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Dans la mouvance du théâtre français du XXème siècle, à savoir reprendre des classiques de la tragédie grecque antique et de les ré-assaisonner à la sauce moderne ou les regarder à travers de prisme de l'histoire contemporaine, tel que Jean Cocteau (La Machine Infernale) l'a fait avant lui ou Jean Anouilh (Antigone) après, Jean-Paul Sartre s'adonne à son tour ici à l'exercice en reprenant le mythe argien d'Oreste et d'Électre.
Moi qui ne suis pas toujours très sensible à l'oeuvre de Sartre, il me faut reconnaître que là, j'ai vraiment beaucoup aimé cette mouture tragique des Mouches.
L'argument, en deux mots : Oreste, de retour dans sa ville natale, Argos, après un long exil la retrouve surnaturellement envahie par des mouches. Il s'agit d'une punition divine infligée à la cité qui n'a rien fait pour confondre Égisthe et Clytemnestre, qui ont fomenté ensemble l'assassinat du premier mari de cette dernière, Agamemnon.
Électre, fille de Clytemnestre et du défunt Agamemnon souhaite ardemment le retour de son frère Oreste, pensant qu'il est le seul à ne pas laisser impuni le crime perpétré contre son père, l'ancien roi, frauduleusement supplanté par Égisthe.
Le frère et la soeur ne se reconnaissent tout d'abord pas, puis Jupiter lui-même vient coller son grain de sel dans l'histoire. Bref, Oreste doit-il ou ne doit-il pas s'opposer aux Dieux, venger son père, s'en prendre aux siens, exécuter sa propre sentence sous l'angle de sa propre conception de la justice, en somme, de la vraie tragédie comme on les aime.
Cependant, j'ai vraiment adoré cet éclairage très " milieu XXème siècle " qu'imprime ici l'auteur (on sait que la pièce a été écrite en pleine période de collaboration vichyste). En effet, du coup, la pièce trouve un intérêt philosophique exceptionnel et à chaud, face à la tragédie réelle qui se jouait alors.
Je pense même qu'elle prend plus encore son sens au sortir de la guerre, durant cette période de " grande lessive " qui suit immanquablement des épisodes aussi noirs de l'histoire d'un pays, quel qu'il soit après la chute d'un régime autoritaire.
Les notions de sentiment de culpabilité, de pardon, de rachat (rédemption), de vengeance, de passage à l'acte, de désaveu abordés par Jean-Paul Sartre prennent alors tout leur sens, philosophiquement parlant.
On peut y lire aussi, comme je l'ai mentionné plus haut, une allégorie de l'amnistie générale de la période post collaboration à l'issue de la seconde guerre mondiale. Peut-on laisser impunis des collabos ? Est-on plus heureux après les avoir châtiés ? Autant de questions qu'il est toujours bon de méditer à froid, au cas où un jour nous aurions à y réfléchir à chaud, ce que je n'espère pas, mais ce que nos grands-parents, qui eux non plus ne le souhaitaient pas, ont eu à faire, …
Tout compte fait, une pièce que j'ai trouvée subtile et captivante, qui ne s'égare jamais à vouloir fournir des réponses toutes blanches ou toutes noires et que je conseille vivement. Mais, une fois encore, vous aurez compris que ce n'est là qu'un avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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La Grèce antique, ses vieilles pierres, ses mythes, voilà un domaine qui m'attire depuis la 6ème. Mais je n'avais jamais jusqu'à présent osé me confronter à Sartre et la façon dont il s'approprie le mythe des Atrides pour construire une tragédie en trois actes. Il fallait bien un challenge Babelio pour que je me décide à me plonger dans ce texte classique pourtant pas si souvent porté à la scène.

Pour aborder « Les mouches » il faut se souvenir que la pièce a été écrite en 1943. C'est le premier texte de théâtre de Jean-Paul Sartre. Il s'inspire de la tragédie des Atrides, famille maudite, pour aborder des thèmes qui parlent de la France de Vichy et de l'occupation par les nazis.

