AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,74

sur 42 notes
5
1 avis
4
12 avis
3
2 avis
2
2 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un des 550 millions de bouquins vendus de Georges Simenon, si l'on prend les tirages cumulés de ses 193 romans et 158 nouvelles. Si l'on ne compte que ses histoires du commissaire Maigret on en arrive déjà à 103 titres. J'ignore si les staticiens ont tenu compte de ses oeuvres autobiographiques comme "Je me souviens" de 1945 et "Mémoires intimes suivis du livre de Marie-Jo" de 1981... ? Il est aussi l'écrivain francophone le plus traduit après Jules Verne.
Selon Wikipédia, 187 films sont basés sur ses oeuvres.

Cela va faire 55 ans que je lis des livres de mon compatriote prolifique et je me réjouis lorsque je découvre de nos jours un ouvrage pas encore lu de ce Liégeois des records.

Tout au long de sa carrière et de sa vie, il y a eu la controverse si oui ou non ce que Simenon écrivait pouvait être considéré de la littérature ou pas. Un faux débat, auquel je ne tiens pas à me mêler. Tout ce que je sais c'est que, sans grande prétention, il m'a procuré, comme à des milliers d'autres lectrices et lecteurs je présume, quelques agréables heures d'évasion.

"Un nouveau dans la ville" de 1950 s'inscrit dans cette réalité.

Avertissement : Ne lisez surtout pas la présentation du livre par chachoura, okta et poppy64 de Babelio, qui est tellement détaillée qu'elle enlève, malheureusement, toute curiosité et toute envie de se plonger dans ce roman. Je me demande ce que l'auteur aurait dit d'un tel résumé totalement contreproductif !

Quelque part dans une ville au nord des États-Unis dont le nom n'est pas spécifié, mais qui se trouve près de la frontière canadienne, avec sa "main street" (rue principale), son shérif, son hôtel douteux, ses petits magasins, bars et snacks, où tout le monde se connaît, un beau jour d'hiver un nouveau se pointe, qui dit s'appeler Justin Ward. Son allure est d'une banalité inquiétante : la quarantaine, gras sans être gros, mal fagoté et peu soigné de sa personne, mais nonchalamment il trimbale en poche une belle liesse de billets de dollars.

C'est surtout l'exploitant du plus important débit de boissons, Charlie, d'origine italienne malgré son nom, qui s'inquiète. D'autant plus que peu avant l'arrivée du nouveau, le riche fermier, Morton Price, avait été tué, derrière le volant de sa bagnole d'une balle de revolver en pleine poitrine !

Charlie est tellement intrigué et soupçonneux qu'il éprouve le besoin d'en référer d'urgence au shérif, Kenneth Brookes, qui amène Justin au poste pour un interrogatoire. Mais comme il n'y a strictement rien qui permettrait de l'enfermer, il le relâche à la grande consternation de Charlie de plus en plus méfiant.

Georges Simenon, à son habitude, réussit à créer une certaine atmosphère pleine de tension, bien que rien de très important ne se passe et que l'auteur nous présente paisiblement toute une équipe de personnages colorés, soit des habitants, soit des visiteurs du bled.

Nous faisons la connaissance du vieux et gâteux Scroggins, qui loue des billards quasi aussi antiques que lui-même ; du Yougoslave Mike Mlejnek qui est souvent ivre et vie avec une Maria et une Ella ; du plâtrier Jef Saounders ; du monumental Jim Coburn, boxeur ; du fermier des "Quatre-Vents" Dwight O'Brien et son épouse Lemma, de la logeuse de Justin, la veuve Eleanor Adens etc.

Dans la célèbre série télévisée "L'Heure Simenon", créée par Pierre Grimblat et diffusée en 1987 et 1988, "Un nouveau dans la ville" constituait le 7e des 13 épisodes.

