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sur 1329 notes
Boualem Sansal est un écrivain et intellectuel algérien éclairé, qui ne craint pas d'afficher haut et fort ses convictions humanistes et laïques. Son dernier livre, 2084 - La fin du monde, se présente comme un conte philosophique pessimiste.

Il reprend, plus de 60 ans après, les thèmes prophétiques de 1984, le fameux roman d'anticipation de George Orwell, que j'ai lu il y a bien longtemps et dont des éléments marquants me sont restés en mémoire : Big Brother ; le novlangue, langue de bois simpliste imposée à tous pour éviter la moindre critique subversive ; le télécran, outil de propagande et de vidéo-surveillance installé dans chaque foyer. A l'époque, début de la guerre froide, l'ouvrage dessinait le stade ultime d'un pays évoluant sous idéologie totalitaire hitlérienne ou stalinienne, modèle aujourd'hui réduit à la seule Corée du Nord, qui reste loin de disposer des moyens technologiques imaginés par Orwell.

Le roman de Boualem Sansal prend place en Abistan, un empire théocratique qui aurait éliminé tous ses ennemis. La religion unique et omnipotente n'a même pas de nom : l'homme du commun ne peut pas imaginer qu'il pourrait ou aurait pu y avoir d'autres religions, elles ont toutes été éradiquées depuis très longtemps. La foi, enseignée dans des "Mockbas", est professée par le précepte "Il n'y a de dieu que Yölah et Abi est son Délégué"... Toute similitude ne saurait être que fortuite !... L'intégralité de la connaissance est écrite dans le Gkabul, le livre sacré, en abilang, la langue officielle dont la grammaire et le vocabulaire très limités ont pour vocation d'être ânonnés dans des formules toutes faites, toute velléité de s'exprimer et même de penser différemment étant considérée comme un acte blasphématoire passible de condamnation à une mort dans la souffrance. Les nombreuses exécutions collectives, auxquelles il est obligatoire d'assister, sont d'ailleurs les seules distractions offertes au peuple. L'Appareil et la Juste Fraternité veillent au grain...

Dans ce monde fort sympathique, un homme commence à douter et à réfléchir, sans que cela se sache trop ; il finit par découvrir quelque secrets sur les civilisations antérieures à 2084 et disparues – ou peut-être pas disparues ! –, sur les fondements du régime et sur les motivations des puissants.

Le livre est magnifiquement écrit : vocabulaire foisonnant, syntaxe à la fois précise et flamboyante, coloration de fable orientaliste, humour affleurant. La première partie du livre est savoureuse de cocasserie. En revanche, la fin du roman m'a déçu ; j'ai eu le sentiment que l'histoire ne menait nulle part. Peut-être est-ce juste le message de l'auteur : l'Abistan, un pays sans passé, sans futur, sans ailleurs… la Mort !

Après les monstrueux événements survenus à Paris le 13 novembre (pendant que je lisais 2084) et revendiqués par un ridicule et répugnant communiqué que l'on dirait rédigé en abilang, il est salutaire de découvrir les images absurdes et macabres de l'Abistan, préfiguration du califat auquel certains voudraient nous soumettre...

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Une belle écriture, mais un récit qui n'aura pas réussi totalement à m'immerger dans cette théocratie futuriste qu'est l'Abistan, prospective d' un monde né de l'usage paroxystique de la religion et du livre comme ressorts principaux de la domination des peuples. Il m'aura manqué quelques rebondissements d'une histoire assez linéaire au demeurant et plus de réalisme pour me convaincre que l'homme survivrait à plusieurs conflits nucléaires globaux. Certes, le propos de Boualem Sansal dans 2804 la fin du monde n'est pas de décrire une société post apocalyptique, plutôt de pousser à l'extrême la caricature du radicalisme religieux et de démonter les mécanismes qui mènent inévitablement les fanatiques à l'élimination de tout ce qui dévie d'un prétendu message divin.
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Alors 2084 - 1984, en cent ans : des progrès ? Non vraiment. Pas mieux ! Toujours l'exploitation de l'homme par l'homme, ou le contraire. On tourne en rond. Le progrès, inutile d'en parler. Une hérésie dans le monde créationniste de 2084 : pas d'évolution, la perfection étant l'état originel. Les Shadoks pédalaient toujours. Quand ils ont vu qu'ils n'avançaient pas et ne reculaient pas non plus, ils eurent l'idée de pédaler à l'envers !

