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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Si toutes les oeuvres de Sartre, même de fiction, sont philosophiques, toutes ne sont pas explicitement philosophiques. "Les Mouches" est dans ce cas.
Il s'agit d'un exposé, on ne peut plus évident, des thèses existentialistes, avec un porte-parole de celles-ci, contre la fausse vertu du monde : Oreste.
Sartre en profite au passage pour égratigner les religions, soulignant que celles-ci se nourrissent moins de l'existence prétendue et de la puissance factice d'un Dieu inexistant que de la soumission des hommes.
C'est une pièce puissante, construite admirablement.
On y trouve beaucoup de finesse, d'intelligence, de subtilité, aucun manichéisme ; on y trouve des réflexions intéressantes sur la condition humaine, la liberté individuelle… C'est vrai que "Les Mouches" tient de la pièce à thèse ; mais, puisque les qualités artistiques y sont, est-ce si condamnable ?...
Sartre a le don de créer des formules fortes, des dialogues puissants, de faire surgir des questionnements complexes. le Maître de la Philosophie, celui qui est à mes yeux le plus grand, le plus exceptionnel des philosophes était aussi un immense écrivain.
Il savait créer des dialogues beaux et fins et toutes ces scènes troublaient et suscitaient de la réflexion.
Ces pièces, à la fois lumineuses et sombres, sont marquées par la complexité et l'ambiguïté, propre à sa pensée savante, complexe, mal compris par le lecteur inattentif.
Une pièce exceptionnel d'un auteur exceptionnel.
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Cette pièce est très différente de Huis Clos et tant mieux : le fait de les réunir est assez improbable car leurs gens sont très différent mais se rejoignent sur le thème des relations à autrui, du repentir, des relations avec la mort...

Les Mouches est écrit à la façon d'une tragédie grecque et est vraiment très agréable à lire, même si elle part un peu dans tous les sens vu le nombre important d'évènements qui se déroulent dans celle-ci. L'histoire est, au premier abord, assez étrange, mais très prenante, voir même suffocante. Il est impossible de s'arrêter de la lire !

Les personnages sont assez bizarre, je doute qu'ils puissent réellement exister, ce qui nous donne d'autant plus l'impression d'atterrir dans un autre monde, qu'on ne connait pas mais qu'on souhaite découvrir (mais surtout pas y vivre, enfin moi, en tout cas...). Par contre leurs prénoms se ressemble beaucoup ce qui rend parfois la compréhension du la pièce difficile car on se confond alors beaucoup entre les personnages ce qui donne parfois des choses vraiment très bizarres !

