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Un énorme coup de coeur pour ce court roman à l'intrigue et la trame totalement prévisibles, pourtant mené à son terme avec une maîtrise époustouflante de la narration : Mohamed Mbougar Sarr entremêle impressions sociétales sénégalaises et culture littéraire française dans un passionnant récit d'un homme qui, tout réfléchi qu'il soit, ne peut s'absoudre des passions qui l'agitent subitement alors qu'il visionne une vidéo du cadavre d'un homme déterré par la foule.

Un subtil cocktail où l'hypocrisie est l'apanage de tous tandis que le repli identitaire refoule ou réécrit une histoire réelle qui est tout autre...Un très beau roman sur la perception de l'homosexualité, et de fantastiques pieds de nez de l'écrivain qui anticipe et décrit minutieusement dans son texte même les réactions de la société sénégalaise auxquelles il va devoir faire face lors de la sortie de son livre.

J'ai également acheté son autre ouvrage qui a remporté le prix Goncourt et que je n'ai pas encore lu, mais il ne doit surtout pas faire de l'ombre à cette petite pépite ! A lire, relire, et à faire lire !
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Dans quels cas lire ce livre ?
Parce que ce roman dénonce et gène. Parce que Mohamed Mbougar Sarr a dû rendre des comptes pour avoir écrit et porté un tel texte. Parce que la littérature qui dérange est toujours une littérature courageuse.
Ndéné Gueye est professeur de littérature à l'université de Dakar quand il voit une vidéo virale dans le pays : une horde de sénégalais déterre un cadavre au motif que l'homme en question était homosexuel et n'avait, par conséquent, rien à faire dans un cimetière musulman.
Si sa première réaction est l'indifférence, Ndéné se retrouve obsédé par ces images et par l'identité de cet homme à qui la dignité était refusée jusque dans la mort.
A s'intéresser à son sort, à continuer à enseigner Verlaine à ses étudiants malgré les consignes gouvernementales, Ndéné Gueye attire les rumeurs… et dérange à son tour. Sauf qu'au lieu de s'en défendre, il y voit l'occasion de plonger dans une introspection débridée et libérée des carcans de sa culture et de sa religion. Et le lecteur de suivre le même chemin…

Parce que ce texte à quelque chose d'universel. Mbougar Sarr le disait lui-même lorsque j'ai eu la chance de le rencontrer en librairie, la littérature ne s'ancre dans aucune époque, ni aucun pays. le voyage et le dépaysement sont intérieurs. Ce roman en est une illustration parfaite. Bien que fortement imprégné du Sénégal et des croyances musulmanes qui pourrait me rendre le tout parfaitement étranger, il y a un écho personnel sous-jacent.
Pour tout vous dire, il m'a rappelé la force du Dernier Jour d'un condamné de Victor Hugo : un homme dont on ne sait que peu de choses mais dont on accepte le jugement des Hommes, un procédé qui nous pousse à nous interroger sur nos propres croyances et les jugements ou actes que l'on commet par conséquent, en pleine conscience ou non.

Effet secondaire.
Se trouver révolté par certains extraits d'une violence crue et désespérante pour la nature humaine. Au titre des passages qui m'ont le plus plu, je retiens celui de la bataille d'égo faisant rage entre les deux successeurs potentiels au rôle d'imam.

Contre-indication.
Aucune. Parce qu'il est temps de découvrir, de voir d'un nouvel oeil ou de confirmer la beauté et la puissance de la littérature made by MMS !
Dans ce texte, on retrouve toute la force narrative de son roman précédent, La plus secrète mémoire des hommes, qui lui a d'ailleurs valu le prix Goncourt 2021. Mais ici, sa plume est au service d'un contenu bien plus palpable et d'une thématique moins nébuleuse. Il ne peut alors que conquérir une nouvelle fois les adeptes et convertir les âmes perdues !
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[Lecture que je dois à la suggestion d'une amie chère : qu'elle en soit ici remerciée.]