C'est bien écrit. Le rythme est toutefois lent, en accord avec un univers figé. Beaucoup de répétitions. Nombreux extraits du Livre pour marquer le lancinant endoctrinement ! Quant à l'histoire, ce n'est qu'après beaucoup d'errements, suite à une maladie inopinée, à l'isolement aux confins de l'Empire dans un sanatorium, que le singulier Ati découvrira qu'en fin de compte quelques clans privilégiés tirent en sous-mains les ficelles à leur plus grand profit. (Phrase trop longue, à oublier). Pourquoi faut-il toujours qu'un petit nombre s'arroge le droit de détenir et défendre la Vérité (d'imposer leur volonté) ?

Bref, on pourrait en faire des tonnes sur le sujet. Je vous en mets juste un kilo. Mille grammes pour être très précis ! Ah, l'expérience de Milgram : le soulagement de la soumission à l'autorité ! https://fr.wikipedia.org/wiki/Expérience_de_Milgram Car la vérité et le mensonge n'existent qu'à partir que l'on y croit. " Dans le but de créer une cohésion sociale, La Vérité n'est rien d'autre qu'un Rubik's cube manipulé par quelques "malins" pour présenter à chacun une face uniforme dont la couleur varie en fonction de la position occupée dans la société !" *

Alors vive le meilleur des mondes ! Euh .... non, non, pas mieux !

Les trois livres méritent d'être lus. Ils posent tous les trois le triste diagnostic d'un monde de plus en plus normé, aliénant toujours plus les individus, réduisant à la portion congrue leur liberté individuelle. Quant au remède ... ???

* Krout citation 13 juin 2016
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« Dormez tranquilles, bonnes gens, tout est parfaitement faux et le reste est sous contrôle »
Le passé n'existe plus, le futur est incertain. Quant au présent, et bien, il n'est pas folichon, c'est le moins qu'on puisse dire. Je ne voudrais vivre ça pour rien au monde.
Cent ans après "1984 de maître Orwell", Bigh Brother, c'est de la rigolade. C'est une société corsetée, avec une surveillance renforcée, hyper ciblée, une atmosphère inquiétante, une misère atroce, des gens qui passent leur temps en dévotion ( 9 prières quotidiennes !!! ) et qui n'ont donc plus de temps pour réfléchir.
Et tout ça pourquoi ? Pour suivre les préceptes religieux de Yölah et d'Abi, son délégué. Pire qu'un retour au Moyen-Age...
Beaucoup d'acronymes qualifient la société : le Samo ( Santé morale ) ; EPD ( Ecole de la Parole Divine ) ; les Joré ( Journées de la Récompense ) etc, etc...
Le radicalisme religieux dans toute son horreur.
Vous avez envie d'avoir peur, vraiment peur ?
Lisez ce livre...
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(A)BIGAYE VOUS OBSERVE !

2084... C'est «une date fondamentale pour le pays même si nul ne savait à quoi elle correspondait» lit-on. Ainsi en est-il en Abistan, le pays d'Abi, le représentant - dire : son délégué - de Yölah sur la terre.
A force d'oubli et de soumission, d'obéissance et de foi en une seule et unique vérité - Celle d'Abi - les êtres humains vivent une vie sans passé ni avenir puisque tout se fond dans cette logique inouïe transmise par le Délégué aux croyants via le Gkabul, rédigé en Abilang, la novlangue devenue universelle et obligatoire (toute autre langue étant interdite et punissable de la peine de mort à qui en use... Comme tant de choses devenues interdites, d'ailleurs), captivante et hypnotique avec ses mots dépassant rarement deux syllabes, constatant que seul un appauvrissement forcené mais raisonné du langage pouvait permettre l'abrutissement et la soumission des masses...