Nous sommes à Argos. 15 ans plus tôt les héros de Troie sont rentrés. Mais le retour du grand roi Agamemnon ne réjouit pas tout le monde, à commencer par sa femme Clytemnestre (qui ne lui pardonne pas le sacrifie d'Iphigénie). Avec son amant Egisthe elle assassine le vainqueur de Troie. Les amants transforment Electre, seconde fille de l'ex-roi, en esclave tandis qu'Oreste est soustrait à la vengeance de la mère. Il revient donc 15 ans plus tard sous un nom d'emprunt et accompagné de son précepteur. La ville d'Argos est envahie par les mouches, symboles des lâchetés et de la culpabilité collective des habitants face à leur crimes indivuduels, y compris celui de l'assassinat d'Agamemnon, mais aussi de leurs fautes collectives. Oreste arrive le jour de la fête des morts et de Jupiter, cérémonie annuelle où les vivants, chargés de culpabilité et de remords, doivent affronter leurs morts. Oreste, qui voulait rester en retrait, va décider de venger son père Agamemnon en tuant Clytemnestre et Egisthe. Réfugié dans le temple de Jupiter avec sa soeur Electre il devra décider s'il obéit à Jupiter ou non.

Ainsi Oreste devra choisir entre le repentir et la liberté. Ecrit en temps de guerre et de résistance on comprend qu'Oreste et Electre représentent les deux faces d'une France confrontée à la tyrannie de l'occupation (symbolisée par les mouches). Et l'on voit tout le sens politique que Sartre voulait donner à sa pièce. Alors qu'Electre ne parviendra pas à se libérer de l'emprise de Jupiter et adoptera la voie de la contrition, Oreste choisit d'écouter sa conscience et d'assumer ses actes et sa vengeance. le prix à payer sera la liberté mais aussi la solitude et l'exil. Mais par son geste il libère le peuple d'Argos. Ainsi pour Sartre, la volonté d'un homme parvient à venir à bout de la tyrannie et de l'oppression là où l'action collective mène à la soumission signifiant par là que le peuple peut être responsable de la tyrannie qu'il subit. Mais Sartre nous amène aussi à mener notre introspection : qu'aurions-nous fait sous l'ère de Vichy ? Comment aurions-nous agi à la fin de la guerre ? Comment aurions-nous vécu cette période de collaboration et l'amnistie qui a suivi la fin de la guerre ?

« le secret douloureux des dieux et des rois, c'est que les hommes sont libres » explique Jupiter à Egisthe.

J'ai la chance d'être allée sur ces lieux cités par Sartre (Argos, Nauplie), et la joie de voir « Electre / Oreste » d'Euripide joué par la troupe de la Comédie Française, sous la direction d'Ivo van Hove, dans le magnifique théâtre d'Epidaure. Entendre ces mots sous ce ciel grec est une émotion incroyable. En lisant «Les mouches » je réalise que chez Euripide comme chez Sartre ces textes sont toujours actuels et en résonance avec un monde où rien n'est jamais ni tout blanc ni tout noir.
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Si toutes les oeuvres de Sartre, même de fiction, sont philosophiques, toutes ne sont pas explicitement philosophiques. "Les Mouches" est dans ce cas.
Il s'agit d'un exposé, on ne peut plus évident, des thèses existentialistes, avec un porte-parole de celles-ci, contre la fausse vertu du monde : Oreste.
Sartre en profite au passage pour égratigner les religions, soulignant que celles-ci se nourrissent moins de l'existence prétendue et de la puissance factice d'un Dieu inexistant que de la soumission des hommes.
C'est une pièce puissante, construite admirablement.
On y trouve beaucoup de finesse, d'intelligence, de subtilité, aucun manichéisme ; on y trouve des réflexions intéressantes sur la condition humaine, la liberté individuelle… C'est vrai que "Les Mouches" tient de la pièce à thèse ; mais, puisque les qualités artistiques y sont, est-ce si condamnable ?...
Sartre a le don de créer des formules fortes, des dialogues puissants, de faire surgir des questionnements complexes. le Maître de la Philosophie, celui qui est à mes yeux le plus grand, le plus exceptionnel des philosophes était aussi un immense écrivain.
Il savait créer des dialogues beaux et fins et toutes ces scènes troublaient et suscitaient de la réflexion.
Ces pièces, à la fois lumineuses et sombres, sont marquées par la complexité et l'ambiguïté, propre à sa pensée savante, complexe, mal compris par le lecteur inattentif.
Une pièce exceptionnel d'un auteur exceptionnel.
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J'ai dévoré ce livre , je l'ai lu en une après-midi je n'arrivais pas à décrocher les yeux de l'oeuvre !
je trouve que ce livre fait énormément réfléchir sur la notion de LIBERTE .
Lorsqu'on est libre, il n'y a ni Bien ni Mal. C'est pour cela qu'aucun homme n'est vraiment libre. « mais tout d'un coup la liberté a fondu sur moi (….) et il n'y a plus rien eu au ciel, ni Bien , ni Mal , ni personne pour me donner des ordres » ( le mouches ) La liberté , la vraie liberté fait peur , car il n'y a pas de règles , vous êtes votre propre juge et l'Homme est incapable de vivre sans règles ni dictats et c'est pour cela que nous avons besoin d'être l'esclave et l'appartenance de quelqu'un .De plus le fait d'être libre nous laisse seulement avec nous –même , la peur de se retrouver face à face avec soi-même et de se préoccuper de notre propre existence et pas celle des autres est inhumaine car l'Homme ne peut pas se développer normalement dans une société actuelle sans être en contact permanent avec son semblable , de se comparer à lui ou encore de l'envier . L'Homme n'est alors vraiment libre qu'à partir du moment où il ne dépend de personne et n'a pas peur de se retrouver face à lui-même.
c'est ainsi que j'ai commencé à penser après le fermeture du livre ...
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Cette pièce est très différente de Huis Clos et tant mieux : le fait de les réunir est assez improbable car leurs gens sont très différent mais se rejoignent sur le thème des relations à autrui, du repentir, des relations avec la mort...