Je vous souhaite bonne chance dans votre découverte des mystères et énigmes qui entourent le personnage central de ce court roman (191 pages) de Georges Simenon.
Commenter  J’apprécie          5618
Commencer l'année avec un bon Simenon des familles, voilà qui met de bonne humeur !
Ecrit pendant sa "période américaine", ce court roman (qui n'est pas un Maigret) raconte une étrange histoire de haine dans un patelin du Maine : un drôle de bonhomme débarque un jour dans cette petite ville et s'y installe, sans chercher à se rendre sympathique auprès du barman chez qui il passe plusieurs heures par jour. Peu à peu, il devient l'obsession dudit barman, qui s'entête à enquêter sur lui, finissant par éveiller la perplexité des autres clients du bar.
Qui a raison ? Qui devient fou ? Qui cache des choses ? Où sont les bons, où sont les méchants ?
Comme toujours chez Simenon, la psychologie a la part belle dans cette histoire, et j'ai adoré sa façon de décortiquer les rouages du cerveau humain. J'ai également adoré l'ambiance hivernale de ce livre, la neige, le froid, l'humidité, l'obscurité -et la chaleur d'une cuisine, les loupiottes de Noël dans les rues glacées. Et puis, j'ai été touchée par la fascination (lucide) de l'auteur pour l'Amérique, notamment quand il ponctue son texte de mots anglais au charme exotique désormais désuet ("High School", "gambler", "hamburger steak") : c'est si pur !
J'ai donc passé un très bon moment avec ce roman singulier ; certains diront peut-être qu'on s'y ennuie, mais je l'ai trouvé d'une incroyable densité, mise en exergue par la redoutable simplicité du style de Simenon.

Pour finir, je suis stupéfaite de découvrir sur ce site un résumé du livre (copié-collé sur Wikipédia, ou vice-versa) qui raconte l'histoire jusqu'à la fin (sans lui rendre hommage) ! Si vous envisagez de découvrir ce roman, je vous conseille de ne pas lire ce résumé.
Commenter  J’apprécie          302
« Il se trouva installé dans la ville sans que personne l'eût vu arriver, et on en ressentit un malaise comparable à celui d'une famille qui apercevrait un inconnu dans un fauteuil de la salle commune sans que personne l'ait entendu entrer, ni que la porte se soit ouverte. » Qui est ce drôle de type qui traverse la ville en claudicant ? D'où vient-il et surtout que vient-il faire ici ? Pourquoi a-t-il choisi de s'installer dans ce quartier ? L'homme s'est présenté sous un nom d'emprunt : Justin Ward. Ses journées sont rythmées par lune routine immuable. Charlie le voit ainsi entrer dans son bar à heures fixes pour y commander les mêmes consommations. Ward lui est antipathique dès le premier jour. Il faut dire que ce dernier ne fait aucun effort pour paraître agréable ou se faire accepter. ‘On' ne l'aime pas ? Il ne le leur rend bien.
Simenon excelle à créer ces hommes étranges et étrangers qui apparaissent comme un furoncle sur un corps social qui semblait jusque-là harmonieux. Sa présence gêne les croquantes et les croquants. Tous les gens bien intentionnés le regardent avec méfiance et curiosité. Ils rêvent de percer le mystère qui entoure son existence. La crise couve... le malaise gonfle au fil des jours... La société devra se purger de ce corps étranger…
Commenter  J’apprécie          291


Ce titre est l'un des trois rassemblés dans un volume d'une collection éditée par le Monde avec Prison et Maigret et l'affaire Nahour, sous le titre collectif de Vengeances. Plusieurs jours après la lecture c'est celui qui me reste le plus en tête.
Un jour d'hiver, un homme descend d'une voiture qui s'éloigne aussitôt, et va directement dans un bar tenu par Charlie, qui a un peu fréquenté le Milieu. Très vite il intrigue le barman. Comment a-t-il trouvé son bar, d'où vient tout l'argent qu'il porte toujours dans son manteau ? Il faut dire que l'inconnu ne fait rien pour se rendre sympathique, il ne parle à personne, répond par monosyllabes. Il dresse le « Yougo », un immigré qui vit à l'écart dans une maison abandonnée avec deux femmes, et fait toutes sortes de travaux, contre les habitants…
Charlie se renseigne auprès de ses anciens contacts. Il met en route une mécanique qui va le dépasser un peu.

