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EAN : 9791025204504
272 pages
François Bourin (06/06/2019)
4/5   3 notes
Résumé :
Au milieu des années quatre-vingt-dix, porté par le hasard, Emmanuel, journaliste, traverse le Brésil. C’est le début d’une longue histoire d’amour pour les gens, les cultures, les lieux, …. Au fil de son périple, le jeune homme assiste aux mutations qui affectent le pays, l’entrée à marche forcée dans la mondialisation, les villages de pêcheurs qui deviennent la proie du tourisme, les économies locales bouleversées… Ce « Français qui voulait être brésilien » suit... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Un texte de Patrick Corneau (le lorgnon mélancolique) sur le livre qui correspond bien à ce que j'ai adoré de cette plongée dans la société brésilienne et le miroir qu'elle nous renvoie :

"Amoureux du Brésil, levez-vous ! Ce livre est pour vous ! Muito gostoso ! Uma delícia ! Tout ce que vous avez aimé de ce pays de cocagne et qui continue à vous fendre le coeur d'une terrible « saudade » est là. Jacques Secondi béni soyez-vous entre tous les brésilianistes attitrés ou en chambre pour nous avoir offert un si beau livre !
Grand reporter dans la presse économique, Jacques Secondi est l'un de ces Français qui ayant parcouru en long et en large le Brésil (17 fois la France) depuis une vingtaine d'années ne se résout pas à n'être « que » Français*. Tropique du Brésil est l'histoire de son double, Emmanuel, journaliste qui, porté par le hasard et un solide goût de l'aventure, traverse le Brésil au milieu des années 1990 pour s'installer à Trancoso sur la côte bahianaise, lieu quasi paradisiaque (à l'époque) et y vivre selon son désir, c'est-à-dire d'une vie simple, libre, au plus près de la nature et de ses habitants. Tout cela a l'air de sentir le produit-éditorial-type pour le Festival Étonnants Voyageurs de Saint Malo, rendez-vous obligé des photographes, écrivains, auteurs de carnets de voyage et autres « coureurs de monde » professionnels… Rien de tout cela ici. Les « coureurs de monde » ne font que passer, ils ont des « semelles de vent », ils ne s'attachent pas, ne se fixent pas – certains sont même sérieusement atteints de dromomanie.
Jacques Secondi, mieux vaut parler de lui plutôt que d'Emmanuel son « narrateur », est tombé amoureux du Brésil au point de vouloir s'y établir, y recommencer une vie de couple, y travailler, c'est donc le récit d'une transformation, une véritable conversion qui nous est proposé. Une histoire d'amour pour ses habitants, ses cultures, ses lieux… Au fil de ses déplacements dans cet immense continent, le jeune homme qu'il était (26 ans) assiste aux changements que le pays subit : l'entrée à marche forcée dans la mondialisation ; les villages de pêcheurs qui deviennent la proie du tourisme ; les économies locales bouleversées, la montée de l'insécurité dans les métropoles… Cette expérience de peau et de coeur, bien à l'écart des jugements généraux et des clichés habituellement déclinés (samba, futebol et jolies filles…) nous offre une confession amoureuse sensuellement et intelligemment documentée bien différente d'un Dictionnaire amoureux du Brésil qui ressemble plus à un puzzle en désordre qu'à une vision authentique et personnelle de ce pays aux mille visages. C'est ce qui rend ce récit profondément attachant : comment un projet engagé un peu au hasard à des fins vaguement professionnelles devient, devant un monde ouvert, offert, un émerveillement puis une nécessité, un choix de vie qui s'affirme, se consolide en chemin (caminhando). J'ai souvent abordé dans ce blog des textes mettant en scène une metanoïa, une transformation morale, spirituelle, philosophique, etc. Là, il s'agit d'une existence qu'un certain tropisme du divers, une mobilité voyageuse fait basculer dans le tout autre ; alors qu'on nous bassine avec le « goût des autres », Jacques Secondi ne fait pas le pari littéraire de l'altérité, il la joue en acte, au point de devenir ce « Français qui voulait être Brésilien » que nous rencontrons dans le prologue, faisant la queue devant l'immeuble de la police fédérale de São Paulo, sa petite Chiara dans les bras, pour obtenir son titre de résident permanent. Entre cette scène d'attente et la dernière page du livre qui raconte la remise du précieux document, nous aurons eu 300 pages en 28 chapitres déployant les épisodes, les rencontres, les raisons qui expliquent un tel amour pour ce pays et le désir de s'y établir. Ou si l'on veut être abruptement synthétique : la vie tranquille à Bahia, la découverte du pays profond (le sertão, l'Amazonie), une douloureuse séparation conjugale, la rencontre avec la « Femme fougère » ou le « garçon qui attrape », la révélation de la signification profonde du verbe portugais relaxar (le précieux lâcher prise brésilien), le retour à Paris pour raison économique (« mais avec le coeur ailleurs, côté feijão ») et surtout, surtout, le sens de ces moments uniques, après la pluie, où tout peut recommencer.
