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280 pages
Grasset (03/02/1938)
4/5   1 notes
Résumé :
Dédié à la mémoire d’Edit Wharton, ce livre conte, sur fond de paysages changeants livrés aux sortilèges des noms et des lointains, l’histoire d’un enlèvement d’enfant par des bohémiens. C’est une féerie, au sens théâtral du terme, bâtie sur le souvenir et le rêve, les parfums et les odeurs, de la même constellation que les textes de Germaine Beaumont ou de Gyula Krudy. L’écriture poétique, d’une densité et d’une finesse rares, est virtuose ; l’action, quasiment nul... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Sous le nom de Claude Silve se cachait Philomène de Lévis-Mirepoix, soeur du célèbre historien Antoine de Lévis-Mirepoix. Aristocrate par héritage, comtesse par alliance, la littérature fut son violon d'Ingres, ce qui pour autant ne la mena pas à des oeuvres de divertissement. En tant que Claude Silve, Philomène était une plume exigeante, sophistiquée, fortement imprégnée de symbolisme et de romantisme, poussant la préciosité jusqu'à un maniérisme que certains littéraires jugeaient pédant. Ce n'est pas tout à fait faux, même si c'est très exagéré, même si « Un Jardin Vers L'Est » en est un vibrant exemple.
Est-ce seulement un roman ? Sur bien des points on pourrait en douter. D'abord parce que ce livre est divisé en deux parties, qui racontent la même histoire de deux points de vue différents.
Dans les jardins de Versailles, une famille de la haute-bourgeoisie britannique, les Green, se promène, après une fête donnée dans les dépendances du château. Les deux enfants de la famille, le jeune Peter et sa cousine (qui n'est jamais nommée) croisent dans les bois une famille de bohémiens, lesquels sont hypnotisés par les tenues chatoyantes et brillantes portées par les deux enfants. La petite cousine se méfie, mais le jeune Peter se sent charmé, et c'est presque avec bonhomie qu'il se laisse enlever.
L'enlèvement d'un enfant par une troupe de bohémiens est un grand classique de la littérature du XIXème siècle, sans doute plus inspiré par des fantasmes à prétentions pédagogiques que par des situations réelles. En 1938, c'était déjà un thème très éculé, même si l'hintrigue de ce roman, sans être jamais précisément datée, se passe à la Belle-Époque.
De cet enlèvement, qui n'a même pas pour but une rançon, la famille Green va vivre les inévitables affres de la douleur, tandis que la petite cousine, narratrice de la première partie du récit, analyse, à posteriori, son ressenti étant enfant : la disparition brutale, imprévisible, d'un petit cousin attachant, qui semblait suivre avec un certain plaisir ses ravisseurs, a de quoi faire vaciller beaucoup de ses certitudes.
Durant un an, la police française et la famille Green cherchent sans succès à retrouver le jeune Peter. Ils finissent par le découvrir dans une masure infecte, quoique décoreé avec goût, où se sont réfugiés les bohémiens. L'enfant ne semble pas avoir été maltraité, mais il est singulièrement bizarre, il ne parle plus, ne semble pas comprendre ce qu'on lui dit, et jette sur tous les gens qui l'entourent un regard ironique et désabusé. Bien vite, il s'affaiblit, sans toutefois en être plus incommodé que cela. Au bout de quelques semaines, Peter se laisse proprement mourir, le sourire aux lèvres, sans avoir prononcé un seul mot.
La deuxième partie raconte la même histoire mais du point de vue de Peter et des bohémiens, lesquels, en fait, sont persuadés d'avoir enlevé un prince de la famille royale, et gauchement quoique avec sincérité, ils le traitent comme un petit souverain, l'appellent "Mon prince" et s'efforcent de satisfaire le moindre de ses caprices.
Ainsi, le jeune Peter ayant perdu une famille se découvre un royaume et ses sujets, un petit royaume totalement imaginaire, mais dont il est le souverain incontesté, et, au fil des mois, il s'enferme dans un rôle de prince quasi-mystique, au point même de ne même plus avoir besoin de l'adulation des bohémiens et de se croire prince, même dans la solitude et l'isolement.
Ainsi, lorsqu'il est enfin délivré, son statut princier lui interdit de parler aux ennemis qui l'ont dépossédé de son royaume, et comme il est hors de question pour lui de revenir à sa vie antérieure de simple enfant, et qu'un prince ne vit que pour régner, il se laisse mourir avec le sentiment presque apaisé du capitaine qui coule avec son navire...
« Un Jardin Vers L'Est » raconte donc, en deux versions, l'une réelle, l'autre onirique, cette étrange métamorphose d'un petit garçon, qui n'était pourtant pas foncièrement malheureux mais qu'un prestigieux malentendu pose sur un trône irréel, dont il n'est ensuite plus capable de s'affranchir. L'idée est originale, même si je la résume ici avec plus de limpidité que ne le fait Claude Silve.
Car en effet, d'une part, l'auteure se montre assez souvent confuse dans sa démonstration, qui cesse assez souvent d'en être une. Suivant des pulsions très arbitraires, les chapitres présentent les faits de manière désordonnée, au travers du prisme permanent d'une écriture poétique et symbolique dont on ne comprend pas toujours la signification. Claude Silve se laisse parfois entraîner par le torrent des mots qu'elle écrit, et il n'est pas toujours très facile au lecteur de la suivre au travers de métaphores ou de symboles qui n'ont du sens qu'à ses yeux.
En vérité, « Un Jardin Vers L'Est » tient plus d'un long poème en prose. Les personnages n'y sont pas tous nommés, certains apparaissent et disparaissent sans raison et le livre tout entier semble balloté par des incohérences telles qu'on en trouve dans les rêves. Mais comme nos propres rêves incohérents gardent toujours plus de sens à nos yeux que les rêves incohérents d'autrui, on se lasse parfois du caractère capricieux, narcissique et aléatoire d'un récit trop vaporeux à force de se vouloir purement littéraire. Comme Marcel Proust, par lequel elle est indéniablement influencée, Claude Silve prend un certain plaisir à s'attarder sur des détails insignifiants et des sensations un peu vaines; mais Proust avait pour lui l'avantage de ne rien avoir à raconter d'autre, alors que Claude Silve pose une intrigue à laquelle elle ne revient que paresseusement, comme à une corvée. le lecteur s'y sent donc parfois un peu pris au piège comme il le serait au milieu d'un embouteillage.
Reste l'extrème qualité de la plume de Claude Silve qui pousse la fibre poétique bien plus loin que Marcel Proust et nous offre au final une oeuvre esthétique et raffinée, une peinture faite de mots que l'on croit voir bouger, mais qui restent désespérément immobiles et sans issue. On apprécie mieux la lecture de ce livre une fois que l'on est conscient de cela, mais dans l'ignorance de ce travail littéraire très particulier, le lecteur trop candide pourra injustement se sentir floué ou coincé dans une impasse.
« Un Jardin Vers L'Est » est donc une expérimentation littéraire à réserver aux plus esthètes et aux plus blasés, car il faut être sans doute un peu blasé, plus que je ne le suis en tout cas, pour se sentir totalement charmé par tant de sophistication vaine et nombriliste.
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