« Sa particularité, dans le paysage littéraire italien de son époque, est triple :• D'abord, c'est un poète du Sud « non sicilien », si l'on peut dire, et la source de son oeuvre se trouve dans les paysages de son enfance en Basilicate, l'ancienne « Lucanie » qui fut la patrie d'Horace : une partie de ses efforts ont été consacrés à cette identité d'« Italien du Sud » (dont il prit conscience en allant travailler au Nord) en référence à la Grande Grèce, et à l'ancrer dans la culture européenne par double référence à l'héritage grec (il traduisit des poètes de l'Anthologie palatine) et latin (la référence à
Virgile, essentiellement, qu'il partage avec le jeune Luzi).• Ensuite, par sa formation, c'est un scientifique, un ingénieur : une partie de ses textes en prose est consacrée à réfléchir sur les liens entre la poésie et la science en des termes dont l'originalité n'a pas encore été suffisamment reconnue (Horror Vacui, Furor mathematicus, Quaderno di geometria). Il fut notamment l'éditeur de l'importante revue Civiltà delle macchine, qui contribua à décrire l'apport de la technique comme source d'inspiration pour la poésie, dans une étroite proximité avec
Léonard de Vinci ; c'est probablement dans ce goût pour les convergences entre poésie et démarche scientifique qu'il faut chercher l'une des raisons de son intérêt pour Valéry.• Enfin, Sinisgalli fut l'un des grands critiques d'art de son temps, et, au cours de sa carrière professionnelle dans de grandes entreprises italiennes, il contribua de façon notable à faire connaître les « stylistes » (
Bruno Munari notamment) qui, en Italie, ont renouvelé la publicité, le design, l'architecture d'intérieur, la typographie et les maquettes éditoriales dans les années 50 et 60 ; cette histoire reste largement à écrire, quoique plusieurs expositions aient déjà été consacrées à faire connaître l'action de Sinisgalli dans ces domaines. Parallèlement, il fut collectionneur et ami des peintres de son temps. »
Jean-Yves Masson.
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