Après trois semaines de traversée à bord d'un bateau à vapeur, Adolphe Salmon, Lorrain de naissance, aperçoit enfin New-York accoudé à la rambarde. Il n'a que vingt-six ans, et après sept années d'armée, et avoir travaillé comme vendeur au Bon Marché au rayon textile, il désire s'établir sur le nouveau continent.
Le 3 octobre 1865, le navire accoste enfin. le débarquement et la déclaration de migrant ne sont que de simples formalités, et il se rend dans la Bowery, à une adresse qui lui a été signalée. Il loge dans un immeuble sans confort, sans commodité, mais au moins il possède un toit et ne manque pas de ressources. Non, il n'a pas d'argent, mais des idées. Et il décide de s'installer comme couturier. Il découd une chemise, étudie les différents morceaux, puis à l'aide de tissus qu'il a acheté, il en fabrique des neuves qu'il revend avec un petit bénéfice. Il les propose à des magasins et bientôt le succès est au rendez-vous.
Sur les conseils d'un ami, il achète une machine à coudre et la petite entreprise s'agrandit. Il se procure d'autres machines à coudre, il embauche des couturières, il aménage dans une belle maison, mais pour autant il ne se comporte pas en parvenu. Et il reste célibataire, le travail avant tout.
Néanmoins, il se fait des amis, dont
Léon Meunier, journaliste, et de Louis Lewengood, industriel spécialisé dans la confection de tailleurs, et sa femme Hanne, mère d'une progéniture nombreuse.
Il se rend souvent chez les Legenwood et c'est ainsi qu'il fait la connaissance de Samson Laubheim et de sa jeune femme Sarah, mère d'une petite fille de trois ans, Rosetta.
Cette femme qui porte divinement la robe et étonnamment la culotte n'a que vingt ans et pourtant elle possède déjà derrière elle une expérience de la vie. Elle a accompagné sa mère et ses soeurs à bord d'un charriot jusqu'en Californie, parmi une troupe composée d'hommes ou de familles, à la recherche de l'aventure, de l'or, ou simplement pour s'installer dans un pays édénique, y ont vécu durant quelques années et s'est mariée mais ils ont regagné New-York. Lui est malade et sa santé décline. Si Adolphe Salmon se trouve sous le charme de la jeune femme, il a aussi d'autres idées en tête. Constituer un cercle français comme d'autres migrants, Italiens, Irlandais, l'ont déjà fait.
Salmon est resté Français, très attaché à sa terre lorraine natale et comme bien d'autres migrants, la défaite de Sedan en 1870 le marque profondément. La Lorraine et l'Alsace sont annexées par l'Allemagne, ce qui provoque souvent un éclatement familial, bon nombre d'entre eux préférant rester Français.
Bartholdi
Bartholdi
C'est dans ce contexte qu'il rencontre Bartholdi, jeune sculpteur plein d'avenir, inconnu aux Etats-Unis mais possédant déjà une certaine notoriété en France. L'artiste a pour projet une statue grandiose qui personnifierait la Liberté guidant le monde et servant de point d'attache entre le Vieux Continent et le Nouveau Monde. Pour cela, il faut lever des fonds, et le gouvernement Grant n'est pas chaud pour mettre la main à la poche. Et de plus, il va lui falloir convaincre de placer cette statue sur une petite île, Bedloe's Island, à l'entrée du port de New-York, île qui pour l'heure est une base militaire.
Samson Laubheim se meurt et avant de passer à trépas il demande à Adolphe Salmon, qu'il considère comme son frère, de s'occuper de Sarah lorsqu'il sera décédé. Ce qu'accepte Adolphe, en toute logique, mais sans précipiter les événements. Toutefois, Samson se rend aux eaux, en famille, en Europe, sans réelle conviction, pensant que peut-être il pourrait se refaire une santé. Peine perdue.
Devenue veuve, Sarah accompagne, malgré certaines mauvaises langues, il y en a toujours, au théâtre ou dans des lieux publics. Puis à Paris, car Adolphe, qui se languit quand même de sa patrie, doit rencontrer Bartholdi. le sculpteur ressent comme un coup de foudre lorsqu'il voit la jeune femme. Pas un coup de foudre amoureux, mais celui de l'artiste face à une représentation inespérée de celle qui pourrait personnaliser sa statue. Et si un jour vous avez la possibilité de voir la Statue de la Liberté, immédiatement vous penserez à cette femme qui a posé comme modèle.
Ceci se déroule en mars 1875. La déclaration de l'indépendance a été signifiée le 4 juillet 1776, une sécession entre les treize colonies britanniques de l'Amérique du Nord et la Grande Bretagne. Et cette statue doit être érigée en commémoration de cet événement.
Cette idée d'offrir une statue représentant la Liberté provient d'un homme politique français, Edouard de Laboulaye. Observateur attentif de la vie politique des États-Unis, et admirateur de la constitution de ce pays, il contribua à faire connaître et aimer ces institutions, soit par ses cours extrêmement suivis, soit par ses ouvrages, soit, enfin, en faisant partie de comités d'organisation démocratique. On le voit présider une réunion publique en faveur des esclaves affranchis d'Amérique, à Paris en janvier 1865. Moins connu que Tocqueville, il fut un personnage influent et président du Comité de l'union franco-américaine. Au départ l'architecte
Viollet-le-Duc devait réaliser la structure métallique, en cuivre repoussé, et à la mort de celui-ci, en 1879,
Gustave Eiffel prit la relève. Enfin, la statue put être inaugurée le 28 octobre 1886, après bien des aléas et des contretemps.
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