Je l'avoue, j'ai lu Tropique du Brésil d'une traite, avalant chapitre après chapitre, avec un plaisir aussi complet que la dégustation de la moqueca de camarão préparée par ma chère moitié, oubliant le « vai com calma, por favor » qui donne à chaque chose, chaque instant son prix. Ce livre, c'est du comfort food : il fait du bien car en syntonie totale avec « l'homme cordial » dont parlait Sérgio Buarque de Holanda.
On ne rendrait pas justice à l'écriture de Jacques Secondi si l'on ne soulignait pas ses qualités de conteur, son sens du portrait esquissé avec deux ou trois traits « qui en disent long », souvent humoristiques (avec bienveillance), suffisants pour caractériser un type social, une mentalité, un habitus – je pense à la faune locale (et/ou importée) qu'il côtoyait à Trancoso. Il y a quelques remarques extrêmement justes sur des invariants culturels typiquement brésiliens qui décontenancent les Français : le sens de la fête, la gentillesse (qui n'est pas un vernis de politesse), la propreté (corporelle, vestimentaire, ménagère), la haute sensibilité olfactive, le pragmatisme façon système « D » (jeitinho brasileiro) et bien sûr cet inégalable rythme alenti qui n'empêche pas une énergie native véritablement phénoménale ainsi expliquée par João, le marchand de journaux diplômé de philosophie de la rue Mourato Coelho à Sāo Paulo : « Selon lui, il y avait plus d'énergie en circulation au Brésil que sur le Vieux Continent. Pour la puissance fournie par le soleil, c'était prouvé. Mais cela ne s'arrêtait pas là. L'énergie à la disposition des Européens était, disait-il, absorbée par les vieilles pierres, par les espaces plus confinés et par le poids de l'histoire. »
Parfois, regarder un pays « par le petit bout de la lorgnette » comme dit Jacques Secondi, c'est-à-dire la vie au ras du bitume ou plutôt de la poussière ocre rouge soulevée sur les routes en terre (« Toujours la route », chapitre 10), ou des mille manières qu'a la chanson brésilienne d'explorer les affres de l'amour (« Sex appel », chapitre 13) s'avère plus efficace que bien des considérations prétentieusement sociologiques. Surtout quand on croise ce savoir très incarné avec des souvenirs forts comme de longs flashs et des sentiments aussi violemment sincères que le sourire et le petit signe de la main que vous envoie un cultivateur descendant d'esclaves avec qui vous avez discuté et sympathisé au bord de sa plantation de manioc aux confins du cerrado, terre qui meurt de soif.
Claudel** parlait de la terre brésilienne comme « un de ces pays mordants qui imprègnent l'âme ». Tout n'est pourtant pas rose là-bas et le chapitre 26 sur la violence chronique (« Larrons en foire ») est lucide et éclairant sans être dissuasif non plus – la phrase fameuse de Tom Jobim, le fondateur de la bossa nova : « Vivre à l'extérieur, c'est bien, mais c'est merdique. Vivre au Brésil, c'est merdique, mais c'est bien. » est toujours d'actualité. Et vivre en France, outre quelques caractéristiques de « l'art d'être Français » (dixit Emmanuel Macron) peu flatteuses, permet, oui, de se sentir en relative sécurité mais aussi de s'y ennuyer un peu.