Dans cet Abistan désormais sans autre Frontière que strictement fantasmatique, puisqu'à force de Guerres Saintes répétées et généralisés, de génocides d'une ampleur jamais atteinte jusque-là, ce nouveau pouvoir théocratique semble avoir colonisé l'ensemble de la planète (en tout cas, ce qu'il en subsiste après quelques lâchés substantiels de bombinettes nucléaires). Malgré l'immensité uniforme de cette géographie politique remaniée de fond en comble, il n'est cependant pas possible de se déplacer sans sérieuse autorisation. Pour le petit peuple, le seul espoir de voyage réside dans la possibilité de participer à l'un des pèlerinages organisé sans discontinuer par le pouvoir vers les multiples lieux saints visités par Abi avant qu'il s'installe définitivement dans la Cité de Dieu, au coeur de la capitale de cet empire d'un nouveau genre, l'immense Qodsabad. Et encore, les demandeurs peuvent-ils souvent attendre une vie entière sans jamais obtenir satisfaction...

Ce ne fut en revanche pas le cas d'Ati, trentenaire dans l'un des innombrables districts de cette capitale gigantesque et inconnue de ses propres habitants, petit fonctionnaire sans importance et qui va se retrouver dans l'obligation de voyager, loin, très loin vers une forteresse ancienne sise en un point culminant et transformée en sanatorium, car Ati est tuberculeux, et la maladie est devenue en quelque sorte si honteuse qu'on se débarrasse ainsi de ces patients - la plupart n'en ressortent jamais tant les conditions de survie y sont déficientes -. Mais Ati va s'en sortir. Et pas seulement en guérissant de sa maladie, mais en guérissant, en quelque sorte, de cette croyance abêtissante car troublé par les populations si diverses et parfois encore peu déculturées qu'il va y croiser, mais plus encore par le dur et désolé chemin de retour (il ne se souvient plus guère de l'aller) durant lequel il va contempler des paysages presque entièrement vides et surtout faire la rencontre d'un important ethnologue qui vient de pratiquer des fouilles dans un village qui, semble-t-il, remettrait totalement en question les préceptes de la foi en Yöla et dans les enseignements de son Délégué.

Malgré sa grande naïveté, et même, plus souvent encore, à cause d'elle, Ati va faire le chemin vers une certaine lumière intérieure et détachée des illusions de la croyance, tout en se trouvant mêlé, lui et son ami Koa, petit fils d'un Mockbi - un religieux - célèbre pour avoir créé la formule "La mort, c'est la vie", et lui aussi en pleine déshérence dogmatique, à un terrible et machiavélique complot ne concernant véritablement que les Honorables - les vrais gouvernants du système - et leurs proches familles, bien que les conséquences mortelles sur la population soit à peu près certaines.

Par delà la référence sans aucune équivoque au célèbre 1984 du britannique Georges Orwell, c'est la description d'une véritable contre-utopie d'un nouveau genre que nous donne à découvrir Boualem Sansal. On se souvient qu'Orwell s'effrayait, à juste droit, de la montée et du fonctionnement des dictatures de type communistes - URSS stalinienne en tête -, dont il avait déconstruit et expliqué le terrifiant fonctionnement. Cette fois, c'est donc le portrait sans concession d'une théocratie jusqu'au-boutiste, intolérante, despotique, universelle et, semble-t-il, irréversible tant les moyens qu'elle met en oeuvre structurellement et conjoncturellement lui donnent le droit se penser éternelle. Ainsi serait atteint, pour le pire et le plus abominable, ce rêve dément de la fin de l'histoire... Voici, pour illustrer ces propos ce qu'en dit d'ailleurs l'auteur :

"Non pas une dictature de 'bricolage', confinée aux pays de l'Orient (comme l'Iran ou l'Afghanistan), mais une dictature universelle, nourrie par un islamisme de type occidental, organisé, avec des têtes carrées, des infrastructures intellectuelles et industrielles, et qui s'appuie évidemment sur l'énergie et les moyens du monde musulman. Au squelette de 1984, j'ai greffé certaines méthodes empruntées à Hitler et à quelques grands dictateurs, auxquelles j'ai ajouté, religion oblige, un zeste de surnaturel, tels ces êtres télépathiques qui captent les mauvaises pensées."