Le style est très pertinent, j'aime beaucoup la façon dont Jean-Paul Sartre à de nous faire réfléchir et nous poser des questions sur la vie qui nous entoure et ce qui nous attend après, sur ce que vont donner nos actions à long terme...
Cette pièce est vraiment à découvrir !
Lien : http://lunazione.over-blog.c..
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"Les Mouches", c'est une fois de plus l'histoire d'une famille infernale. Pas celle d'Oedipe, Jocaste, Antigone et Ismène, illustrée par Cocteau ("La machine infernale" - 1934) et Anouilh ("Antigone" - 1944) mais celle d'Agamemnon, Clytemnestre, Oreste et Electre, illustrée par Giraudoux ("Electre" - 1937) et O'Neill ("Le deuil sied à Electre" - 1931)
L'histoire n'a pas changé : Oreste revient à Argos, où, poussé par sa soeur Electre, il va venger la mort de son père Agamemnon, tué par sa femme Clytemnestre et l'amant de celle-ci Egisthe. Les motivations des personnages et la portée qu'ils donnent à leurs actes font tout l'intérêt de la pièce, faisant de celle-ci une pièce philosophique et politique, tout autant que psychologique.
Alors me direz-vous, que viennent faire les mouches là-dedans ? Oreste déjà parricide (il a tué son père Laïos) et bientôt matricide (il va tuer sa mère Clytemnestre) aurait-il également une vocation d'insecticide ? Ne riez pas, parce que ce n'est pas tout à fait une blague : les mouches dans la pièce de Sartre, sont la personnification de la culpabilité et du remords. En exerçant sa vengeance sans arrière-pensée (ce qui n'est pas le cas de sa soeur Electre) il délivre tous les personnages, y compris les habitants d'Argos de ce manteau de culpabilité.
La culpabilité, le remords, le repentir, le pardon, éventuellement, forment donc le premier thème abordé par Sartre dans "Les Mouches". C'est loin d'être le seul : le personnage d'Oreste (qui semble bien être le personnage central de la pièce) participe à la libération d'Argos et de ses habitants, et ce faisant il se libère lui-même, en s'affranchissant de tout remords, de tout sentiment de culpabilité (ce que ne saura pas faire Electre), et même en tenant tête à Jupiter. Mais cette liberté ne lève pas toutes les questions : elle condamne l'homme libre à une forme de solitude : être libre c'est être seul, et être seul, est-ce être libre ? Oreste préfigure le Garcin de "Huis clos" (1943) qui dira "L'enfer c'est les autres"... On peut également s'interroger sur le rôle de Jupiter, qui a l'autorité suprême, mais ne peut intimer sa loi à personne : il ne peut empêcher le crime, dicter sa conduite à Oreste, empêcher Electre de sombrer à son tour dans la culpabilité... Les dieux n'existent que tant qu'on ne leur résiste pas... Et la résistance c'est une forme de liberté...
C'est là peut-être le dernier message subliminaire de Sartre : écrite et créée en 1943, en pleine Occupation, faut-il voir en Oreste un symbole de Résistance / Liberté, face à un Jupiter et un Egisthe représentant un pouvoir tyrannique (je vous laisse deviner lequel) ?
"Les Mouches" sont donc un drame complet, très riche d'implications, différent de Cocteau, Anouilh ou Giraudoux, parce que plus cérébral, moins poétique, moins fantaisiste, mais tout autant attachant par son pouvoir d'évocation, et ses incidences philosophiques.
On voir encore ici toute la force et la pérennité des mythes grecs qui, au-delà des hommes et des dieux, englobent la condition humaine dans toute sa singularité et toute sa richesse.
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Suite à ma lecture de Huis-clos, je me suis laisser tenté par Les mouches. Je peux définitvement attester que j'ai un faible pour la tragédie. Je vous avais déjà conté mon amour pour Britannicus de Racine. Désormais, je vais vous conter celui que je porte pour "Les mouches".

Premièrement, j'apprécie fortement le cadre mythologique, et le contexte de la ville d'Argos ; envahie par des mouches suite aux différentes péripéties des Atrides. En somme, un bon cadre mythologique comme cela me plaît, mais également une réécriture permettant d'aborder en profondeur des thèmes comme la rédemption, la liberté humaine, etc... (Au contraire de Huis-clos qui ne survolait que quelques sujets selon moi). Par ailleurs, contrairement à ce dernier, j'ai senti une réelle cohérence, une fin digne d'une grande tragédie, et étant une sublime conclusion aux thèmes ici abordés. le héros, Reste, nous fait penser au Christ, à celui qui assume sa liberté, qui assume ses actes, contrairement à la mauvaise foie qu'à décrit Sartre dans "L'existentialisme est un humanisme" ; mauvaise foi étant représentée par Electre. le personnage de Orestre est très intéressant et représente selon moi, de manière théâtrale, le héros existentialisme. Philosophie, liberté et thèse représentée subitement dans la citation suivante : « le secret douloureux des dieux et des rois, c'est que les hommes sont libres ».
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En plus d'être rédigé très finement à travers un style d'écriture imagé et métaphorique, l'oeuvre fourmille de fromules percutantes qui exposent les thèses existentialistes de Sartre. La philosophie de Sartre transpire à travers les pages, mais cela ne fait pas de la pièce une simple vitrine de l'existentialisme. Même si c'est un exposé de la condition humaine, c'est également l'histoire d'une liberation et d'un affranchissement.