Commenter  J’apprécie          140
"Un nouveau dans la ville", bien qu'écrit par Georges Simenon, n'est pas un roman de la série des Maigret. Celui-ci fait partie de sa série américaine. Ce n'est pas vraiment un roman policier mais plutôt un roman d'ambiance ou un roman psychologique comme Ruth Rendell en a écrit par dizaines.
À la fin des années 40, un étranger arrive dans une petite ville du Maine, état du nord-ouest des États-Unis à la frontière avec le Canada. Ne faisant rien pour paraître sympathique aux yeux des habitants, son comportement, sa liasse de billets et ses actions attisent très vite leur suspicion. le plus inquiet étant Charlie, le patron italo-américain du bar dans lequel l'étranger va passer une partie de ses journées. Grâce à ses contacts dans le milieu du banditisme de Chicago, il va mener sa propre enquête sur l'identité de cet inconnu...
Ce très court roman (- de 200 pages) a également la particularité d'être illustré par Loustal qui a bien su en retranscrire l'ambiance pesante, lourde malgré quelques petites erreurs (par exemple, il dessine p41 la logeuse avec un chien, or le texte dit qu'elle déteste les chiens et vit avec 4 ou 5 chats).

Comme pour un Maigret, on retrouve cette lenteur dans l'action et cette ambiance triste, sombre, hivernale. Tout au long du roman je me suis demandé où Simenon voulait en venir avec cet étranger et malheureusement je me suis retrouvé déçu par la fin avec de nombreuses questions non résolues.
Mais je remercie Babelio pour m'avoir sélectionné à une de ses Masses Critiques et les éditions Omnibus de m'avoir envoyé ce roman illustré.
Commenter  J’apprécie          100
Nord-est des Etats Unis, à deux pas de la frontière canadienne, une petite bourgade de 10000 habitants à peine, à l'approche d'un Noël des années 40.
Un homme est venu.
Seul.
Dans le froid de la nuit, sous la neige qui tombait drue. Personne ne l'a vu boitant sous le halo pale des réverbères. Il n'a demandé son chemin nulle part. Et pourtant il aurait pu. Dans les bars encore allumés, par exemple, où scintillait déjà la féerie lumineuse des fêtes à venir.

Il savait où il allait, sans hésitation.
La ville attendait Santa Clauz, et non pas un inconnu qu'on allait vite finir par haïr.

Personne pour raconter, pour le décrire, commencer à broder sur son compte. Il n'est venu ni en bus, ni en train; quelqu'un l'aurait vu sinon, et surtout l'aurait dit. Tout se sait, tout s'invente même, dans cette petite ville des USA. Tout le monde y connait tout le monde, invente sur le compte des autres, médit, espionne et ment.

Comme ailleurs...partout dans le monde.

L'inconnu est, dès le lendemain matin, désormais là, présent au milieu des autres, sans bruit, sans heurt, sans parler ou presque:
_dans la vieille pension de famille où il a loué une chambre sous le nom de Justin Ward (mais est-ce sa vraie identité..? C'est si facile de mentir, de porter un masque qui n'est pas le sien). Il ne cherche pas le contact avec les autres locataires, si ce n'est avec la jeune Mabel qui le soignera contre finances quand il sera malade. Et de cette intimité qu'on constate entre eux deux, sans en savoir vraiment plus (couchent t'ils ensemble ?), naît la rumeur qu'il la convaincu de porter des talons hauts quand elle va le rejoindre dans sa chambre... vous pensez, sur du parquet ciré ..!
_On le voit, toute la journée durant, au comptoir du bar de Charlie, à boire en silence, en observateur patient, presque à l'affût, sournois et calculateur. Que cherche t'il ? Que veut t'il ? On le sent aux aguets, à l'affût d'une proie, de quelqu'un dans la ville.

Qui est sa cible..?

L'homme sort souvent et ostensiblement de sa poche une énorme liasse de grosses coupures quand il s'agit de payer. Chapeau mou, duffel-coat élimé, teint bilieux, maladif ... et surtout cette étrange façon de regarder les autres, de les peser, de les tester, de les prendre de haut, de chercher la place du mal dans les âmes. On le sent suspicieux, manipulateur, adroit à laisser faire aux autres ce qu'il se défend de faire lui-même.