Le protagoniste de ce roman, Ndéné Gueye, est un jeune professeur de littérature française à l'université de Dakar. Rama, sa compagne, lui fait visionner une vidéo qui représente une foule ensauvagée qui profane la sépulture d'un jeune homme accusé d'homosexualité et en déterre le cadavre ; Ndéné est ainsi sensibilisé pour la première fois à l'ampleur et à la férocité de l'homophobie au Sénégal, et cette sensibilisation se mue en une métamorphose intime parallèle à un basculement contre la société et ses valeurs auxquelles il adhérait jusqu'à la veille : ces deux transformations constituent l'action romanesque.
Toutefois, ce qui est au moins aussi intéressant que le parcours du héros narrateur, à mon sens, ce sont les personnages secondaires, dont chacun représente un point de vue singulier et emblématique de l'homophobie ou de la lutte contre celle-ci, au sein d'une société qui, dans un rigorisme traditionaliste croissant, fait de l'homosexualité le symbole de la corruption venant de l'étranger, notamment des Blancs, et de l'homophobie un réflexe identitaire irrationnel.
Il y a donc parmi les personnages anti-homophobes Rama qui mène son propre combat d'émancipation féministe et sa sulfureuse amie Angela Green-Diop, métisse à demi étrangère revenue d'Amérique pour travailler pour Human Rights Watch. Les personnages ambivalents sont ceux chez qui le sentiment d'humanité se heurte à celui d'appartenance et de loyauté communautaire : Hadj Majmout, le père du protagoniste, sa seconde femme Adja Mbène, la mère désespérée d'Amadou, le garçon à la tombe violée. Parmi les promoteurs de la haine, on retrouve tous les détenteurs de l'autorité : le doyen de la faculté, l'imam et son successeur. Mais les plus intrigants, ce sont les personnages que je définirais d'ambigus, dont M. Coly, « le meilleur professeur de la faculté de lettres […] spécialiste de la poésie symboliste française », le « jotalikat », c-à-d. le « passeur », « transmetteur », « caisse de résonance » de la voix de l'imam, et surtout Samba Awa Niang, homme de spectacle, animateur de danses folkloriques dionysiaques, qui semble être le seul à pouvoir assumer voire surjouer son identité de « góor-jigéen » d'« homme-femme », épargné, adulé, adoré du peuple et des puissants...
Au cours d'un échange avec l'amie à qui je dois cette lecture, nous avions noté l'analogie entre ce personnage et la circonstance que dans un tout autre contexte, mais dans une société musulmane presque aussi homophobe que celle du Sénégal ici décrit, à savoir en Turquie, au moins deux chanteur.se.s de musique pop traditionnelle savante, Zeki Müren (1931-1996) et Bülent Ersoy (né.e en 1952) sont des transgenres homme-femme qui, depuis de nombreuses décennies, sont tout aussi vénéré.e.s du grand public. Il semblerait que leur profession d'artistes de spectacle, en leur conférant ce « rôle » de représentation d'un personnage au sens théâtral ou cinématographique du terme, leur garantit un statut d'exception ainsi que l'invulnérabilité. C'est dans ce sens d'ailleurs que l'auteur l'explique, par les mots de son personnage :
« […] Mes performances sont un jeu, je me mets en scène, d'une certaine manière. Je joue à être quelqu'un d'autre, un personnage : c'est le principe même du travestissement. Les spectateurs croient que je joue, ce qui leur fait oublier que je suis un góor-jigéen. Ils pensent peut-être que j'exagère le personnage. C'est ça aussi qui me protège, je pense. Je n'apparais jamais comme góor-jigéen, mais comme personnage de góor-jigéen. » (p. 119).

Un second élément d'analogie entre le personnage du roman et les chanteur.se.s turc.que.s semble fournir un élément d'explication complémentaire, fondée sur l'interprétation identitaire de l'homophobie que j'ai suggérée plus haut : l'un comme les autres sont des artistes traditionnels, non des avant-gardistes ni des revendicateurs « subversifs » - à l'instar des góor-jigéen militants, « vulgaires, impudiques, provocateurs » et surtout xénophiles que dénonce M. Coly (p. 146 et ss.). Ils représentent la société dans tout ce qu'elle a de plus traditionnel par leur art, et permettent à tout un chacun de s'y identifier sans danger de « contamination »...
Après tout, comme le dit Adja Mbène à Ndéné dans l'un des moments les plus chargés d'émotivité du roman :
« - Ce n'est pas la faute qui compte... C'est la demande de pardon, quelle qu'elle soit. C'est de revenir parmi nous. Dans ta société. Dans ta famille. [...] » (p. 162).
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Ce court livre (moins de 200 pages) se lit d'une traite.
Qu'est ce qu'être un homme ?
La réponse à cette question est plus ambiguë qu'il n'y paraît dans un pays, le Sénégal, qui a trouvé de nouveaux boucs émissaires, les goor jigeens, les hommes-femmes.
L'auteur dénonce les préjugés qui loin de s'être atténués se sont ici renforcés.
Il le fait d'un point de vue original, celui d'un universitaire qui découvre qu'il est justement plein de préjugés.
En s'interrogeant sur une victime, qui en est morte, le professeur de littérature va se remettre en cause profondément.
Dans une langue magnifique, profondément maîtrisée, sensuelle et poétique, "de purs hommes" nous conduisent à un questionnement sur la nature profonde des hommes.
"La lucidité est la blessure la plus proche du soleil" a écrit René Char. "De purs hommes" est un livre sur la lucidité, une lucidité incandescente et brillante.
Une lecture prégnante et superbe.



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Très bonne découverte de cet auteur Sénégalais dont j'ai entendu beaucoup de bien lors de son attribution du Goncourt, son premier roman était fortement conseillé. J'ai vraiment beaucoup aimé ce récit assez court, mais très fort et très "puissant" de part le sujet traité mais également la réaction que cela entraine chez le héros, qui de prime abord n'avait rien à voir avec le fait divers marquant de ce roman.
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J'aime toujours autant les oeuvres de cet auteur talentueux, même si mon roman préféré restera toujours "Terre ceinte".