On s'en souvient, ce livre sortie en cette année 2015, par beaucoup, considérée comme une "Annus Horribilis" tant la vague d'attentats, d'abord ceux de Charlie Hebdo et de l'hyper casher, au mois de janvier, puis ceux du Bataclan et de l'Est parisien en Novembre remuèrent, à juste titre, la population. Lorsque ce livre, 2084 - La fin du monde sorti, il était évident qu'il ferait "le buzz", tant sa problématique rejoignait une actualité douloureuse, faite d'innocentes victimes tant occidentales que plus lointaine, DAECH monopolisant régulièrement la presse et les conversations. Notons qu'un autre ouvrage publié cette année-là retint aussi l'attention des critiques et des lecteurs dans un domaine proche, le Soumission de Michel Houellebecq, aux papiers médiatiques plus inégaux que pour 2084.

Deux ans plus tard, si les drames de cette année-là sont toujours dans nos mémoires meurtries, le soufflet lié au déferlement de chroniques encensant l'ouvrage du journaliste, essayiste et romancier algérien est un peu retombé et la lecture ne peut en être que plus objective, moins immédiatement passionnée.

Ce qu'il en reste, c'est un ouvrage étrange, un peu trop fabriqué, très dense par la réflexion qu'il inspire et qu'il prétend décrire mais aussi d'une lecture par moment relativement rébarbative, sans enthousiasme ni relief dramatique véritablement prenant, ressemblant de fait, bien qu'avec un propos exactement inverse, aux textes utopiques qui firent florès, pour d'autres motifs, au tournant du XIXème siècle et du XXème. Dans ces ouvrages - que l'on songe, par exemple, au déroutant Cent ans après de l'américain Edward Bellamy - la trame narrative n'est présente que comme vague faire-valoir à un discours, une démonstration qui apparaîtrait comme bien plus technique, sèche, accessible à un public restreint si l'auteur s'était contenté d'en faire un classique essai. Or, l'un des buts que se fixe Boualem Sansal est de mettre en garde le plus grand nombre face aux dangers inhérents à cet Islamisme radical qui ronge nos sociétés, les déséquilibres, y portent le fer et le sang.

Sous cet optique-là, cet ouvrage est indéniablement une réussite, tant il parvient à démonter, à disséquer cette machine totalitaire d'un nouveau genre, qui trouve ses racines dans ce qu'Orwell décrivait déjà dans son ouvrage le plus connu, mais qui a appris, ici et là, des expériences dramatiques plus récentes. Ainsi, est-il impossible de lire 2084 sans songer, à de nombreux instants, à l'Iran de L'ayatollah Khomeiny et ses véritables polices de la pensée et des moeurs, sans songer à l'Afghanistan des Talibans ni, bien entendu, à DAECH et à tous ces mouvements sectaires qui se réclament de l'Islam. A tous ces -ismes religieux et radicaux quels qu'en soient les origines, si l'on veut donner à ce texte une portée plus universelle.

