Le mariage alchimique d'Alistair Crompton

Ce roman prouve une fois de plus que Sheckley ne manque pas. Même au fond de son catalogue, on retrouve des histoires habilement ficelées et toujours empreinte de cet humour burlesque raffiné qui se marie si bien avec le genre de la science-fiction.

Comme dans ses meilleurs romans, Sheckley nous fait voyager dans un monde exotique et absurde peuplé d'êtres toujours plus abracadabrants les uns que les autres. Malgré cette explosion de couleurs, débordante de situations incongrues et de personnages impossibles, le roman ne détourne jamais son regard du fil conducteur, de sorte que chaque instant demeure cohérent et pertinent au large portrait de l'histoire. Néanmoins, le voyage demeure toujours plus exquis que l'arrivée et Sheckley ne se gène pas à placer quelques détours sur le passage de ce pauvre Crompton.

On passe ainsi d'une situation à une autre dans un rythme effréné qui nous fait tourner les pages tout aussi rapidement. Mention spéciale au duel philosophique faisant suite à un accident de la route banal sur Aïon. L'absurdité du combat de verve qui s'ensuit fait de cette scène ma préférée de l'auteur après celle ou Carmody rencontre Dieu dans La dimension miracle.

Bref c'est un excellent roman qui talonne sans mal les plus grands classiques de l'auteur. Je le recommande sans réserve.

Alistair Crompton a été soigné un peu trop tard dans son enfance d'une schizophrénie sévère. Deux de ses personnalités ont été extraites et implantées dans des androïdes, et à trente ans comme la loi le lui permet, il décide de les récupérer, s'engage dans un périple vers deux planètes très lointaines. Il multiplie les rencontres surréalistes d'une étrangeté toute naturelle dans un monde à la richesse et à la diversité infinies ou presque. Il nage dans les paradoxes du morcellement de l'identité et de l'incarnation asynchrone d'un être multiple et diminué en quête de complétude.
L'extravagance joyeuse et le décalage humoristique sont sans limites au contact d'espèces dépaysantes, le non-sens préside à nombre de situations théâtrales, Robert Sheckley traite avec légèreté du conflit de personnalités aux motivations exotiques l'une pour l'autre, forcées de se côtoyer. L'idée de départ est très bonne, une quête cosmique et entropique, une plongée suicidaire dans un chaos incertain, une espèce de fantasy déjantée dans une sorte de space opera tragicomique aux échos psychologiques et même ontologiques.
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