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Le Tramway... Est-ce un tramway nommé désir ? Je vous avouerai que j'allais ici pour mes premiers pas dans l'univers littéraire de Claude Simon avec autant d'appréhension que d'une curiosité totalement débridée.
J'ai aimé emprunter ce tramway au ton mélancolique, dans ces allers-retours quotidiens entre le centre d'une ville de bord de mer et les abords d'une plage mondaine. Cette ville en bord de mer est sans doute Perpignan, qui fut la ville d'enfance de Claude Simon.
À cette lecture envoûtante, j'ai aimé devenir ce petit garçon qui empruntait autrefois ce tramway pour aller le matin à l'école et en revenir le soir.
Sur un texte dont la première approche n'est pas toujours aisée, j'ai aimé son rythme singulier, au gré d'un trajet quotidien qui devient vite un voyage, j'ai aimé entrer peu à peu dans la sensation du texte, dans la phrase qui s'enroule et se déroule, presque ensorcelante, le devenant sans doute totalement à la fin de ma lecture, l'enchantement continuant de se poursuivre quelques temps après aussi.
La forme narrative peut dérouter, puis finit par rassurer, pour finir par envoûter...
En 2001, Claude Simon publie son dernier roman, le Tramway, c'est un cheminement, son dernier cheminement. Peut-être faut-il voir dans ce dernier récit un signe prophétique de sa part, sentant la mort qui approchait ?
C'est un regard d'indulgence et de lucidité porté vers l'humanité, celle que Claude Simon a traversé durant son existence.
C'est un récit que j'ai trouvé intelligent, à facettes, tantôt à hauteur d'un enfant, tantôt à hauteur d'un vieillard malade, hospitalisé, presque moribond, ce vieil homme qui se souvient qu'enfant, dans la période entre deux guerres, il empruntait ce tramway pour aller à l'école, il se souvient du cinéma tout près de la première station, des villas des quartiers très riches que longeait la ligne venant s'épuiser sur les derniers rails recouverts de sable, presque jusque devant la mer...
Ce vieil homme qui se souvient, c'est peut-être lui Claude Simon, mais ce sont tant d'autres personnes, peut-être nous, qui sait ?
Ce sont des allers-retours incessants où le paysage physique pourrait finir par devenir immuable, s'il ne finissait par ressembler peu à peu au paysage de la vie...
Cela ressemble à un parcours initiatique où le petit garçon s'apprête à faire ses pas dans un monde plus grand que lui, un monde encore étranger à lui, qui le restera à jamais peut-être tant ce monde est semé d'embûches, tant ce monde est chaotique, un monde sans pitié et déjà en déclin, la guerre va venir qui va broyer des vies, la maladie plus tard aussi, celle qui va emporter sa mère si chère à son coeur, un monde où la mort est sans cesse omniprésente... Et pourtant...
Pourtant, dans son esthétique réaliste, ce texte a quelque chose de radieux, de solaire, de chaleureux... Ce récit devient vivant, animé comme des scènes filmées, des personnages montent, descendent du tramway, certains vont au plus près du conducteur comme ces gosses aux rires potaches qui chahutent dans la cabine, d'autres personnages continuent d'exister dans la rue, marchant, se dépêchant vers leur travail, traînant un peu, parfois amoureux, enlacés, forment presque un mouvement cinématographique à la façon d'un travelling, tandis que le tramway continue son trajet.
Il se détache ici un besoin d'altérité infini pour dire la manière d'affronter ce monde en proie au malheur.
Est-ce ce chaos apparent de l'écriture de Claude Simon qui permet de se raccorder au monde chaotique qu'il nous décrit dans ces flux de conscience qui viennent et reviennent comme le trajet d'un tramway entre un cinéma et une plage d'une ville de bord de mer ?
