Un libraire passionné et s'étant donné pour mission (presque sacrée la mission!) de faire connaître à ses clients des maisons d'éditions on ne peut plus confidentielles (ici "La Baconnière") et des auteurs méconnus (
Daniel Sangsue... Oui, oui, je me suis fendue d'une mauvaise blague sur ce nom prédestinant bien plus aux histoires de vampires que de fantômes!), une quatrième de couverture alléchante à base de vieilles pierres et d'âme errante, la promesse d'un texte littéraire et construit comme un hommage malicieux à la littérature... Il ne m'en fallait pas plus pour adopter "
Les fantômes du Presbytère" dévoré en une petite soirée et qui s'est révélé bien plus pétillant que ne laissait présager son austère, quoique élégante, couverture.
Le narrateur de ce texte inclassable et son épouse décident un jour de vendre leur demeure aveyronnaise pour en acquérir une plus vaste, plus à même de leur convenir. Nanti d'un agent immobilier, zélé comme il se doit, ils découvrent et jettent leur dévolu sur une propriété du Lot à faire pâlir d'envie tous les parisiens en manque d'espace et de verdure: un presbytère du XVIII°siècle accolé à une église abandonnée dans un hameau à faire pâlir d'envie "Des Racines et des Ailes",
Stéphane Bern et un collectionneur de cartes postales.
Le couple ne tarde pas à prendre ses quartiers au presbytère et pourrait y couler des jours heureux, sereins surtout, si la demeure ne leur avait pas réservé quelques surprises: chauves-souris ressuscitée, bruits de pas et raclement de chaises... éléments auxquels s'ajoutent un mélancolique cimetière de campagne à la frontière du jardin, des archives relatant des morts inquiétantes et mystérieuses, de sombres légendes de revenants et vous obtiendrez tous les ingrédients d'un roman fantastique des plus classiques.
C'est à partir de là, de cette impression de confort qui s'installe que l'auteur joue sa carte maîtresse et nous fait basculer dans un texte frais, original: notre narrateur n'a pas peur des fantômes, des feux follets ou des apparitions. Bien au contraire, il s'agit de son sujet de recherches. Ainsi lorsqu'il devient évident que le presbytère est bel et bien hanté, il n'a de cesse, avec sa femme, de découvrir l'identité du mystérieux esprit frappeur par curiosité et par bonté d'âme aussi: cette pauvre âme, il faut bien la libérer... Hélas, trois fois hélas, le fantôme n'est si coopératif que son tapage nocturne ne le laissait supposer et les époux devront trouver seuls la clef du mystère... Peut-être dans ce journal exhumé de l'appentis...
Dans une langue classique mais si riche et d'une désuétude joueuse, gourmande et savoureuse ("vistemboir", si ce n'est pas un mot à faire rouler dans sa bouche comme on ferait rouler un galet gorgé de soleil dans sa main...)
Daniel Sangsue file un récit réjouissant qui se joue des codes de la littérature de genre avec affection et qui s'érige en hommage réussi à la littérature. Impossible en effet de ne pas penser à
Oscar Wilde et son délectable "Fantôme de Canterville", à
Calvino. Impossible non plus de ne pas songer à
Bernanos et au "
Journal d'un Curé de Campagne", à
Zola,
Proust ou
Balzac!
Pour autant "
Les fantômes du Presbytère" n'est ni pompeux ni précieux et déborde au contraire d'humour, voire d'une ironie réjouissante...
Un roman inclassable, pétillant et érudit.
Un drôle de machin, un choinque, un vistemboir en somme.