Cartographie de l'anarchisme révolutionnaire

Dans ce court ouvrage de moins de 150 pages, Michael SCHMIDT dresse - en survol - une fresque de l'Anarchisme révolutionnaire à travers les territoires et les époques, au fil de cinq vagues successives symbolisant l'émergence puis le reflux des groupes anarchistes militants.

De manière lacunaire, l'Anarchisme est bien trop souvent raconté sous un prisme occidento-centré qui a pour effet de déformer l'importance des mouvements Européens et Etats-Uniens, au détriment de ceux du reste du monde, stigmate des biais du vieux continent. Le livre débute en exposant le contexte et les enjeux de l'organisation anarchiste à partir de l'essor du mouvement. Afin qu'il n'y ait aucune confusion possible, les termes équivoques que peuvent être "communisme", "anarcho-syndicalisme" ou encore "syndicalisme révolutionnaire", par exemple, sont redéfinis dans un cadre clair.

La première vague (1868-1894) prend le large à partir de la scission de la Première Internationale entre Marxistes et Anarchistes. La nécessité de créer de nouveaux groupes fédérés impose de réfléchir à la question de l'organisation révolutionnaire, ce qui sera source de discorde au sein des Anarchistes (Individualistes vs. "Communistes"). A cette époque Bakounine théorise la nécessité de constituer un groupe (secret), sorte « d’avant-garde » théorique capable de fédérer les divers groupes Anarchistes et établir une ligne politique unitaire, sans pour autant contraindre. Cependant, la crainte d'une "bolchévisation" scinde les communautés Anarchistes ce qui ne facilitera pas les combats communs.

La seconde vague (1895-1923) a pour objet de consolider les méthodes de luttes après l'essor du Capitalisme de la période précédente. Tout autour du monde, dans des pays aussi distants que la Chine et l'Uruguay, ou encore du Danemark à la Nouvelle-Zélande, des groupes Anarchistes explorent dans la réalité du terrain la constitution et le développement de l'Anarcho-Syndicalisme et de fédérations internationales. Pendant cette période, les Anarchistes seront au première loges des révolutions, notamment Russe.

La troisième vague (1923-1949) voit la réémergence de l'Anarchisme en réponse à l'essor du Fascisme, de l'Impérialisme et du Bolchévisme. Bien que la révolution espagnole soit évidemment mentionnée, on n'oublie pas qu'à Taïwan ou en Afrique du Sud, des groupes se créent ou reprennent l'activité, notamment après la 2nde G.M., préfigurant les luttes décoloniales à venir.

La quatrième vague (1950-1989) explore l'action « d'arrière-garde » Anarchiste sur fond de Guerre Froide. Malgré que l'eau ait coulé sous les ponts, le débat organisationnelle Individualiste/Communiste des débuts est toujours d'actualité même s'il a entre temps évolué pour opposer "Plate-formistes" et "Synthésistes", courant qui auront le support d'Anarchistes de renom (qui, pour certains, changeront d'avis par après). Ce thème de la « méthode » sera pleinement exposé dans l'ouvrage, sans oublier "l'Especifismo" originaire dl’Amérique du Sud, le tout traité dans le bain politico-historique.

Enfin la dernière vague (1990-) dépeint la résurgence du mouvement anarchiste révolutionnaire à la chute du bloc soviétique qui place le Capitalisme (Néolibéral qui plus est) en position hégémonique. Sur toute la première décennie, qu'il s'agisse de combattre une guerre ou un impérialisme économique, les problématiques organisationnelles sont encore explorées à différentes échelles de la Russie au Québec, de l'Iran à Seattle. Le nouveau millénaire verra d'autres opportunités pour les Anarchistes de s'unir contre la domination - pour la Liberté.

Après un tour d'horizon historico-géographique sur près de 150 ans des différents mouvements et organisations Anarchistes, Michael SCHMIDT a réussi à mettre en exergues les défauts propres à chacune des doctrines Plate-formiste / Especifista / Individualiste / Synthétiste pour montrer l'importance de la nécessité d'une organisation transverse fondée sur un constat exhaustif des besoins contextuels.

Intéressant sur le plan Historique et Politique pour élargir des horizons bien trop souvent cantonnés à l'occident en matière d'Anarchisme, cet essai offre un panorama assez large mais excessivement dense qui en rend parfois la lecture difficile (notamment les dizaines et dizaines d'acronymes d'organisations - bien que listés (sur 11 pages!) en début d'ouvrages).

Sans être un incontournable, ce livre apporte tout de même un regard frais et vivant sur l'Anarchisme et permet de prendre conscience à quel point l'éclosion de groupes anarchistes révolutionnaires à différentes périodes et en différents endroits du monde illustre le caractère universel de cette Philosophie.