Je ne résiste pas à donner les derniers élans de ce livre de coeur : « Le sort du pays est entre les mains d'un chantre de la dictature, et le Brésil s'est durci ? Moi aussi. Mais j'appartiens à ce pays. Pour le reste, j'arrête de calculer les risques, le salaire, ou l'âge du capitaine. J'admire les Mundurukus, cette tribu amazonienne qui refuse de compter au-delà de trois, et ma belle-mère très myope qui, elle aussi, a choisi de rester dans le flou, sans lunettes. Comme eux, je vois moins bien les détails, mais je sens mieux la forme de ces objets sculptés par la joie des rencontres et par les destins qui se mêlent. Faut-il rester immobile ? Ou bien avancer ? Et où aller ? Je respire, je sens, je cherche, avec la confiance du bébé que je tiens dans les bras, Chiara, ma « petite mère », comme dans le film Atarnajuat signé par un réalisateur inuit, où les parents donnent ce surnom à leur enfant, en reconnaissance du savoir qu'il leur transmet. C'est un entraînement quotidien à la marche paisible vers l'inconnu. Je m'abandonne sans peur, je dérive comme on taille la route. C'est comme un bon vent qui me pousse à nouveau vers ces instants essentiels où les vivants accomplissent ce travail qui leur est confié de comprendre sur quelle route ils se trouvent. »
* Il partage sa vie entre Paris et São Paulo.
** Jacques Secondi c'est tout le contraire de l'indifférence hautaine et l'aveuglement concerté de Paul Claudel qui écrit à sa belle-soeur : « Les Brésiliens, sont exactement conformes à ce que vous imaginez. Comme toujours j'ai trouvé les peuples exactement semblables dans le fond à l'idée que s'en font ceux qui n'ont jamais voyagé. Par exemple le Chinois est un homme qui a un chapeau à sonnette et qui tient toujours son index en l'air. Rien de plus exact. » Lettres de Paul Claudel à Elisabeth Sainte-Marie Perrin et à Audrey Parr.
Tropique du Brésil de Jacques Secondi, éditions François Bourin, 2019. LRSP (livres reçus en service de presse)
Illustrations : Tribunal Regional do Trabalho de São Paulo, photographie ©Lelorgnonmélancolique / Éditions François Bourin.

Amoureux du Brésil, levez-vous ! Ce livre est pour vous ! Muito gostoso ! Uma delícia ! Tout ce que vous avez aimé de ce pays de cocagne et qui continue à vous fendre le coeur d'une terrible « saudade » est là. Jacques Secondi béni soyez-vous entre tous les brésilianistes attitrés ou en chambre pour nous avoir offert un si beau livre !
Grand reporter dans la presse économique, Jacques Secondi est l'un de ces Français qui ayant parcouru en long et en large le Brésil (17 fois la France) depuis une vingtaine d'années ne se résout pas à n'être « que » Français*. Tropique du Brésil est l'histoire de son double, Emmanuel, journaliste qui, porté par le hasard et un solide goût de l'aventure, traverse le Brésil au milieu des années 1990 pour s'installer à Trancoso sur la côte bahianaise, lieu quasi paradisiaque (à l'époque) et y vivre selon son désir, c'est-à-dire d'une vie simple, libre, au plus près de la nature et de ses habitants. Tout cela a l'air de sentir le produit-éditorial-type pour le Festival Étonnants Voyageurs de Saint Malo, rendez-vous obligé des photographes, écrivains, auteurs de carnets de voyage et autres « coureurs de monde » professionnels… Rien de tout cela ici. Les « coureurs de monde » ne font que passer, ils ont des « semelles de vent », ils ne s'attachent pas, ne se fixent pas – certains sont même sérieusement atteints de dromomanie.