Ce serait, en revanche, une bien mauvaise idée que d'accuser M. Sansal de faire le procès de l'Islam dans son ensemble. le narrateur le rappelle à plusieurs moment du roman : si cet "Abi" ainsi que les Honorables se sont inspirés d'une religion qui a échoué (et dans laquelle il n'est pas difficile de reconnaître la religion mahométane), il est absolument clair que c'est la dérive et l'utilisation à des fins déshumanisantes, arbitraire, délirantes de l'Islam qu'il condamne ici sans la moindre réserve. Et seulement cela. Mais cet homme qui a vécu cette véritable guerre ayant eu lieu entre le pouvoir algérien en place depuis les Accords d'Evian et les islamistes du GIA dans les années 90 sait, ô combien, comme cette utilisation mortifère d'une religion (on parle d'au moins 60 000 morts, on annonce parfois jusqu'à 150 000, sans oublier le million de déplacés : une véritable guerre civile), la sienne en l'occurrence, est catastrophique et définitivement dangereuse. Son "expertise", même si elle s'exprime volontairement par le biais de la fiction, peut être prise avec un certain sérieux, non dénué de sarcasme. N'avertit-il point ainsi le lecteur par cette phrase, après avoir expliqué que l'oeuvre à suivre est «de pure invention» : «Dormez tranquilles, bonnes gens, tout est parfaitement faux et le reste est sous contrôle.» Manière terrible aussi de rappeler et de moquer toutes ces lois d'exceptions et autres états d'urgence instauré ici et là à fin de contrer cette percée des extrêmes... sans que le résultat puisse être invariablement convainquant.

En revanche, et nous en terminerons ainsi, c'est dans son aspect purement littéraire où le bât blesse. Certes, il n'y a pas grand chose à redire du style de Boualem Sansal. Celui-ci est d'une efficacité parfaite dès lors qu'il s'agit de décrire les dérives et autres moyens d'actions psychologiques ou physiques de cette religion extrême. Quant au niveau de langage, à l'exactitude du français employé, ils ne déméritent pas du prix qu'il a reçu en son temps : le Grand Prix du Roman de l'Académie Française. C'est en revanche du côté de la trame narrative elle-même que ce texte pêche. Autant on demeure fasciné par la précision et la foule de détails concernant les modes de gouvernance abjects de cet état totalitaire, autant on peine à suivre ce gentil personnage d'Ati - un véritable Candide parmi un peuple de scélérats, de monstres et d'hypocrites. L'auteur ne cache d'ailleurs pas son admiration pour le grand Voltaire -, sans grande personnalité, sans vrai relief, et encore n'est-il point le plus mal loti car c'est encore bien pire des seconds rôles, Koa en tête. le lecteur suit donc ce parfait anti-héros sans vraiment s'y attacher, sans croire franchement à ses innombrables mésaventures, sans s'intéresser autant qu'il le faudrait à son propre cheminement intérieur qui semble, la plupart du temps, n'être qu'un prétexte facile à la démonstration plus générale. En un mot comme en cent, on est souvent à deux doigts de s'ennuyer - d'aucuns semblent le penser carrément -, n'était la fascination exercée par ce monde inventé, mais pas sans référents, que nous donne à découvrir ce romancier dont on peut cependant affirmer qu'il est de premier plan, ainsi que d'un courage incroyable lorsque l'on sait les risques qu'il prend à écrire un tel volume. Que d'aucuns en Algérie et ailleurs ont déjà payé de leur sang...