Il faut alors se laisser porter par la phrase, qui s'ouvre parfois sur des parenthèses comme si brusquement un endroit secret surgissait d'un chemin qu'on emprunte, il faut ne pas hésiter à aller plus loin, ressortir du trou percé par la parenthèse dans laquelle nous sommes tombé, en ressortir un peu sonné, continuer, lire à haute voix, il faut embrasser la phrase de Claude Simon à pleine bouche, façon french kiss. La façon d'écrire de Claude Simon m'a donné à voir qu'il revenait sur ses pas pour visiter cette phrase, l'ouvrir, la tailler puis la sculpter, y jeter d'autres mots, revenir comme un vieillard qui va mourir revient vers son enfance, l'école, le cinéma, sa mère qui le prenait dans ses bras, la plage au loin et le sable qui roulait sur les rails, notre vie est souvent cela, on ne sait jamais comment refermer la parenthèse qu'on a nous-mêmes ouvert dans nos propres existences avec ses failles, ses blessures et ses béances, on aime revenir à bord de ce tramway vers la plage de nos enfances, revenir en arrière, voir tous ses morts qui s'agglutinent sur le bas-côté, pour peu le tramway roulerait presque sur eux. Mais ils sont loin heureusement... Enfin, pas si loin que cela finalement...
Il y a quelque chose ici qui tient de l'entrelacement, de la dilatation du temps, de l'oscillation entre deux versants...
C'est un plaisir sensoriel, celui de la réminiscence, celui de la vision d'un paysage qui passe, que traverse un tramway parcourant nos vies.
Le temps qui passe, c'est aussi le temps qui reste, qu'il nous reste à vivre. le tramway n'en finit pas d'aller et venir entre cette ville et cette plage.
Le temps qu'il nous reste, c'est aussi le temps qu'il nous manque...
Jouir de cette littérature, exigeante oui, qui oblige forcément, pourquoi pas n'est-ce pas ? Sensuelle presque, puisqu'il s'agit de nous laisser entraîner par cette lecture et qu'il nous reste quelque chose après... Se laisser prendre, s'immerger dedans, c'est un texte qui parle plus à nos sens qu'à l'intelligence, je précise bien aux sens, tous les sens, les sensations qui nous permettent d'étreindre ce monde si impalpable à première vue.
Ces phrases longues qui succèdent à des phrases courtes, avec parfois des points de rupture, parfois juste avant la fin de la phrase, juste au bord du vide, cassant presque la syntaxe, ces phrases ne figurent rien d'autre que le tourment de l'existence... Bien sûr, cette langue particulière m'a rappelé l'écriture de William Faulkner, celle aussi d' António Lobo Antunes.
Cela oblige, cela déroute, cela peut agacer, cela embrase et ensorcèle.
Me prêtant à lire un ou deux extraits de ce récit à haute voix dans mon jardin, mais oui..., - j'ai quand même vérifié si les chats n'étaient pas aux alentours on ne sait jamais à propos de leurs réactions parfois imprévisibles -, j'ai découvert une mélodie de la phrase, une attention aux images aussi, au sens tactile, aux odeurs...
Ce tramway stoppé par le buttoir devant l'océan m'a donné une vision presque irréelle, magique, d'un tramway qui aurait pu un jour continuer son trajet sans jamais s'arrêter, aller s'engloutir dans les flots, continuer le voyage sous la forme d'un parcours en submersion, englouti, oubliant ce qui existait à la surface, peut-être offrir à cet enfant qui allait grandir la découverte d'autres mondes, s'échappant pour quelques instants ou pour toujours de celui qui déjà s'apprêtait à le happer, inexorablement.
La force de ce récit de Claude Simon me fait dire tout cela... Dans ce tramway nommé désir...
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Sens aller : Un homme qui se meurt dans un hôpital se remémore ses années d'enfance après-guerre traversées par un tramway allant de la ville à la mer.
Sens retour: un enfant attrape chaque jour le tramway au pied e son école qui le dépose au pied de la maison familiale, pendant qu'ailleurs on agonise à la ville.
Tout autre sens est hautement souhaitable.