Les Mouches est écrit à la façon d'une tragédie grecque et est vraiment très agréable à lire, même si elle part un peu dans tous les sens vu le nombre important d'évènements qui se déroulent dans celle-ci. L'histoire est, au premier abord, assez étrange, mais très prenante, voir même suffocante. Il est impossible de s'arrêter de la lire !

Les personnages sont assez bizarre, je doute qu'ils puissent réellement exister, ce qui nous donne d'autant plus l'impression d'atterrir dans un autre monde, qu'on ne connait pas mais qu'on souhaite découvrir (mais surtout pas y vivre, enfin moi, en tout cas...). Par contre leurs prénoms se ressemble beaucoup ce qui rend parfois la compréhension du la pièce difficile car on se confond alors beaucoup entre les personnages ce qui donne parfois des choses vraiment très bizarres !

Le style est très pertinent, j'aime beaucoup la façon dont Jean-Paul Sartre à de nous faire réfléchir et nous poser des questions sur la vie qui nous entoure et ce qui nous attend après, sur ce que vont donner nos actions à long terme...
Cette pièce est vraiment à découvrir !
Lien : http://lunazione.over-blog.c..
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"Les Mouches", c'est une fois de plus l'histoire d'une famille infernale. Pas celle d'Oedipe, Jocaste, Antigone et Ismène, illustrée par Cocteau ("La machine infernale" - 1934) et Anouilh ("Antigone" - 1944) mais celle d'Agamemnon, Clytemnestre, Oreste et Electre, illustrée par Giraudoux ("Electre" - 1937) et O'Neill ("Le deuil sied à Electre" - 1931)
L'histoire n'a pas changé : Oreste revient à Argos, où, poussé par sa soeur Electre, il va venger la mort de son père Agamemnon, tué par sa femme Clytemnestre et l'amant de celle-ci Egisthe. Les motivations des personnages et la portée qu'ils donnent à leurs actes font tout l'intérêt de la pièce, faisant de celle-ci une pièce philosophique et politique, tout autant que psychologique.
Alors me direz-vous, que viennent faire les mouches là-dedans ? Oreste déjà parricide (il a tué son père Laïos) et bientôt matricide (il va tuer sa mère Clytemnestre) aurait-il également une vocation d'insecticide ? Ne riez pas, parce que ce n'est pas tout à fait une blague : les mouches dans la pièce de Sartre, sont la personnification de la culpabilité et du remords. En exerçant sa vengeance sans arrière-pensée (ce qui n'est pas le cas de sa soeur Electre) il délivre tous les personnages, y compris les habitants d'Argos de ce manteau de culpabilité.
La culpabilité, le remords, le repentir, le pardon, éventuellement, forment donc le premier thème abordé par Sartre dans "Les Mouches". C'est loin d'être le seul : le personnage d'Oreste (qui semble bien être le personnage central de la pièce) participe à la libération d'Argos et de ses habitants, et ce faisant il se libère lui-même, en s'affranchissant de tout remords, de tout sentiment de culpabilité (ce que ne saura pas faire Electre), et même en tenant tête à Jupiter. Mais cette liberté ne lève pas toutes les questions : elle condamne l'homme libre à une forme de solitude : être libre c'est être seul, et être seul, est-ce être libre ? Oreste préfigure le Garcin de "Huis clos" (1943) qui dira "L'enfer c'est les autres"... On peut également s'interroger sur le rôle de Jupiter, qui a l'autorité suprême, mais ne peut intimer sa loi à personne : il ne peut empêcher le crime, dicter sa conduite à Oreste, empêcher Electre de sombrer à son tour dans la culpabilité... Les dieux n'existent que tant qu'on ne leur résiste pas... Et la résistance c'est une forme de liberté...
C'est là peut-être le dernier message subliminaire de Sartre : écrite et créée en 1943, en pleine Occupation, faut-il voir en Oreste un symbole de Résistance / Liberté, face à un Jupiter et un Egisthe représentant un pouvoir tyrannique (je vous laisse deviner lequel) ?