La référence au 1984 de Georges Orwell était peut être nécessaire. Elle est sans doute l'une des cause de ce hiatus entre les attentes des lecteurs et la différence évidente entre le texte d'hier et celui d'aujourd'hui, au détriment de ce dernier. On préfère toujours l'original à la copie (même si ce roman est loin d'en être seulement une). C'est fort dommage car le message que tâche de nous faire passer Boualam Sansal demeure des plus vifs, cruciaux et actuels. Espérons que le paquet qui l'enrobe ne prenne pas trop vite un coup de vieux, le contenu méritant qu'on s'en souvienne encore longtemps... Hélas.
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Fonctionnaire tuberculeux, Ati a vaincu le mal dans un sanatorium perdu dans la montagne. Après un an de voyage, il rentre chez lui à Qodsabad, capitale de l'Abistan. Reçu en héros pour avoir bénéficié du soutien de Yôlah, le dieu unique, et d'Abi, son délégué sur terre, l'employé de mairie aurait pu vivre heureux dans la béatitude de la croyance inconditionnelle si son séjour dans les montagnes n'avait pas écorné sa foi. Alors que, comme tout le peuple d'Abistan, il était jusque là soumis au système de pensée imposé par Abi, la Juste Fraternité et l'Appareil, Ati vit désormais avec le doute et la peur d'être découvert. Car en Abistan, rien ne peut être caché bien longtemps. Mécroire est puni de mort et les V sont capables de lire les pensées les plus intimes. Mais plus rien ne peut arrêter Ati, surtout quand il découvre en Koa, un compagnon qui partage sa quête de la vérité. Hors les murs de Qodsabad, des gens vivent sans le soutien de la religion. S'ils existent, il y a peut-être un autre monde, au-delà des frontières de l'Abistan...un monde libre !

Attention ''chef-d'oeuvre'' ! ''Récit plein d'inventions cocasses'' ! ''Fable puissante à l'humour ravageur'' !
Peut-être mais ce n'est pas visible au premier coup d'oeil. 2084 qui se veut un hommage au 1984 d'Orwell n'en a malheureusement pas la puissance. Il s'agit ici d'un récit long, répétitif et ennuyeux qui manque de moelle. Son Ati, sans substance, sans génie, promène ses questionnements dans un monde désincarné lui aussi. On découvre, l'oeil morne, cet Abistan sensé nous effrayer. Pas très surprenant ce monde où la religion domine tout. L'Islam n'est pas nommé mais c'est bien lui et ses dérives radicales qui sont décrits. Les femmes corsetées voilées, cachées, la vie des hommes dictée par des préceptes rigides, la surveillance constante, les interdits omniprésents, les dénonciations, les exécutions publiques, etc. Où sont la création, l'inventivité, l'imagination ? Les talibans ont obligé afghans et pakistanais à vivre ainsi, ce n'est pas de la fiction ! La dictature, religieuse ou autre, se construit toujours sur les mêmes bases : réinvention du passé, culte rendu à une personne ou à un dieu, règles strictes, contrôles à chaque instant, maintien des populations dans la peur. En cela, ce livre n'apporte rien de plus. Et, si l'écriture est belle, toutes ces phrases mises bout à bout finissent par lasser au-delà du supportable. Boualem Sansal a écrit avec sa tête et non avec ses tripes et c'est là que le bât blesse...
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Ati vit en Abistan. Enfermé dans un Sanatorium pendant de deux longues années, il revient à son ancienne vie. Depuis quelques temps, des doutes l'assaillent : s'il existait bel et bien une frontière, sin son monde n'était pas celui qu'on apprend dès le plus jeune âge, si l'Appareil et la Juste Fraternité ne disaient pas toute la vérité...
Roman complexe et bien construit, cette dystopie nous pousse à réfléchir et à faire inévitablement des rapprochements avec notre propre histoire. Malgré quelques passages assez ardus, j'ai aimé l'écriture de Boualem Sansal et sa façon particulière de dépeindre un monde en perdition...
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Tout commence aux confins de l'Abistan où Ati, le personnage principal, est soigné dans un sanatorium. Mis à l‘écart de la société, il va se questionner et remettre en doute les fondements du système en place, soit un état unique dirigé par une religion totalitaire, où toute remise en question, contestation se termine en exécution.
Après sa guérison il rencontre Nas, un fonctionnaire qui partage ses doutes, et ensemble ils se lancent dans une quête de la vérité.