Une vraie belle surprise sur ma route de découverte des Nobel: contre toute attente, je pense être (un peu) arrivée à entrer dans l'univers littéraire très particulier, peut-être emprunté qui se dégage de l'écriture de Claude Simon.

Les commentaires des uns et des autres, tantôt admiratifs tantôt plus que tièdes m'ayant laissée à équidistance entre envie et répulsion, il m'a semblé sage de commencer par un roman court, ce qui est le cas de ce Tramway.
Par ailleurs ce titre m'attirait, imaginant un moyen de locomotion qui entraîne le lecteur dans le monde de l'auteur : bingo, c'est un tramway magique dont le trajet lent et répété aide à se plonger dans les phrases sans fin, oublier les points et passages à la ligne, entrer en apnées régulières au creux des innombrables parenthèses, et donc par une sorte d'hypnose laisser se créer les images convoquées et reliées entre elles dans un rapport au temps déconstruit.

Sensation au final assez agréable de se couler dans les visions d'un autre, perception de réalités coexistant à travers des images imprimées au fond de la mémoire : expérience de lecture vraiment intéressante au final. Reste à trouver le moment adéquat pour une lecture plus longue comme La route des Flandres.
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Heureusement que ce livre est court car sa lecture est du genre rébarbative. Des phrases aussi longues que chez Proust mais sans l'ampleur et la mélodie. Au contraire la lecture est freinée par le nombre de parenthèses, ainsi parfois que par leur place dans la phrase. La ponctuation est parfois soudainement absente. Cela ne dessert pas forcément le propos de l'auteur, plaçant le lecteur dans le même brouillard que le narrateur qui depuis son lit d'hôpital se souvient du tramway de son enfance, mais c'est désagréable à lire, même le lire à haute voix n'aide pas. C'est plutôt du genre casse-tête, avec la nécessité de rechercher le début de la phrase, puis d'en faire l'analyse grammaticale, pour arriver à comprendre le sens de ce qu'on vient de lire. Par contre pour le fond, ce récit autobiographique est très intéressant. du fond de son lit d'hôpital un vieillard (l'auteur) légèrement désorienté se remémore son enfance à Perpignan (non nommée dans son récit), en particulier de ses trajets en tramway. Ce tramway dont la ligne allait du centre-ville où il allait à l'école jusqu'à la plage en passant par son domicile. Ce tramway sert de fil rouge entre les souvenirs d'enfance, et un portrait de la mère du narrateur qui ne s'en souvient pratiquement que triste voire dépressive (veuve de guerre) ou malade voire mourante. La façon dont l'auteur se sert aussi de ce tramway pour au passage dresser un portrait de la ville de Perpignan dans les années 20 est tout à fait remarquable. Mais malgré tout, une chose est à peu près sûre, je ne suis pas près de faire renter un autre livre de Claude Simon dans ma PAL !
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Un homme, gravement malade, est hospitalisé : au rythme des crues et décrues de sa fièvre, passent dans sa mémoire des souvenirs, suivant les allers-retours du tramway qui l'emmenait, enfant, à la ville et à l'école, pour revenir le soir vers la plage au bord de laquelle vivaient les riches et anciennes familles dans leurs belles villas.
Oui, ma phrase est longue, mais ça n'est rien à côté de celles de Claude Simon.
Et je n'ai pas ouvert de multiples parenthèses emboîtées, non plus.
Lui, si.
Le résultat est un roman court, mais absolument fascinant, impossible à quitter au risque de perdre le fil - et d'avoir à le repasser dans le chas de l'aiguille. Chas de l'aiguille au travers duquel l'auteur observe les lieux, les gens, les injustices sociales avec un talent absolument unique, une écriture qui ne peut être comparée à aucune autre. Comme c'est beau !
La lecture de Claude Simon m'a été recommandée 3 fois : la première en octobre 1985 par le jury du prix Nobel. La seconde une semaine plus tard par mon aimable belle-mère : "Tu ne connaissais pas Claude Simon ? J'en ai plein, si tu veux je t'en prête... mais je ne suis pas sûre que tu aimes." Et la gagnante est donc Allantvers, dont la critique du Tramway m'a convaincue que l'heure était venue...!
Challenge Nobel
Challenge Départements
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Mon premier livre de Claude Simon et je dois dire que j'ai aimée cette manière si particulière de décrire des moments de vie, où tout est là... tout se rejoint...
Une manière de décrire assez extraordinaire....poétique, précise, envoutante...

