du ciel ennuagé passe
un vol d'oies sauvages,
leurs ailes toutes blanchies,
sans doute, parmi la neige.
Des choses présentes
Il nous faut uniquement
Avoir le souci :
Point ne revient le passé
Point n’est connu l’avenir.
Voici que là-haut
Voici que là-haut,
sur la colline d’en face,
un cerf se tient solitaire.
L’hiver commençant,
il se tient sous la pluie froide,
tout ruisselant, solitaire.
/ Traduction: Alain-Louis Colas
INTRODUCTION :
« j'habite au pied du mont Kugami
la porte s'ouvre sur la montagne émeraude
si la solitude ne te rebute pas,
viens donc frapper à ma porte au milieu de la forêt » (Ryôkan, poèmes chinois.)
« Ryôkan, de son vrai nom Yamamoto Eizô, est né en 1758 dans le bourg d'Izumozaki […], sur la côte ouest du Japon. […] L'endroit est très prisé par les artistes et les poètes.
[…] Eizô, qui est un enfant plutôt taciturne et solitaire, passe une jeunesse calme et studieuse dans une famille aisée où l'atmosphère est lettrée et religieuse. […] Les villageois le surnomment « Lampe allumée en plein jour » pour signifier son inutilité. […]
En tant que fils aîné il est destiné à succéder à son père comme prévôt du village. Mais il se rend vite compte qu'une telle fonction publique, qui oblige à prendre parti dans les conflits et les rivalités, ne lui correspond guère. […] À dix-huit ans il décide d'entrer au monastère zen Kôshôji […]
[…] Il continue à étudier avec ferveur la poésie classique chinoise et japonaise, et pratique assidûment la calligraphie. […] Il va passer dix années à sillonner les provinces du Japon, de temple en auberge et d'auberge en temple, moine itinérant, unsui en japonais (littéralement libre comme « les nuages et les eaux »). Avec pour tout bien un chapeau de laîche, sa canne en glycine, un havresac et un bol pour mendier sa nourriture. […]
[…] a trente-huit ans, il décide de retourner vivre à Echigo, sa région natale.
[…]
Ryôkan, maintenant âgé de quarante-deux ans, finit par trouver un ermitage inoccupé sur le versant ouest du mont Kugami, à neuf kilomètres au nord d'Izumozaki. Il va y rester vingt années. […]
Ryôkan est continuellement souriant, il émane de lui une grande pureté, une immense joie et une profonde compassion. le rencontrer, c'est, dit-on, « comme si le printemps arrivait par une journée d'hiver obscure. » Un de ses contemporains qui le connaît bien, Kera Yoshishige, le décrit ainsi : « Le maître déborde d'esprit divin qui jaillit de lui comme des étincelles. Sa silhouette et son visage sont ceux d'un saint. Il est grand, longiligne, maigre et pur. Son nez est haut, ses yeux ceux d'un oiseau. » Kera Yoshishige raconte encore : « Le maître a séjourné chez moi plusieurs jours. Tous les membres de la famille se sont apaisés naturellement, une ambiance de paix a rempli la maison, et ce plusieurs jours encore après son départ. Si l'on parle avec lui, on se sent le coeur purifié. le maître ne prêche les soutras ni ne recommande de faire le bien. Il attise le feu ou s'assoit en méditation dans la salle de séjour. Ses propos ne touchent ni à la poésie ni à la morale. Doux et à son aise, sa seule vertu transfigure les gens. » […]
Au sixième mois de 1830, l'été est caniculaire, Ryôkan tombe malade. […]
le 4e jour du 1er mois de 1831 Yûshi (son frère) est de retour. Ryôkan est très faible. le 6e jour, entouré de Teishin (une jeune bonzesse), Yûshi et Henchô, un jeune disciple, assis en contemplation se termine, à soixante-douze ans, le séjour de Ryôkan dans ce monde flottant. Il laisse ce poème en adieu :
que laissé-je en héritage ?
les fleurs au printemps
le coucou en été
les feuilles rouges en automne »
CHAPITRES :
0:00 - Titre
Poèmes chinois:
0:06 - 1er poème
1:03 - 2e poème
1:27 - 3e poème
1:58 - 4e poème
Wakas :
2:21 - 1er waka
2:36 - 2e waka
2:53 - 3e waka
3:09 - 4e waka
Haïkus :
3:23 - 1er haïku
3:34 - 2e haïku
3:47 - 3e haïku
3:58 - 4e haïku
4:10 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE :
Hervé Collet et Cheng Wing Fun, Ryôkan, moine errant et poète, Paris, Albin Michel, 2012.
IMAGE D'ILLUSTRATION :
Hervé Collet et Cheng Wing Fun, Ryôkan, moine errant et poète, Paris, Albin Michel, 2012.
BANDE SONORE ORIGINALE :
Kinshi Tsuruta et Katsuya Yokoyama, Japon - Musique Millenaire - Biwa Et Shakuhachi.
https://archive.org/details/lp_japon-musique-millenaire-biwa-et-shaku_kinshi-tsuruta-katsuya-yokoyama/disc1/02.02.+San+An.mp3
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