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EAN : 9782264020987
323 pages
10-18 (30/11/-1)
3.33/5   3 notes
Résumé :
En 1978, l'écrivain Shiva Naipaul (le frère cadet de V.S. Naipaul) entreprend un voyage de plusieurs mois en Afrique. " Je voulais écrire un livre qui réponde à mes propres obsessions. Que veulent dire des mots comme " libération ", " révolution ", " socialisme " aux peuples qui en font l'expérience ? Quelles ombres projette aujourd'hui le passé colonial de l'homme blanc en Afrique ? " Avec ses dons de romancier, Shiva Naipaul a écrit l'histoire tragique, féroce et ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Shiva Naipaul était le frère cadet de V. S. Naipaul, auteur d'origine indienne, né à Trinidad-et-Tabago, prix Nobel de littérature en 2001. Egalement écrivain, la carrière de Shiva a été quelque peu éclipsée par celle de son frère, d'autant plus qu'il est mort relativement jeune. Son oeuvre compte des oeuvres de fiction, mais aussi des récits de voyage (il a par ailleurs été journaliste), même si la plupart de ses livres ont été traduits en français, ils ne sont pas très facilement accessibles actuellement.

Publié pour la première fois en 1978, Sortilège africain raconte un voyage en Afrique, plus précisément au Kenya, en Tanzanie et Zambie. Il a l'ambition de faire une sorte de radioscopie de l'Afrique, de ses régimes politiques, des relations entre les races et les cultures suite à la décolonisation. Je cite :

« ...une sorte de roman, un montage d'images de gens, de lieux, de rencontres... »

Le regard de Shiva Naipaul se pose donc sur tel ou tel lieu, il fait s'exprimer des habitants ou voyageurs, dans des conversations à priori innocentes, dans lesquelles il se garde bien de donner son point de vue, laissant à l'interlocuteur toute la place pour se révéler, donner sa version des choses.

Son constat est très noir, presque désespérant. La pauvreté, la violence, les rapports entre les races enfermés dans des schémas auxquels il est impossible d'échapper. Les tentatives socialistes, en particulier en Tanzanie, qui sont des façades creuses, derrières lesquels la corruption, la confiscation du pouvoir et des richesses par quelques uns ont la part belle. Une sorte de régime post-colonial, entretenu par une partie des Africains eux-mêmes qui y trouvent leur compte, les Chinois qui commencent à se positionner… Il semble y avoir peu d'espoir que les choses s'améliorent, la pauvreté et toutes les frustrations donnant un cocktail explosif qui n'attend qu'une étincelle pour la mise à feu.

Cet univers est finalement proche de celui de V.S. Naipaul, tout particulièrement de son livre A la courbe du fleuve, qui se passe en Afrique. Et qui pointe lui aussi un phénomène largement ignoré en Occident, les persécutions et brimades dont sont victimes les populations d'origine indienne, boucs émissaires commodes de tout ce qui ne va pas, toujours à portée de main pour extérioriser une violence qui couve.

Un livre intéressant et bien écrit, avec des partis pris. Il ne s'agit pas d'un récit de voyage avec les aspects pittoresques et sympathiques, mais d'un constat, dont rien ne vient adoucir l'amertume. On se dit par moments que l'auteur a du quand même rencontrer des gens ou voir des choses un peu moins rentrant dans ses analyses, que le réel doit quand même être moins univoque…. Mais les événements qui ont eu lieu depuis sur le continent ont quand même tendance à donner raison à l'auteur et à son pessimisme.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Au bout de deux jours, je décidai de remonter vers le nord le long de la côte, jusqu'à Lamu : celle île minuscule, m'avait-on assuré, était l'un des derniers bastions de la culture islamique sur la côte kenyane. Mais ce n'était pas pour cette seule raison que j'avais décidé de me rendre à Lamu. On m'avait parlé tout bas des charmes ensorcelants de cette Circé. Lamu, m'avait-on dit, séduit et corrompt. Le chant des sirènes y attirait pour leur malheur les hommes sans méfiance. C'était une île habitée par des lotophages, des homosexuels et des houris. Prenez garde ! Prenez garde ! Evidemment, je décidai qu'il me fallait y aller.
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Je restai à contempler les boites de viande sud-africaines empilées sur les étagères derrière le bar. Noirs et blancs se valaient. Ni l'un ni l'autre ne méritait qu'on versât une seule larme sur eux : l'un comme l'autre, ils étaient pourris jusqu'à la moelle. Chacun avait été détruit au contact de l'autre ; chacun à sa manière. L 'Afrique noire, avec ses dictatures de pacotille, ses maréchaux et ses empereurs, ses fausses philosophies, ses Etats fabriqués,renvoie à l'Europe sa propre image, une caricature grotesque-comme on la verrait probablement dans le miroir déformant d'une baraque de foire. Quant à la civilisation occidentale, elle avait avorté pratiquement dès le début. L'homme civilisé, à ce qu'il me semble, ne peut pas davantage résister au contact prolongé du primitif que celui-ci ne peut résister au contact prolongé du civilisé. Partout, dans le Nouveau Monde, dans les mers du Sud, en Australie, sa convoitise, libérée des contraintes, a pris le dessus. Lui aussi est devenu une caricature de tout ce qu'il prétendait représenter. Dans la littérature européenne, Kurtz, le personnage de Conrad, est l'incarnation suprême de la vulnérabilité du Blanc confronté à l'appel de la jungle. Kurtz, qui avait écrit de façon si éloquente et avec une conviction si naturelle sur le "Progrès" ("Par la simple force de notre volonté nous pouvons exercer un pouvoir pratiquement illimité en faveur du bien") et sur l'Homme Blanc en tant que Divinité bienveillante, avait succombé, vers la fin, aux visions démentes nées du désir d'un pouvoir absolu ; ".....la jungle l'avait vite démasqué et avait assouvi sur lui une terrible vengeance...." Ses héritiers spirituels, des citadins dégénérés, dont le pouvoir s'étend jusqu'au Sud, continuent à parler de la Civilisation et de ses Valeurs. Mais leurs balles ne défendent qu'un système de servitude et de pillage. Continent sans espoir, condamné ! Ici ne fleurit que le mensonge. L'Afrique a été emmaillotée de mensonges, les mensonges d'une civilisation européenne avortée; les mensonges de la libération. Rien que des mensonges.
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Les chaînes montagneuses kikuyu s'étendaient de toutes pars, vague après vague jusqu'a l'horizon. Là où la terre avaient été entaillée pour laisser un passage à la route, elle offrait aux regards son coeur d'un vermillon saisissant. A regarder ce rouge sanglant, on prenait conscience non seulement de la richesse de la terre mais aussi - et c'était plus gênant - de son attrait viscéral.
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