Je me réjouis de découvrir d'autres oeuvres de ce magnifique écrivain...
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Comme toujours chez C. Simon, ce n'est pas l'histoire qui compte mais le chemin des personnages rendus à leur densité grâce à l'écriture, le quotidien, les souvenirs ou le mouvement de la pensée suivent le passage du tramway. Il s'agit bien d'une succession de micro-évènements ou de micro-rêveries suscités par le passage du tramway. La précision délicate de l'écriture étire langoureusement chaque description ou chaque pensée jusqu'à en faire un tableau parfois abstrait ou surréaliste. La somme des tableaux peint par C. Simon donne une vague impression des personnages et de ce qu'ils sont. le lecteur a aussi l'impression de passer dans leur vie comme le fait le tramway au milieu de cette cité balnéaire.
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(copier-coller depuis mon blog)

En matière de lecture, je n'aime pas rester sur une défaite et d'avoir interrompu la lecture du tramway il y a quelques années, en fut une. Je m'étais juré d'y revenir et j'ai profité du propos d'une quincaillière me laissant entendre que je ne lisais jamais de roman de la mouvance nouveau roman (dont aujourd'hui les auteurs publiés aux éditions de minuit poursuivent un peu le projet), pour y revenir. Je viens de le terminer ce soir un oeil sur ma liseuse et l'autre sur la deuxième saison de Broadchurch (série anglaise potable, en tout cas moins pire que d'autres). Admirez la prouesse : lire du Claude Simon, l'un des auteurs les plus difficiles qui soit tout en faisant autre chose ! Autant faire cuire des oeufs et préparer une vinaigrette en même temps. Et mieux encore, je n'ai pas perdu le fil de l'histoire.

Je ne sais pas si mes trois lecteurs connaissent Claude Simon (prix Nobel de littérature en 1985 décédé en 2005) mais dès les premières lignes où l'auteur explique le fonctionnement de la manette de pilotage d'un tramway, on voit déjà qu'on ne lit pas quelque chose de commun.

L'un qui ne connaîtrait pas la prose de Simon et qu'on n'aurait pas averti serait déjà tombé de sa chaise. Toute l'oeuvre de l'auteur se résume dans ses quelques lignes (je me souviens que dans la route des Flandres, il lui avait fallu trois pages pour expliquer le dysfonctionnement de la serrure rouillée d'un poulailler), mais je vous rassure Claude Simon ne s'occupe pas uniquement des objets, au contraire même, il y a bien comme ça dans ses romans - un peu comme des parenthèses - des descriptions précises de 'choses' souvent mécaniques mais l'essentiel chez Simon, ce sont les sensations, ce que le tri accompli par la mémoire nous laisse de souvenirs épars et en l'occurrence ici, le narrateur est un vieillard gisant dans une chambre d'hôpital (à Paris je crois) et qui se souvient de sa jeunesse au lendemain de la première guerre mondiale dans une ville de bord de mer dont un tramway reliait le centre à la côte. Il se souvient qu'il l'empruntait pour aller et rentrer du collège, de la vie autour de ce véhicule, des hommes mutilés par la guerre, et du quotidien autour du trajet, les différences de classe et puis très vite la lente agonie de sa mère (son père était mort au combat) rongée sans doute par le crabe. Devenu orphelin, il est pris en charge par son oncle et sa tante ou que sa tante, je ne sais plus, (avec Simon, on a le droit de ne pas tout suivre). Mais comme je le stipulais, le récit qui n'est pas linéaire s'avère être plutôt une succession aléatoire de tableaux de cette jeunesse jaillissant au gré des poussées de fièvre du narrateur dans sa chambre d'hôpital où sa vie ne tient qu'à des tuyaux et des bonbonnes de gaz.