Quand il est là au comptoir, on souhaiterait qu'il soit ailleurs, loin d'ici et pour longtemps, qu'il disparaisse, retourne au néant d'où il est venu. Sa seule présence bizarrement indispose. Les conversations s'effondrent, la gène naît d'être simplement à ses côtés et perdure comme une mauvaise ombre noire posée sur le bar et les clients. La convivialité d'antan meurt.

Un pressentiment de mauvais augure naît: un drame attend, tapi dans l'ombre.

Charlie, le barman, traîne un passé de maffieux new-york repenti. Justin Ward cherche t'il le règlement de compte au nom d'une vengeance à assouvir ?
Le shériff confie à ses concitoyens que sa hiérarchie lui a interdit de creuser autour de l'inconnu. Un moyen, en mentant, de botter en touche ou, en vérité, une réelle mise en garde ?
L'imprimeur pense l'avoir reconnu, l'homme est peut-être celui qui il y a longtemps ....
Et puis il y a le Yougo, un quasi clandestin que la communauté tolère malgré ses samedis ébrieux. Il vit dans un taudis aux confins de la ville, ostensiblement polygame, chèvres et poules dans la pièce commune. Ward le paie grassement pour retaper la décrépite salle de billard qu'il vient de racheter à prix d'or à deux doigts d'un bail finissant. le Yougo a désormais beaucoup d'argent en poche: ses habitudes et son humeur change...

Charlie, le barman, va cristalliser la haine de toute une ville pour un homme mystérieux. Sous son seul regard s'alignent les obsessions curieuses d'une ville repliée sur elle-même, au coeur d'un hiver qui l'isole. Tout un troupeau d'hommes focalisé sur un être falot, quelconque, mais qui pourtant va...

La suite appartient au roman.

"Un nouveau dans la ville" (titre à mon sens représentatif du contenu mais peu porteur) est un roman "dur" de Simenon qui se plaisait à les nommer ainsi. Il est daté de 1950. Pas le plus connu certes, pas le plus réussi, mais existe t'il un mauvais Simenon ?

Loustal , en 2016, a illustré une réédition de ce court roman (Ed. Omnibus). Je suis curieux de voir comment il a pu rendre l'atmosphère lourde, pesante et tendue; la complexité des interactivités entre les protagonistes; les non-dits, les menaces à demi-mot, les sous-entendus menaçants; cette haine effrayante d'une ville à l'encontre d'un homme seul. Nul doute que le dessinateur a su user de dessins sombres, lourds de nuit, de brouillard, de pluie et de neige, de trottoirs mouillés, de devantures scintillantes.

Suivre Simenon, dans un cadre américain typique des années 40, m'a semblé totalement inattendu, étonnant, presque incongru. J'y ai cherché bêtement l'ombre lourde de Maigret, celle de sa pipe et de son chapeau. le shériff, personnage auquel Simenon n'a que peu recours, ne parvient pas à le remplacer et ne doit pas le faire. Simenon pose ainsi délibérément son roman en pur polar: la police n'intervient que peu, c'est une affaire d'hommes.

Comme d'habitude chez l'auteur, les hommes et ce qu'ils sont, montrent et cachent, pèsent plus que leurs actes. Simenon fouille les âmes, dissèque les personnalités au plus près des causes qui les ont fait naître, agir pour le bien, le mal ou dans l'entre-deux. Pas de manichéisme, tout se situe dans les gris de vies de personnages lambda.

Si vous lisez ce roman, en débutant de l'oeuvre de Simenon, ne vous y trompez pas: l'apparente simplicité du style cache la complexité redoutable d'une vraie étude de moeurs. Simenon pose un cadre, dresse des hommes les uns face aux autres en coeur d'un drame commun.