Jacques Secondi, mieux vaut parler de lui plutôt que d'Emmanuel son « narrateur », est tombé amoureux du Brésil au point de vouloir s'y établir, y recommencer une vie de couple, y travailler, c'est donc le récit d'une transformation, une véritable conversion qui nous est proposé. Une histoire d'amour pour ses habitants, ses cultures, ses lieux… Au fil de ses déplacements dans cet immense continent, le jeune homme qu'il était (26 ans) assiste aux changements que le pays subit : l'entrée à marche forcée dans la mondialisation ; les villages de pêcheurs qui deviennent la proie du tourisme ; les économies locales bouleversées, la montée de l'insécurité dans les métropoles… Cette expérience de peau et de coeur, bien à l'écart des jugements généraux et des clichés habituellement déclinés (samba, futebol et jolies filles…) nous offre une confession amoureuse sensuellement et intelligemment documentée bien différente d'un Dictionnaire amoureux du Brésil qui ressemble plus à un puzzle en désordre qu'à une vision authentique et personnelle de ce pays aux mille visages. C'est ce qui rend ce récit profondément attachant : comment un projet engagé un peu au hasard à des fins vaguement professionnelles devient, devant un monde ouvert, offert, un émerveillement puis une nécessité, un choix de vie qui s'affirme, se consolide en chemin (caminhando). J'ai souvent abordé dans ce blog des textes mettant en scène une metanoïa, une transformation morale, spirituelle, philosophique, etc. Là, il s'agit d'une existence qu'un certain tropisme du divers, une mobilité voyageuse fait basculer dans le tout autre ; alors qu'on nous bassine avec le « goût des autres », Jacques Secondi ne fait pas le pari littéraire de l'altérité, il la joue en acte, au point de devenir ce « Français qui voulait être Brésilien » que nous rencontrons dans le prologue, faisant la queue devant l'immeuble de la police fédérale de São Paulo, sa petite Chiara dans les bras, pour obtenir son titre de résident permanent. Entre cette scène d'attente et la dernière page du livre qui raconte la remise du précieux document, nous aurons eu 300 pages en 28 chapitres déployant les épisodes, les rencontres, les raisons qui expliquent un tel amour pour ce pays et le désir de s'y établir. Ou si l'on veut être abruptement synthétique : la vie tranquille à Bahia, la découverte du pays profond (le sertão, l'Amazonie), une douloureuse séparation conjugale, la rencontre avec la « Femme fougère » ou le « garçon qui attrape », la révélation de la signification profonde du verbe portugais relaxar (le précieux lâcher prise brésilien), le retour à Paris pour raison économique (« mais avec le coeur ailleurs, côté feijão ») et surtout, surtout, le sens de ces moments uniques, après la pluie, où tout peut recommencer.
Je l'avoue, j'ai lu Tropique du Brésil d'une traite, avalant chapitre après chapitre, avec un plaisir aussi complet que la dégustation de la moqueca de camarão préparée par ma chère moitié, oubliant le « vai com calma, por favor » qui donne à chaque chose, chaque instant son prix. Ce livre, c'est du comfort food : il fait du bien car en syntonie totale avec « l'homme cordial » dont parlait Sérgio Buarque de Holanda.
On ne rendrait pas justice à l'écriture de Jacques Secondi si l'on ne soulignait pas ses qualités de conteur, son sens du portrait esquissé avec deux ou trois traits « qui en disent long », souvent humoristiques (avec bienveillance), suffisants pour caractériser un type social, une mentalité, un habitus – je pense à la faune locale (et/ou importée) qu'il côtoyait à Trancoso. Il y a quelques remarques extrêmement justes sur des invariants culturels typiquement brésiliens qui décontenancent les Français : le sens de la fête, la gentillesse (qui n'est pas un vernis de politesse), la propreté (corporelle, vestimentaire, ménagère), la haute sensibilité olfactive, le pragmatisme façon système « D » (jeitinho brasileiro) et bien sûr cet inégalable rythme alenti qui n'empêche pas une énergie native véritablement phénoménale ainsi expliquée par João, le marchand de journaux diplômé de philosophie de la rue Mourato Coelho à Sāo Paulo : « Selon lui, il y avait plus d'énergie en circulation au Brésil que sur le Vieux Continent. Pour la puissance fournie par le soleil, c'était prouvé. Mais cela ne s'arrêtait pas là. L'énergie à la disposition des Européens était, disait-il, absorbée par les vieilles pierres, par les espaces plus confinés et par le poids de l'histoire. »
Parfois, regarder un pays « par le petit bout de la lorgnette » comme dit Jacques Secondi, c'est-à-dire la vie au ras du bitume ou plutôt de la poussière ocre rouge soulevée sur les routes en terre (« Toujours la route », chapitre 10), ou des mille manières qu'a la chanson brésilienne d'explorer les affres de l'amour (« Sex appel », chapitre 13) s'avère plus efficace que bien des considérations prétentieusement sociologiques. Surtout quand on croise ce savoir très incarné avec des souvenirs forts comme de longs flashs et des sentiments aussi violemment sincères que le sourire et le petit signe de la main que vous envoie un cultivateur descendant d'esclaves avec qui vous avez discuté et sympathisé au bord de sa plantation de manioc aux confins du cerrado, terre qui meurt de soif.