On a tort de considérer Claude Simon comme élitiste ou pompeux. Quand on sait à quoi s'en tenir et bien, cela se lit assez agréablement. Et puis quelque part, il n'y a pas plus vrai que cette littérature. A l'orée de la mort, fiévreux et branché de toute part, que peut-il traverser notre esprit si ce ne sont des bribes, des sensations voire même quand on sombre dans une demi-conscience des détails incongrus dont l'intérêt peut échapper au bien-portant ? N'est-ce pas ce qui nous arrive à tous lorsque malades et parvenant à trouver le sommeil 5 mns, des rêves étranges naissent de la fièvre ?

Je ne suis pas le meilleur commentateur de Claude Simon. Il a ses adeptes qui se réunissent parfois secrètement en colloques (dans un château de Cerisy-la-Salle) lors desquels j'imagine on ne doit pas beaucoup se marrer (mais peut-être quand même plus qu'à un spectacle de Anne Roumanov ou lors d'un meeting de l'ump) .Vous savez, entre eux, les intellos ne se racontent pas de blagues de Toto mais ils possèdent leur propre sens de l'humour, un peu comme ceux qui s'esclaffaient lors de l'émission Apostrophe sur des sujets ne prêtant pas pourtant à l'hilarité.

éditions de minuit, 2001, 144 pages, lecture sur kindle en avril 2015. note : 4/5
Lien : http://doelan.blogspirit.com..
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Ayant refermé le livre plutôt satisfaite et ne comprenant décidément pas pourquoi plus aucun souvenir ne m'était resté de ma lecture précédente, qui pourtant avait bien eu lieu puisqu'en témoignaient non seulement ces deux étoiles sur mon Babelio, mais encore ce volume que j'avais du acheter et qui figurait en bonne place sur la bibliothèque du salon, parmi les autres volumes du même auteur ; lecture que j'avais néanmoins oubliée au point d'emprunter un exemplaire en tout point identique à la bibliothèque universitaire, dans le but de combler ce que je pensais être une lacune de ma connaissance de cet auteur.
Tout en contemplant depuis le balcon la circulation des nombreuses voitures et des plus rares piétons et cyclistes, je cherchais dans ma mémoire dans quelles circonstances – sans doute troublées – j'avais pu lire une première fois ce livre, dans une fourchette temporelle se situant entre ma mutation à Perpignan (puisque c'était pour la description de la ville que j'avais voulu le lire) et une période plus proche mais suffisamment éloignée pour avoir eu le temps de s'effacer complètement de ma mémoire. La logique me suggérait deux hypothèses : d'une part une lecture à mon arrivée à Perpignan, qui ne m'aurait pas marquée parce que ne connaissant pas la ville ma pensée n'aurait pas relié à des images précises ce récit, cette période de ma vie étant en outre baignée dans le brouillard de la fatigue car je venais tout juste de commencer mon travail à la bibliothèque, et dans cet état de vide et d'isolement où me plongeait l'absence de Mathieu resté à Grenoble et qui ne devait me rejoindre qu'au bout d'un an ; d'autre part ma seconde hypothèse optant pour une lecture précédant ou succédant à ma grossesse, mes préoccupations étant alors entièrement tournées vers les bébés et ma fatigue touchant des sommets jamais atteints, bien que j'aie gardé des souvenirs d'autres lectures (profondes ou parfaitement futiles) de cette époque.
Le tramway me touchant désormais doublement, par l'évocation de cette ville qui était désormais la mienne et que je reconnaissais en même temps que je percevais les profonds changements qu'elle avait subi depuis les souvenirs décrits dans le livre, et en premier lieu la disparition du dit tramway, séparant durablement, malgré la voie rapide et la ligne de bus dont j'observais les allées et venues depuis mon balcon, la ville de la cote ; notre appartement donnant précisément sur le début de la route menant à la mer, peut-être sur le trajet même de l'ancien tramway ; me touchant aussi par l'expérience du séjour hospitalier du narrateur à laquelle, ayant passé plusieurs mois à l'hôpital avant et après la naissance des enfants, je pouvais désormais m'identifier, reconnaissant dans les attitudes des soignants et l'esprit flottant du patient comme quelque chose d'universel, n'ayant en tout cas guère évolué depuis la période de rédaction du livre.