Et pour finir, presque en post-scriptum, j'ai trouvé en "Un nouveau dans la ville" un processus thématique presque similaire à celui contenu dans Bazaar de Stephen King. Un homme vient à Castle Rock, y ouvre le "Bazar des Rêves", chacun y trouve exactement ce qu'il désire profondément. Leland Gaunt, le propriétaire, à l'image d'un diable tentateur, dresse peu à peu les habitants les uns contre les autres, jusqu'au paroxysme final.
Lien : https://laconvergenceparalle..
Commenter  J’apprécie          70
N'ayant jamais lu de Simenon auparavant, j'étais assez curieuse de savoir si cela me plairait. Et la réponse est "oui", j'ai vraiment apprécié cette lecture, même si, au départ, j'avais du mal à m'expliquer pourquoi.

En effet, le style de l'auteur est simple et l'histoire aussi. Mais "simple" ne veut pas dire "pauvre". Si ses phrases semblent ordinaires, voire banales, il ne faut pas s'y fier car elles sont fluides et précises, et en peu de mots, il sait décrire un personnage, un lieu ou une ambiance.

D'ailleurs, je pense que tout est une question d'atmosphère. L'auteur a réussi à installer une ambiance assez pesante et un climat de mystère autour du "nouveau venu".

En plus, l'histoire est concentrée dans une seule rue de la ville, et l'action se déroule presque exclusivement dans un bar, ce qui donne un peu l'impression d'une sorte de huis-clos. A la limite, cela pourrait presque être une pièce de théâtre.

Mais c'est surtout à travers le patron de ce bar que le malaise s'installe, car dès le départ, il a une mauvaise opinion de l'inconnu, et cette impression ne fera que se renforcer au fil des pages. Et comme presque toute l'histoire est vue par lui, on est forcément gagné par les impressions et les mauvais pressentiments de ce personnage.

Car plus l'histoire avance, plus ce patron de bar est obsédé par le "nouveau" qui lui, de son côté, ne fait rien pour se rendre sympathique, il faut le reconnaître. On a même la nette impression qu'il se délecte du malaise qu'il provoque chez les autres, et qu'il entretient volontairement le mystère qui l'entoure, en ne révélant rien de lui-même et en ne répondant pas toujours quand on lui parle. A la façon dont il observe les gens sans rien dire, on a même l'impression qu'il les méprise et se moque d'eux intérieurement, ou pire encore, qu'il sait des choses sur eux.

Charlie - le patron du bar - est donc persuadé qu'il est mauvais, qu'il a de mauvaises intentions, et que s'il est venu dans cette ville, c'est pour se cacher car il a des choses à se reprocher.

Et durant tout le roman, il va faire des pieds et des mains pour "enquêter" sur lui, en contactant toutes les personnes qu'il connaît et qui seraient susceptibles de savoir quelque chose sur cet individu aussi antipathique que louche.

Et s'il finira par arriver à ses fins, c'est-à-dire à savoir qui est réellement cet homme et pourquoi il est venu dans cette ville, cette découverte aura un goût plutôt amer.

Dans ce court roman, le talent de l'auteur est donc de faire monter la tension progressivement. Car si Charlie est le plus hostile envers l'inconnu, les autres personnages - qui sont presque tous des clients du bar - ne l'aiment pas non plus et font des suppositions sur lui qui entretiennent cette sorte de psychose collective.

Ce qui ne veut pas dire qu'ils ont forcément tort, car certains actes et comportements de l'homme tendent à leur donner raison. On ne peut pas nier qu'il est bizarre, voire inquiétant, et que son influence sur certains habitants de la ville ne sera pas bénéfique pour eux.

On comprend rapidement aussi que la supposition selon laquelle il se cacherait dans ce petit bled est probablement bonne, car il est évident qu'il a peur qu'on découvre qu'il est là.

Tout est donc fait pour instiller le doute et l'appréhension chez le lecteur, tant l'ambiance est lourde de suspicion et d'attentes. D'autant plus que les informations que Charlie réussit à glaner petit à petit apportent autant de réponses que de nouvelles questions.

Jusqu'à la météo, qui n'arrange rien : il neige, il pleut, le ciel est plombé, et le temps semble comme suspendu. Les jours passent, mais lentement. Chaque jour ressemble au précédent et les clients du bar viennent et repartent avec une régularité de métronome. L'inconnu, en particulier, a des habitudes qui semblent immuables. du jour de son arrivée jusqu'à la fin du roman, ses journées seront organisées selon des horaires précises qui ne changeront qu'en de rares occasions. Et cette régularité même semble suspecte, et met à rude épreuve les nerfs de Charlie, qui le supporte de moins en moins au fil du temps.

