Les photographies sont magnifiques, on a l'impression d'être avec les deux promeneurs en train de se balader au fil des mots.
Ils restituent avec brio toutes les émotions et les sentiments qui nous traversent lors d'une promenade.
Offrez-vous une belle rando immobile :)
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Car ces canaux sont des œuvres d'art et comme la plupart des œuvres d'art, d'une fragilité extrême. (...) Nous avons donc progressé avec lenteur, cheminant sur cette étroite bande qui borde la rive aval du canal, parfois simple talus de terre, parfois muret en pierre sèche recouvert d'herbe. L'eau claire serpente, vive, rapide et silencieuse comme une anguille, faisant reluire au fond du lit un fin gravier de granit, de quartz ou de micaschiste, emportant parfois sur son dos comme un esquif la feuille esseulée d'un chêne. Elle longe les prés, les vergers, franchit les barres rocheuses, quelquefois s'enfouit sous l'herbe, ruisselle à travers les brèches, s'infiltre, irriguant tout alentour.
A la sortie de Mélas, on peut entrer sur la voie tout près d'une petite maison de garde-barrière. Comme il n'y a plus de trains, il n'y a plus de barrière, la maison est habitée et une dame blonde en surgit, une bassine en plastique bleu à la main, inquiète de voir deux inconnus s'intéresser d'un peu près à son habitat : elle n'a pas encore fini d'arranger les abords, s'excuse-t-elle, comme si nous étions deux inspecteurs chargés de vérifier si tout est conforme aux lois de l'esthétique.
L'eau du canal alimente les jardins, s'engouffre dans un tunnel pour traverser une vieille bâtisse en pierre qui doit donc être postérieure à la construction de ce canal. Plus bas encore, les maisons du Berthalay sont restaurées et les jardins en terrasse sont emplis d'hortensias bleus ou mauves, de lauriers roses, de tonnelles de clinton ou de baco, de rosiers, d'arbres fruitiers. Un éden qui dégringole de la montagne. Un paradis qui doit son existence au miracle de l'eau.
Nous y sommes accueillis par les patrons qui pourtant, ce jour-là, ne travaillent pas. On nous installe dans la salle à manger, on nous fait asseoir près d'un gros poêle placé dans l'antique et monumentale cheminée, afin de mieux pouvoir nous chauffer et sécher. On nous sert salade de fruit, gâteau au chocolat, café, bref nous sommes invités à partager la fin du repas de nos hôtes.
Un peu plus haut, on tombe sur un gisement de serpolet sur lequel s'abat aussitôt mon couteau. Voilà ce que c'est que cueillir. Plût au ciel que l'on n'en fasse pas autant avec le gaz de schiste.
Entretien réalisé par Julia Cordonnier (montage : Agnès Touzeau)
Jean-Jacques Salgon, « Ma vie à Saint-Domingue », Verdier, 2011.
https://editions-verdier.fr/livre/ma-vie-a-saint-domingue/
Quatrième de couverture :
« Ma vie à Saint-Domingue » raconte une histoire, des histoires. D'abord celle de Toussaint Louverture, génial stratège et héros de la révolte des esclaves dans l'ancienne colonie française de Saint-Domingue, aujourd'hui République d'Haïti, et que Napoléon fit déporter et emprisonner au fort de Joux où il mourut de froid et de maladie le 7 avril 1802.
Celle aussi de ses enfants, Isaac et Placide, qui furent un temps les hôtes de la France (qui les accueillit comme élèves dans son Institution Nationale des Colonies) avant d'y revenir, six ans plus tard, contraints et forcés, assignés à résidence, au moment de l'arrestation de leur père.
Celle de Déguénou, le père de Toussaint, capturé en Afrique et vendu comme esclave. Celle d'Aimé-Benjamin Fleuriau parti de la Rochelle et devenu planteur à la Croix-des-Bouquets, près de Port-au-Prince.
À tous ces destins et d'autres encore se mêlent les propres souvenirs de l'auteur dans un système de réminiscences qui entrent en résonance avec l'histoire qu'il s'efforce de mettre au jour afin, nous dit-il, de se la réapproprier, comme si on l'en avait préalablement privé. Car si – dans les circonstances dramatiques qui continuent de frapper Haïti – le projecteur a été soudain braqué sur ce pays, son histoire et les liens particuliers qui l'unirent jadis à la France sont encore trop méconnus. de ce manque ressenti est donc né un petit livre qui n'est en rien celui d'un historien mais plutôt celui d'un voyageur curieux qui aurait provisoirement choisi d'explorer le temps plutôt que l'espace.
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