Le tramway faisant pour moi comme pour Claude Simon la liaison entre une ville et une expérience traumatique, à cette différence près que le traumatisme a été pour moi une (double) naissance quand pour l'auteur il s'agissait d'une mort (celle de sa mère mais aussi en filigrane la sienne, ou en tout cas – c'était son dernier livre – une certaine déchéance de la vieillesse se rapprochant étrangement de mon état pendant la grossesse, notamment cette difficulté à respirer, cette faiblesse, le moindre geste demandant un effort inhumain, et cette médicalisation d'un état finalement naturel). A cette différence aussi que Perpignan incarnait pour l'écrivain la ville d'origine, familière et lointaine car l'ayant depuis quittée, quand pour moi elle était la ville d'arrivée, étrangère, et qui devient au fil du temps de plus en plus familière ; Simon témoignant d'un enlaidissement progressif qui m'a été donné à voir d'emblée, la ville ayant depuis passé à un degré supérieur de laideur, avec ses centres commerciaux qui rendent en comparaison plutôt excessive l'animosité de l'auteur envers les tuiles mécaniques, tandis que sont laissées à l'abandon les riches demeures de l'entre deux guerres. Et moi ayant eu d'emblée cette laideur sous les yeux (le HLM en face de notre balcon déployant ses fenêtres sans volets sur la place entièrement bétonnée que les trop rares pluies ne suffisent pas à laver des déjections canines, mais rendue tolérable voire agréable par la présence de trois jeunes mimosas fleurissant de jaune vif au coeur de l'hiver), je découvre progressivement les charmes cachés de Perpignan, apprenant à comprendre et à aimer les contrastes d'une ville qui ne cesse de se « renier » elle-même. le livre de Claude Simon constituant en quelque sorte le négatif, la parfaite symétrique, de ma propre expérience : mon arrivée à Perpignan et la naissance de mes enfants s'inscrivant en relief correspondant au creux de l'auteur retraçant la mort de sa mère et son départ de la ville, dans ces longues phrases d'une précision mathématique, avec ces participes présents, qui dès la lecture de la route des Flandres avaient sonné à mon oreille comme un parler familier, au point qu'après l'avoir lu je ne pouvais m'empêcher de penser dans ce style qui venait naturellement, comme une langue maternelle réactivée après une longue absence d'un pays qu'on aurait quitté.
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Claude Simon est un écrivain français, né en 1913 à Tananarive (Madagascar) et mort en 2005 à Paris. Prix Nobel de littérature en 1985, il s'est également intéressé à la peinture et à la photographie. le Tramway est paru en 2001.
« Un tramway relie une ville de province, [Perpignan qui n'est jamais citée où l'écrivain passa une partie de sa jeunesse], à la plage voisine, distante d'une quinzaine de kilomètres. Aux heures matinales, il fait accessoirement office de ramassage scolaire. Ses allées et venues d'un terminus à l'autre entre les ondulations des vignes ponctuent le cours des vies, avec leurs menus ou cruels événements. Les lieux où se déroule l'action sont principalement le bord de mer, une maison de campagne, la ville qui peu à peu se modernise, un court de tennis. Dans sa fragilité, la vie s'acharne par ailleurs à poursuivre son cours à travers les dédales des couloirs et des pavillons d'un hôpital, et d'infimes coïncidences amènent parfois les deux trajets à se confondre. »
Je ne vais pas faire l'innocent et m'étonner de cet étrange ouvrage. L'écrivain est assez connu pour que j'en aie une idée depuis bien longtemps, raison pour laquelle d'ailleurs, je n'avais jamais ouvert l'un de ses romans. Néanmoins, seule la confrontation avec son texte pouvait me permettre d'en tirer un avis certain. A lire ces propos liminaires, vous devinez déjà ce que je pense de ce roman, j'ai détesté, ou disons le autrement, je ne suis pas du tout amateur de cette littérature.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, semble être la devise de l'écrivain dont l'oeuvre est assimilée au Nouveau Roman. Ce qui tue un lecteur lambda, dans mon genre, c'est le style adopté, de longues phrases interminables (exemple : celle qui commence p.64 et se termine P.67), ponctuées de multiples parenthèses y incluant des digressions ou apartés qui rallongent le texte à n'en plus finir. Certains y verront un style proustien, mais dans le sens où l'emploient péjorativement ceux qui n'aiment pas cet écrivain (ce qui n'est pas mon cas), pour dire que ça tire à la ligne et qu'on s'ennuie à mourir.
Il arrive que l'écrivain s'exempte de ponctuation ou de majuscule aux mots commençant une phrase. Je ne goûte pas du tout ce genre de procédés, casser les règles d'écriture ou de syntaxe pourquoi pas, si cela apporte un plus ; mais là, je n'en vois pas l'intérêt. Résultat, on peine à comprendre ce qu'on lit, obligé pour ainsi dire d'ânonner comme un gamin pour déchiffrer le texte. Toutes ces afféteries de style n'ont pour résultat que de gommer toute émotion. Je savais que Claude Simon n'était pas un écrivain pour moi, j'en ai la certitude désormais. Seul point positif, le roman est très court et toutes les bibliothèques municipales ont cet auteur à leur catalogue, chacun peut donc facilement s'en faire sa propre opinion à moindre frais.
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Un petit livre dont je ne connaissais pas du tout l'auteur, qui pourtant est prix Nobel de littérature.