J'ai retrouvé dans "De purs hommes" la même fibre que dans le roman précédemment cité. Mohamed Mbougar Sarr nous offre ici le regard de la société, un regard obtus et une opinion sous le joug de la religion.
L'auteur nous montre la façon dont la population peut être embrigadée dans une façon de penser, et la manière dont les réseaux sociaux alimentent la haine. J'ai été choquée de lire les mauvais traitements subis par les homosexuels au Sénégal (imaginez un peu, déterrer un homme parce qu'il n'était pas "pur" du fait de ses pratiques sexuelles, non avérées soit dit en passant, et donc indigne de reposer dans un cimetière musulman). Je suis outrée ! Mais finalement c'est également ce que j'aime dans la littérature de Mohamed Mbougar Sarr. Elle ne nous laisse jamais indifférents.

Ce sujet très fort est porté par une plume puissante, tantôt poétique, tantôt accusatrice, tantôt philodophique, tantôt acerbe. Ce jeune auteur a un talent indéniable et une plume superbe ! Il a de magnifiques descriptions de l'áme humaine.
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Un livre très intéressant, et c'est peu dire. M.M. Sarr nous emmène au coeur de la tragédie que vivent les personnes qui ne sont pas exclusivement hétérosexuelles. C'est un roman, mais c'est la triste réalité du Sénégal au XXIe siècle ! Un livre coup de poing qui est beaucoup plus prenant que son prix Goncourt "La plus secrète mémoire des hommes", ici, pas de longueurs et une présence intense du narrateur dont on partage le drame.
À lire absolument !
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Le roman démarre sur un fait divers : la vidéo montrant le cadavre d'un homme déterré puis traîné hors du cimetière pour la simple raison que les homosexuels, les goor jigeens n'ont pas droit à être enterrés dans un cimetière musulman. Ils profanent la pureté de la foi.

Ce roman nous ouvre les yeux sur la réalité de ce que vivent les homosexuels dans certains pays du monde, ici le Sénégal. La religion dans ce cas, tue l'humanité. La religion et la bêtise humaine, l'intolérance et le poids des coutumes… autant d'obstacles à la liberté de chaque être humain.

La particularité de l'écriture de ce roman réside dans son magnifique cheminement. Plus l'histoire se déroule et plus elle se fait envoûtante, frénétique, jusqu'à l'apothéose. Les réflexions se font de plus en plus philosophiques, et remuent ce qu'il y a de plus profond en nous, concernant nos préjugés. C'est un livre qui interroge sur l'humain, sur les relations humaines et sur ce qui fait qu'on peut se regarder ou pas dans une glace. Que devons-nous faire de notre existence ? Doit-on aller jusqu'au bout de ses convictions, au risque d'y perdre sa vie ?

Un livre à lire pour combattre l'obscurantisme.
Lien : https://krolfranca.wordpress..
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Décidément, je ne prends jamais le temps d'écrire une critique sur les livres de Mohamed Mbougar Sarr, pourtant, c'est le troisième que je lis après La plus secrète mémoire des hommes et Terre Ceinte (deux grands coups de coeur, à titre personnel). Encore une fois, j'ai été bouleversée par l'écriture si évocatrice de l'auteur. J'aime ses phrases, j'aime sa manière de peindre la pensée de ses personnages, j'aime lorsqu'il montre non pas une conviction aboutie, mais le cheminement vers celle-ci. Il semble savoir laisser la trace de la pensée en mouvement. Elle habite toujours différents personnages, mais derrière, le thème ne disparait jamais.
Dans de purs hommes, j'ai été éblouie par le travail fait sur le principal protagoniste. Ndéné est touchant, notamment par son ignorance d'un aspect de lui que les lecteurs comprennent vite. Il est touchant aussi par son enquête, sa détermination, sa nature à englober l'humanité toute entière quand celle-ci choisit de classer le monde en catégories plus ou moins désirables ou détestables. Ses mauvais jugements sont des questions plus que des injonctions, tandis que les autres personnages affirment, chacun à leur tour, leurs vérités trop hostiles.
Son côté enfant rappelle, par certains égards, le Meursault de Camus. On dirait que Mohamed Mbougar Sarr nourrie Ndéné de l'innocence parfois catastrophique de Meursault pour en proposer une réflexion plus sensible. La froideur, tant liée à Meursault, appartient alors au reste de la société qui marginalise ceux qu'elles croient voir comme des menaces ; tandis que l'émotion subtile de Ndéné, ses actions volontaires pour honorer un défunt, seront confondues avec une haute trahison.
C'est brillant. C'est stupéfiant. Je pourrais recopier le livre entier pour noter une citation aimée.
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Ce livre raconte la quête d'un homme, Ndéné Gueye, enseignant en littérature à l'université de Dakar. Après avoir visionné une vidéo insoutenable, il se donne pour mission de retrouver l'identité du corps déterré.
J'ai été heureux d'accompagner ce personnage dans cette aventure bouleversante et passionnante. Ndéné va jusqu'au-boutisme, à la recherche de liberté, de vérité et surtout d'humanité.
Le récit est puissant, fort. En un mot, c'est MAGISTRAL!
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