La première partie du livre est une longue, mais alors longue présentation de l'état Abistanais. Il faut s'accrocher. J'ai trouvé les phrases interminables et la lecture fastidieuse. Très peu de dialogue, et des descriptions à n'en plus finir.
La deuxième partie nous met sur les traces d'Ati et de sa recherche de la vérité, s'il en est une, dans un monde conformiste ou chaque faux pas est sanctionné. Un état dystopique que l'on aime détesté, dont il découvre les manipulations et les intrigues.
L'écriture est belle, mais on reste extérieur à l'histoire, on reste dans la narration avec très peu d'interaction ce qui nous laisse spectateur et non acteur, dommage.
J'aurais aimé que l'action du livre commence plus tôt, et que l'auteur nous plonge dans le récit de l'intérieur.
J'ai ressenti ce récit comme une mise en garde vers un avenir pas si imaginaire que cela.
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Un bel hommage à Orwell que ce remake de 1984. Mais pour moi la filiation entre les deux romans s'arrête là.
Si dans le premier la vision apocalyptique d'une société où l'homme ne serait plus qu'un des rouages aveugles d'une système kafkaïen,se coule dans une narration qui tient le lecteur en haleine, dans le second, rien de tout cela.
J'ai l'impression que l'auteur n'avait pas vraiment su choisir entre l'essai et le conte philosophique dont il emprunte pourtant les codes. Après un début de roman un peu poussif où il plante le décor : celui de l'Abiland, à aucun moment je ne me suis vraiment sentie happée par le récit des pérégrinations de Ati, le personnage principal.
Pourquoi me direz-vous ? Tout simplement parce que le récit n'a jamais le rythme endiablé, la légèreté et la force satirique qui anime les tribulations du Candide de Voltaire par exemple.
Bien sûr, Boualem Sansal sait aussi abandonner les effets de manches un peu trop appuyés au profit des clins d'oeil au lecteur (entre autres, le S21, Bigaye, les Sept Soeurs de la Désolation...) mais je n'ai jamais retrouvé l'ironie mordante que j'avais tant appréciée dans le village de l'Allemand.
Même si je rends hommage à Boualem Sansal pour son engagement, son courage politique et sa volonté sans failles de lutter contre l'obscurantisme religieux, se pose, pour moi, une fois de plus, le problème des grands prix littéraires et des critères auxquels ils répondent car ils me semblent parfois trop éloignés des qualités d'écriture intrinsèques de l'ouvrage.
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S'attaquer à un monument de la littérature d'anticipation tel que 1984 en cherchant à le remettre au goût du jour et des nouvelles formes qu'ont pu prendre les oppressions et les pouvoirs dictatoriaux de notre début de 21ème siècle, tel est le pari tenté ici par Boualem Sansal.

Pari plutôt réussi car on lit avec plaisir ce roman et on se plait à relever les ressemblances et les ajouts, à dresser les parrallèles et à pointer les divergences. On voit vraiment que Sansal parle d'où il est, un algérien du 21è siècle, ayant vécu les années noires du terrorisme algérien, le pouvoir en place et son éternel auto-renouvellement, la montée du radicalisme religieux. Mais ce livre n'est pas qu'une critique de la politique algérienne des dernières décennies. Sansal y ajoute aussi toutes les dérives constatées ailleurs et fait de l'utopie futuriste et technologique oppressante d'Orwell une toute autre lecture, à découvrir par vous même au risque de trop en dire.

Des bémols il y en a deux principaux. D'abord une tendance à aligner, dans les débuts du roman surtout, des mots inutilement compliqués là où plus de simplicité serait davantage dictée par le caractère général du héros principal. On a presque tendance à croire que Sansal, effrayé par la tâche, a voulu montrer sa maîtrise d'un vocabulaire recherché par peur de la comparaison. Le deuxième bémol était dans mes souvenirs le même que l'on pouvait faire à Orwell: une difficulté à s'attacher à des personnages surtout présents pour illustrer un propos de dénonciation des dictatures passées, présentes et (on ne l'espère pas) futures. L'incarnation fonctionne à certains moments mais moins quand la démonstration se fait trop philosophique.

Bref, un beau travail de réécriture, tout en respect de l'oeuvre originale mais sans aucun plagiat, plutôt en hommage et en avertissement renouvelé sans doute nécessaire dans nos temps troublés !
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