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Les citoyens d'Argos sont coupables d'un crime incomensurable , ou du moins, ils s'en sentent coupables. Ils sont noyés dans le repentir du fait qu'ils n'ont rien fait pour empêcher le meurtre de leur roi Agamemnon des mains d'Egisthe, le terrible amant de la reine Clymnestre, la femme du roi. Depuis, Jupiter a châtié Argos et ses habitants, laissant planer sur ceux-ci des nuées de mouches sur lesquelles fond un soleil ardent. Pire encore, une fois par an, les morts refont surface depuis les enfers pour hanter les vivants.
Les morts sont la personnification de la hantise des regrets, les mouches et les erinyes sont une métaphore de ce que la culpabilité peut faire subir au corps et à l'âme : une angoisse profonde, une lacération lente qui vampirise toute force et qui empêche de vivre. La vie avec le souvenir d'un acte dont on se sent coupable est celle amoindrie d'un passé qui, à sa racine, a fait pourrir le futur.
La ville d'Argos est cette pourriture à grande echelle,  cette putrefaction de la vie dû aux actes passés. Cette vie est si insupportable, que tout ce que souhaitent les habitants d'Argos c'est la mort.
Dans cette ville, Oreste le fils exilé d'Agamemnon, cherche un sens à son existence. Il est à la recherche d'une histoire, d'un héritage et d'un territoire auquel appartenir. La ville d'Argos et son trône légitime incarne pour lui cet ancrage. Il souhaite que, du fait que cette ville soit son passé, elle soit naturellement son futur.
Il veut se définir par son passé, et il ne sait comment exister autrement.
Il ne comprend pas encore que "l'existence précède l'essence".
Après avoir accompli sa déstinée, il comprend ce qu'il est. Un homme, et, pléonasme ; un homme libre.
À l'opposé de la tragédie grecque, le récit de l'épopée d'Oreste chez Sartre n'exprime pas une fatalité, du moins pas comme on l'entend. Si il y a une fatalité tragique, c'est celle d'Oreste qui réalise qu'il est libre. Libre d'agir et d'exister pour se définir par lui seul. Ainsi le tragique n'a rien ici d'une destinée inévitable, il en est le contraire. "L'homme est condamné à être libre", Oreste est frappé par la liberté comme par la foudre et nul ne peut le faire revenir à un état antérieur. Même après avoir assassiné froidement le meurtrier de son père et sa mère Clymnestre Oreste n'a pas de remord ni de regrets, il ne se repent pas, car ce qu'il a fait est juste aux yeux de sa propre conscience, et il n'est d'aucune autorité, pas même celle des dieux, que de le punir. Cela montre l'inconsistance de la justice institutionnelle, qui n'aura jamais le même poids que la conscience morale individuelle. Celle qui a une vraie force sur l'âme, c'est bien cette dernière.

On peut même deceller dans cette oeuvre la phénoménologie ontologique Sartrienne, mère de l'existentialisme. L'oeuvre pointe le fait que l'on n'existe qu'à traverse regard de l'autre. Personne à part un autre ne peut attester de l'existence de soi. Il n'y a que l'autre qui en reconnaissant notre existence, permet d'attester l'existence de soi. C'est alors que quand Oreste ne reconnaît plus la souverainté de Jupiter, celui-ci, aussi divin qu'il soit n'existe plus pour lui. Jupiter a besoin que les citoyens d'Argos le reconnaisse en tant que Dieu, autrement, il en perd cette existence, qui est prescrite par la reconnaissance de l'autre. C'est ainsi qu'il a besoin du repentir des citoyens d'Argos dont il se nourrit pour exister, car à travers leurs regrets, c'est à Jupiter qu'ils implorent le pardon et ainsi ils reconnaissent son existence, le faisant de fait exister à leurs yeux, ou exister tout court.[/masquer]
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C'est une oeuvre fantastique, que l'on ne présente plus. Les thèmes abordés sont nombreux et sont développés avec brio : le libre-arbitre et la destinée, le contrôle, la culpabilité, la construction identitaire...
Les différents niveaux de lecture et le style très moderne pour le genre (une tragédie grecque) en font une lecture extrêmement accessible.
Une perle tant sur le plan philosophique, que le plan sociologique, ou encore psychologique.

A lire, relire, et à consulter encore de nombreuses fois ensuite.
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