Pour tout dire, je l'ai récupéré lorsqu'une de mes filles s'en est allée voler de ses propres ailes et qu'elle vidait sa chambre. C'est un livre qu'elle avait dû lire pendant ses études secondaires.

Le narrateur nous parle du tramway qu'il prenait lorsqu'il était enfant pour aller à l'école, Ce tramway reliait Perpignan à la plage voisine. Son trajet était de 15 km. Il passait dans des quartiers cossus, aux bords de vignes et le long de la mer. Au cours du temps la ville se modernise , des quartiers sont rasés, la vie continue cependant mais plus rien n'est vraiment comme avant.

En parallèle, un peu comme une métaphore, le narrateur nous parle également de sa mère malade, à l'hôpital , en fin de vie et de sa propre hospitalisation lorsqu'il a atteint lui aussi le soir de sa vie.

Peu d'action ou d'aventure dans ce livre, une sorte de longue réflexion métaphorique faite de longues voire interminables phrases qui font parfois 4 pages . Ces phrases sont entrecoupées de parenthèses (digressions qui éloignent parfois de l'idée première de la phrase. Et il nous faut la décortique, classer, trier pour mieux comprendre.

Que retenir ? qu'en penser ? Disons que j'ai fait la connaissance de cet auteur et de sa manière d'écrire qu'on ne retrouve quasiment plus aujourd'hui. Cela m'a fait penser à une sorte de gymnastique du cerveau : décontenancée au début du livre, par la suite je me suis habituée à cette manière d'écrire et je le lisais plus aisément. C'est un entraînement que de lire cette littérature. Je ne pense pas que je lirai autre chose de cet auteur. La métaphore est plaisante aussi entre le tramway et la vie. Mais n'est-ce pas devenu un peu cliché?






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