Claudel** parlait de la terre brésilienne comme « un de ces pays mordants qui imprègnent l'âme ». Tout n'est pourtant pas rose là-bas et le chapitre 26 sur la violence chronique (« Larrons en foire ») est lucide et éclairant sans être dissuasif non plus – la phrase fameuse de Tom Jobim, le fondateur de la bossa nova : « Vivre à l'extérieur, c'est bien, mais c'est merdique. Vivre au Brésil, c'est merdique, mais c'est bien. » est toujours d'actualité. Et vivre en France, outre quelques caractéristiques de « l'art d'être Français » (dixit Emmanuel Macron) peu flatteuses, permet, oui, de se sentir en relative sécurité mais aussi de s'y ennuyer un peu.
Je ne résiste pas à donner les derniers élans de ce livre de coeur : « Le sort du pays est entre les mains d'un chantre de la dictature, et le Brésil s'est durci ? Moi aussi. Mais j'appartiens à ce pays. Pour le reste, j'arrête de calculer les risques, le salaire, ou l'âge du capitaine. J'admire les Mundurukus, cette tribu amazonienne qui refuse de compter au-delà de trois, et ma belle-mère très myope qui, elle aussi, a choisi de rester dans le flou, sans lunettes. Comme eux, je vois moins bien les détails, mais je sens mieux la forme de ces objets sculptés par la joie des rencontres et par les destins qui se mêlent. Faut-il rester immobile ? Ou bien avancer ? Et où aller ? Je respire, je sens, je cherche, avec la confiance du bébé que je tiens dans les bras, Chiara, ma « petite mère », comme dans le film Atarnajuat signé par un réalisateur inuit, où les parents donnent ce surnom à leur enfant, en reconnaissance du savoir qu'il leur transmet. C'est un entraînement quotidien à la marche paisible vers l'inconnu. Je m'abandonne sans peur, je dérive comme on taille la route. C'est comme un bon vent qui me pousse à nouveau vers ces instants essentiels où les vivants accomplissent ce travail qui leur est confié de comprendre sur quelle route ils se trouvent. » "
* Il partage sa vie entre Paris et São Paulo.
** Jac
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La Feuille Volante n° 1350 – Mai 2019.

Tropique du BrésilJacques Secondi – Éditions François Bourin.

Je remercie les éditions François Bourin de m'avoir fait découvrir cet auteur dont c'est apparemment le premier roman.
C'est le récit d'Emmanuel, ce journaliste français qui attend sa carte de résident permanent au Brésil, non pour des raisons fiscales comme on pourrait le croire, mais simplement par amour de ce pays. Durant la nuit qui précède, il repense à ce qu'a été son parcours depuis que les hasards d'un reportage l'ont amené ici en 1990 même si, au cours de toutes ces années, les choses ont bien changé. Au début il avait découvert le pays avec les yeux émerveillés de celui qui croit avoir trouvé dans ce village de bord de mer le but de son voyage. Son nom « Trancoso »(Tranquille) était pour lui une promesse de dépaysement. Il était tombé amoureux du climat tropical, de cet art de vivre fait de sieste, de farniente où le seul meuble important était le hamac, du fatalisme de ses habitants qui vivent dans l'instant sans trop se soucier de l'avenir, de cette langue chantante, des jolies femmes aussi, même si leurs appas n'étaient pas exactement les mêmes que sous nos latitudes occidentales, de la sexualité débridée, du sens de la fête arrosée, du rythme de la samba, de la nourriture (dont il livre beaucoup de recettes), bref de tout ce qui fait ce pays. Il y avait certes rencontré des autochtones mais, à l'époque de son arrivée il y avait aussi des hippies attardés, des voyageurs bohèmes égarés qui avaient décidé de passer ici le reste de leur vie. Cette carte postale a été un peu bousculée quand l'unique route de terre qui menait au village a été goudronnée, amenant avec elle un tourisme commercial et une urbanisation sauvage et qu'il a pris conscience du côté folklorique brésilien fait d'infrastructures d'un réseau routier approximatif, souvent défaillant et parfois dangereux, du goût un peu trop prononcé de ses habitants pour la musique à tue-tête, des cabines de téléphone public capricieuses, de l'obsession de ses habitants pour une propreté quasiment étasunienne avec cette hantise de traquer les puanteurs fétides et de masquer ses propres odeurs corporelles par un usage immodéré pour les parfums.