"Les Mouches" sont donc un drame complet, très riche d'implications, différent de Cocteau, Anouilh ou Giraudoux, parce que plus cérébral, moins poétique, moins fantaisiste, mais tout autant attachant par son pouvoir d'évocation, et ses incidences philosophiques.
On voir encore ici toute la force et la pérennité des mythes grecs qui, au-delà des hommes et des dieux, englobent la condition humaine dans toute sa singularité et toute sa richesse.
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@Sartre revisite avec @les mouches la vengeance d'Oreste dans cette pièce en trois actes. Sans doute faut-il tenir compte du contexte historique pour comprendre pourquoi @Sartre a monté cette pièce, en effet, nous sommes en 1943, la France est occupée par les allemands et Oreste est le héros idéal, propre à réveiller l'esprit de résistance des français en combattant l'injustice et en délégitimant le régime de Vichy.
L'un des thèmes principaux de la pièce est la liberté. Jupiter apparait dans l'intrigue dès que quelqu'un l'invoque. Il déclare d'ailleurs à Egisthe "le secret douloureux des dieux et des rois, c'est que les hommes sont libres". Nous retrouvons ici une symbolique politique très forte. Les hommes sont libres mais il ne savent pas et Egisthe, tel Pétain ou les occupants, les prive de libertés avec la complaisance de ce même peuple car pour être libre il y a un prix à payer. Oreste sera prêt à payer ce prix et ainsi à se libérer du joug divin représenté par Jupiter car celui-ci perd tout pouvoir sur celui qui se sait libre.
Le deuxième thème fort est celui d'assumer ses choix, Oreste ne regrette nullement son double meurtre car, pour lui, regretter un crime est un moyen lâche de s'en défaire et il estime que son crime n'est que justice. Dans la dernière scène alors qu'Electre décide de rester avec les habitants d'Argos et de vivre dans le remords, Oreste, quant à lui, s'enfuit poursuivi par les Érinyes, libérant ainsi la ville de leur présence.
Une lecture intéressante surtout pour l'aspect philosophique et le questionnement que @Sartre éveille sur le lecteur. L'homme est libre et il faut simplement qu'il en prenne conscience.
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Libérer l'homme de(s) Dieu(x).
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Jean-Paul Sartre nous fait réfléchir sur la vie et sur ce qui nous attend, sur l'impact de no actions ... A découvrir !
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On suit Oreste lorsque celui-ci rentre chez lui. Il retrouve sa soeur et sa mère. Il découvre en même temps sa ville et ce qu'est devenu le royaume de son défunt père. Je ne vous raconte pas l'histoire, cela n'en vaudrait pas la peine. le fond de la pièce est par contre basée sur la vengeance, le crime et le remord. On voit comment ces trois choses empoissonnent la vie et la mène à être un enfer. J'ai assez aimé le fait d'y mêler Jupiter, il me faisait un peu penser à ces deus-ex-machina sans pour autant empêcher le destin de frapper et faire quelque chose contre les conséquences.


Le texte se lit bien. Il n'est pas trop complexe et est rapide. J'ai dû finir la pièce en 1h… Mais c'est tout. Rien de bouleversant ne ressort de cette lecture. C'était agréable de retrouver Sartre mais je n'ai pas retrouvé quand bien même ce qui m'avait plus dans Les mains sales ou Huis-clos.



Une pièce simple sans plus. On revoit le mythe d'Oreste et de la famille Atride sans grande nouveauté. L'auteur ne s'est pas approprié le mythe de manière novatrice ce qui laisse donc la pièce un peu plate. Mais elle vaut le détour pour la réflexion sur la vengeance et les remords c'est un fait.

Lien : http://tawny-owl.over-blog.com
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