Même s'il est surtout question de Charlie et de Justin Wars - le "nouveau"-, il y a toute une galerie de personnages secondaires qui sont très bien décrits. Fidèle à son style, l'auteur en dresse un portrait aussi bien mental que physique en quelques phrases. Bien sûr, les illustrations de Loustal aident à se faire une idée encore plus précise de leur apparence.

A propos des illustrations, même si ce style n'est pas exactement ma tasse de thé, je dois reconnaître qu'elles contribuent largement à installer l'ambiance pesante et l'atmosphère de grisaille hivernale. Rien qu'à les regarder, on se sent déprimé et on a froid. Elles complètent donc parfaitement le texte, et c'est le principal.


Conclusion : Un roman court à l'intrigue simple, mais dont l'ambiance lourde fait forte impression sur le lecteur et le plonge totalement dans l'histoire. La plume de l'auteur, simple et précise, est efficace et plante le décor en peu de phrases. Sans être extraordinaire, cette histoire m'a fortement marquée et l'ambiance est restée en moi bien après la fin de ma lecture, ce qui montre la force de cette écriture et m'a donné envie de découvrir d'autres ouvrages de ce célèbre écrivain.

Lien : https://leslecturesdegriboui..
Commenter  J’apprécie          60
En Amérique, dans les années cinquante, un homme mystérieux arrive dans une petite ville où tout est ordonné et monotone. Il prétend se nommer Julian Ward. le tenancier du bar le plus fréquenté se prend de curiosité pour cet étranger peu bavard et maître de lui, au point q'il échafaude à son égard de nombreuses hypothèse. Homme aigri? Gangster? Qui est-ce ?
On retrouve ici la facilité qu'avait Simenon de créer une atmosphère et de créer le mystère autour d'un personnage...Il est clair que ce texte a été vite écrit mais il y a de quoi s'interroger sur ce brio à bâtir une intrigue, à jouer sur les non dits et à nous pousser à nous poser des questions. L'art d'un grand écrivain...
Commenter  J’apprécie          50
Ecrit en 1949.
L'histoire se déroule dans une petite ville du Maine, aux USA. Un étranger s'installe et avec lui, une impression de malaise. C'est le barman Charlie qui raconte, enquête, cherche à comprendre pourquoi cet homme taciturne cherche à diviser la petite communauté qui, face à ce corps étranger, s'organise pour l'ostraciser.
J'ai aimé l'ambiance pesante de ce livre. L'hiver approche, la neige commence à tomber et la grippe s'installe. On sent le drame arriver…
Un livre qui fait certainement écho à la vie personnelle de l'auteur. Après la guerre, suspecté de collaboration, il est contraint de s'expatrier aux USA.
Commenter  J’apprécie          40
Un roman de la période américaine de Simenon, donc écrit dans l'immédiat après guerre. On oublie Maigret et ses enquêtes pour se plonger dans ce qui s'apparente à un duel psychologique entre deux protagonistes : l'un est cafetier dans le Maine et voit l'autre, parfait inconnu, prendre place dans son café, dans son village et dans sa vie. Ni le cafetier, ni les habitants du village, ni le lecteur ne comprennent les motivations profondes du « nouveau dans la ville ». C'est très bien écrit, avec une plongée au coeur des émotions des protagonistes et une intrigue qui se dévoile progressivement. J'ai trouvé ce roman très atypique : Simenon joue avec le lecteur qui doit deviner les intentions du personnage principal. L'ensemble est par ailleurs réédité avec des dessins de Loustal, qui est à mes yeux le Modigliani de l'illustration.
Commenter  J’apprécie          23




Lecteurs (121) Voir plus



Quiz Voir plus

Le commissaire Maigret

Quel est le prénom du commissaire Maigret ?

Hercule
Édouard
Jules
Nestor

12 questions
278 lecteurs ont répondu
Thème : Georges SimenonCréer un quiz sur ce livre

{* *}