Mais la réalité est tout autre aujourd'hui dans la mégalopole de São Paulo, et l'évocation humoristique voire idyllique de cet immense pays ne suffit pas à masquer une forme d'intolérance à tout ce qui est différent, notamment les homosexuels qui, dans d'autres démocraties sont acceptés sans aucune difficulté, le gouffre qui existe entre riches et humbles, la pauvreté des favelas, les agressions parfois meurtrières dans les rues, l'insécurité croissante avec usage d'armes à feu, de rackets et d'enlèvements, le trafic de drogue, la corruption. Si la 4° de couverture rappelle que l'auteur apprécie le mot brésilien « relaxar » pour souligner ce mode de vie détendue, la lecture de ce roman y oppose facilement le verbe « favelizar » (composé à partir de « favela ») qu'on peut traduire par le processus de dégradation d'un quartier, le verbe « bobear » qui signifie flâner, une activité banale sous nos latitudes mais qui est ici des plus déconseillées pour un touriste étranger signalé par la couleur plus claire de sa peau. Il reste que marcher dans la rue vous expose à être pris entre le feu de la police militaire et celui des criminels en tout genre qui peuplent les villes, ce qui n'est pas vraiment engageant. Et ce pour ne rien dire du kidnapping, de l'attaque du domicile privé ou de l'invasion d'un lieu public suivi de délestage de ses occupants sous la menace des armes. Là, le verbe « arrastrar » (ramasser ) prend tout son sens.
Je ne sais si l'intention de l'auteur était originellement de faire l'éloge du pays, mais la lecture de cet ouvrage que j'ai du mal à qualifier de « roman » qui est généralement réservé à la fiction, ne m'engage guère à en faire ma prochaine destination touristique. J'ai lu ce livre plutôt comme un reportage aux allures de mises en garde malgré l'amour qu'il déclare au Brésil. Cela correspond d'ailleurs à différentes observations déjà entendues dans mon entourage et ce même l'insécurité grandit chaque jour dans nos sociétés occidentales menacées par le terrorisme islamiste et les luttes politiques qui dégénèrent, avec de plus en plus de policiers et de militaires dans les rues de Paris pour protéger les populations. Ce n'est cependant pas sans une pointe d'humour que l'auteur confie qu'il préfère le Brésil où là au moins il ne s'ennuie pas et pour lequel malgré tout a fait son choix.
Cela dit le « roman » est bien écrit, plein d'expressions portugaises et de détails du quotidien, avec cet humour de bon aloi qui, à l'aide des mots choisis, vous invite au sourire, malgré tout !

©Hervé Gautier.http://hervegautier.e-monsite.com
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critiques presse (1)
Liberation
27 juin 2019
Via un alter ego parti d’Europe en quête d’énergies brésiliennes, le journaliste livre un récit de voyage touchant, entre douceur de vivre et lucidité désenchantée.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Le hasard n'existe pas et les coïncidences ont un sens Les événements de la vie peuvent être liés entre eux autrement que par la cause et l'effet, par une signification que leur découvre celui qui y assiste.
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Comme le Christ, il semblait avoir fait voeu de pauvreté, tout en ayant compris qu'il pouvait vivre de la générosité des autres.
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